Égypte: une décennie de révolution ... une décennie noire pour les droits de l'homme

misr25janv

Les Égyptiens vivent le dixième anniversaire des chants de la révolution: «Vivre - liberté - justice sociale», ces chants et ces foules qui représentaient une bouée de sauvetage pour sortir de l’état de tyrannie politique et renverser l’ancien président Mohamed Hosni Moubarak, ont permis au peuple égyptien de s’orienter vers la démocratie en élisant  le président Mohamed Morsi qui a été le premier président civil démocratiquement élu en dehors de l'establishment militaire. Cependant l'espoir n'a pas duré longtemps, et le pays est entré dans un tunnel sombre depuis le coup d'État militaire dirigé par l'actuel président Abdel Fattah Al Sissi.
Cependant, cela semble être la première fois que les appels à la protestation sont absents des rues pour commémorer la révolution du 25 janvier 2011, en conjonction avec des mesures de sécurité strictes dans la capitale Le Caire et le reste des gouvernorats. Le Premier ministre égyptien Mostafa Madbouly a décidé de renvoyer certains crimes du parquet aux tribunaux de sûreté de l'état d'urgence à la veille de l'anniversaire du 25 janvier et selon ce qui a été publié au Journal officiel, ces crimes comprenaient: le rassemblement, la perturbation des transports, l'intimidation,la menace et la perturbation de l'ordre public. Le Parlement égyptien a approuvé il y a quelques jours la décision de prolonger l'état d'urgence dans tout le pays pour une période de 3 mois par crainte de toute manifestation qui dénoncerait les mauvaises conditions de vie et l'assombrissement de la scène politique dans le pays.
À l'approche du dixième anniversaire de la révolution du 25 janvier, les forces de sécurité ont lancé une campagne pour arrêter les citoyens et fouiller leurs téléphones dans les rues du Caire, selon ce que des sources des droits de l'homme ont documenté, mais certains attribuent l'absence de célébrations de l'anniversaire de la révolution aux mesures de précaution dans la lutte contre la pandémie de Corona car le virus se propage dans tout le pays déjà en manque de structures de santé, en pénurie de fournitures médicales et en l'absence de soins de santé, en particulier dans les prisons et les centres de détention.
Au cours des dix dernières années, Alkarama a suivi l' alarmante et horrible détérioration  de la situation des droits de l'homme en Égypt. Alkarama a soumis des dizaines de plaintes individuelles aux procédures spéciales des droits de l'homme des Nations Unies et a également soumis des rapports dans le cadre de l'Examen périodique universel sur la situation des droits de l'homme dans le pays.
Par exemple, le 28 mars 2019, Alkarama a soumis son rapport parallèle au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, dans lequel il s'est concentré sur la pratique systématique de la détention arbitraire et de la torture, et a souligné le crime répandu de disparition forcée, ainsi que sur la loi antiterroriste vague et incomplète de 2015 qui a légalisé la répression systématique des militants des droits humains, des journalistes et des dissidents pacifiques. 
Alkarama a également fait part de ses préoccupations concernant le recours à la peine de mort comme moyen de réprimer les voix dissidentes et les personnes qui exercent leur droit fondamental à la liberté d'expression, ainsi que le fait de ne pas ratifier les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l'homme et les représailles contre les collaborateurs des des mécanismes de droits des Nations Unies.
Dans son rapport, Alkarama s'est dit préoccupé par le fait que l'Égypte n'avait pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui permettent de soumettre des plaintes individuelles au Comité des droits de l'homme ainsi que l'abolition de la peine de mort.
L’Égypte n’a pas non plus ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture relatif à la création d’un mécanisme national de prévention, ni le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
En outre, le rapport a mis en garde contre l'intimidation et les représailles du gouvernement contre les militants, les journalistes, les avocats et les individus coopérant avec les experts de l'ONU.
En ce qui concerne les plaintes individuelles, le 10 juillet 2013, Alkarama a déposé une plainte auprès des Nations Unies, appelant à une intervention urgente auprès du régime militaire pour protéger, le président Mohamed Morsi, ses conseillers et des membres légitimes du gouvernement, de la torture et exiger leur libération.
Par la suite, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, composé de cinq experts indépendants, a publié une résolution le 13 novembre 2013 appelant le régime égyptien à libérer le président Morsi et ses compagnons, considérant que «priver Morsi et ses conseillers de la liberté est arbitraire».
Plus tard, des experts indépendants des Nations Unies ont déclaré: "Les conditions dans les prisons égyptiennes, des cinq années passées dans la prison de Tora, ont directement conduit à la mort de l'ancien président égyptien Mohamed Morsi".
Ils ont indiqué que ce qui est arrivé à Morsi pourrait équivaloir à «un meurtre arbitraire avec l'approbation de l'État».
La politique systématique de répression et de violations en Égypte a provoqué de larges réactions la condamnant, dont la plus récente est la décision du Parlement européen qui comprend 19 points, dont le plus important est l'appel à un examen approfondi et complet des relations de l'Union européenne avec l'Égypte, car «la situation des droits de l'homme  nécessite un examen sérieux», selon le texte de la résolution. La résolution a également appelé les pays de l'Union européenne à envisager de prendre des mesures restrictives à l'encontre de hauts responsables égyptiens impliqués dans de graves violations.