Alkarama a saisi le Rapporteur spécial sur la torture le 24 décembre 2009 pour lui demander d'intervenir auprès des autorités yéménites et les interpeller à propos de la situation de M. Suleiman.
M. Abdelghani Ahmed Hussein SULEIMAN est âgé de 38 ans et enseignant. Né en Arabie Saoudite où il a toujours vécu, il est de nationalité pakistanaise. Il est marié avec une ressortissante yéménite qui résidait également en Arabie Saoudite et a trois enfants.
Arrêté par les autorités saoudiennes sans aucun motif légal, il a été détenu au secret dans ce pays pendant deux mois avant d'être expulsé, au mois d'août 2007, par la force, vers son pays d'origine, le Pakistan, pays dans lequel il n'avait pourtant plus aucune attache.
Son épouse a, pour sa part, été expulsée avec ses enfants vers le Yémen, deux mois après le renvoi forcé de son mari.
A la mi-avril 2008, M. Suleiman s'est rendu au Yémen muni d'un visa de séjour pour voir son épouse et ses enfants et tenter de trouver une solution pour réunir sa famille.
Le 28 avril dans la soirée, il est arrêté sur la voie publique et emmené dans un véhicule des services de la sécurité politique (Al Amn Assiyassi). Quatre heures plus tard, il est ramené au domicile familial les mains menottées derrière le dos et les pieds entravés, accompagné d'agents des mêmes services qui y ont effectué une perquisition sans mandat. Certains agents étaient en civil et d'autres portaient la tenue officielle.
Il a ensuite été emmené vers un lieu inconnu et n'a plus donné signe de vie durant deux mois. Ce n'est que par l'intermédiaire d'une personne libérée du centre de détention de la sécurité politique de Sana'a que le lieu de détention a été connu ; alors que les autorités niaient le détenir. Aucun avocat n'a pu l'assister en l'absence d'une procédure légale engagée contre lui.
Après 20 mois de détention au secret au centre de la sécurité politique de Sanaa, M. Suleiman a été transféré le 21 décembre 2009 au centre de détention des réfugiés de Bir Abid de Sanaa où sont détenues habituellement les personnes étrangères en instance de refoulement ou d'expulsion vers le Pakistan.
La famille est d'autant plus préoccupée que la torture reste une pratique courante au Pakistan et que de nombreuses personnes ayant fait l’objet de renvois forcés vers ce pays ont été arrêtées, détenues au secret pendant une longue période et torturées.
Alkarama avait déjà saisi le 3 décembre 2008 le Groupe de travail sur la détention arbitraire afin qu'il constate l'arbitraire de la détention et intervienne auprès des autorités yéménites.
Nous rappelons que le Comité contre la torture vient de procéder, le 3 novembre 2009, à l'examen du rapport périodique du Yémen et a constaté dans ses Observations finales que les détenus devraient bénéficier du droit d'être informés de leurs droits au moment de l'arrestation, y compris au sujet des accusations portées contre eux, ainsi que de comparaître devant un juge dans un délai en conformité avec les normes internationales.
L'organe onusien recommande aussi aux autorités yéménites de veiller au respect de l'article 3 de la Convention qui interdit l'extradition ou le refoulement vers un pays pratiquant la torture. Dans ce sens, les experts conseillent à l'Etat d'examiner avec soin chaque cas particulier et veiller à la mise en place de mécanismes judiciaires appropriés permettant le réexamen de la décision.