"Les Etats qui veulent renforcer leur sécurité en usant de la torture pratiquent une forme de terrorisme," a dénoncé jeudi à Genève l'ex-prisonnier de Guantánamo Sami El Haj. Ce journaliste soudanais, jamais reconnu coupable, a témoigné de ses sept années de détention dans le camp.
«Les droits humains et la sécurité ne sont pas séparables. Un Etat qui veut la sécurité se doit de respecter les droits fondamentaux des individus», a déclaré Sami El Haj, en visite au Club de la presse. Après avoir été libéré en mai de Guantánmo, il est le premier des ex-détenus du camp à pouvoir voyager librement.
«Il est difficile de laisser dans son dos des gens qui endurent encore une grande souffrance physique et psychologique. Certains des prisonners ont totalement perdu la raison», a expliqué le journaliste. A l'heure actuelle, Guantánamo compte 269 prisonniers et 500 ont été liberés depuis son ouverture en 2002.
Arrêté en décembre 2001 sur la frontière pakistanaise alors qu'il effectuait un reportage pour la chaîne de télévision Al- Jazira, M. El Haj veut faire reconnaître le caractère arbitraire des détentions de la «guerre contre le terrorisme».
«On m'a apprehendé alors que tous mes papiers étaient en règle, m'accusant d'avoir filmé Oussama Ben Laden. Une fois livré aux Etats-Unis, ceux-ci ont reconnu qu'il y avait eu une erreur mais qu'il me fallait 'patienter'», a relaté M. El Haj. Constamment humiliés
Maltraitance sur les prisonniers
A Guantánamo Sami El Haj a été témoin et a lui-même éprouvé la maltraitance et la torture, qui lui causeront une déchirure des ligaments. «La perturbation du sommeil, l'éclairage permanent, le tranfert toute les deux heures dans une nouvelle cellule, l'utilisation de drogues ou de chiens pour apeurer les prisonniers et les vexations sexuelles constituent d'autres exemples d'abus», a- t-il dit.
Dans le camp, les prisonniers, tous musulmans, sont constamment humiliés. «J'ai vu de mes propres yeux, des gardiens piétiner et déchirer le Coran ou écrire des phrases blasphématoires. Ils enveloppaient également les détenus dans le drapeau américain ou israélien», a affirmé le journaliste.
«Nous étions privés de toutes nos droits les plus fondamentaux. Aucun contact avec la famille, pas de liberté de culte ni de possibilité de défendre notre cause devant des tribunaux indépendants», a-t-il souligné.
Fermer le camp
Sami El Haj a tenu à souligner qu'il ne gardait aucune rancoeur envers le peuple américain de ses sept années emprisonné comme «combattant ennemi». «Il faut distinguer les gens de leur gouvernement. Des Américains m'ont également apporté leur soutien».
Le Soudanais, actuellement en charge de la rubrique «Droits de l'homme et liberté» sur Al-Jazira, a déploré que ces violations «émanent d'un pays qui se veut garant des droits humains». «Ces droits doivent être défendus en tout temps, ils ne sont pas un supplément que l'on accorde seulement en temps de paix», a-t-il insisté.
Soutenu par les institutions internationales et diverses ONG, Sami El Haj appelle la fermeture de Guantánamo et se bat désormais pour faire reconnaître l'arbitraire de ces détentions par l'ONU. Pour les ex-détenus du camp, il est difficile de faire valoir leurs droits auprès de tribunaux aux Etats-Unis car une des clauses de leur libération les exclut à vie du territoire américain.
© Tribune de Genève (Online), 26 juin 2008