Yémen: Détention arbitraire de trois personnes depuis plusieurs mois dans le cadre de la "lutte contre le terrorisme"

MM. Al-Nawar, Al-Qadasi et Al-Saffi ont tous trois été arrêtés par les services de la sécurité politique (Al Amn As-Siyassi) sous prétexte de la lutte antiterroriste et sont détenus arbitrairement depuis plusieurs mois sans avoir été présentés devant la justice.

Alkarama s'est adressée le 28 mai 2010 au Groupe de travail sur la détention arbitraire lui demandant d'intervenir auprès des autorités yéménites afin que les trois détenus soient placés sous l'autorité de la loi ou libérés.

M. Ibrahim Ali Mathni AL-NAWAR, âgé de 25 ans, célibataire, est étudiant et réside à Sanaa. Des agents des services de la sécurité politique ont violemment investi le domicile de la famille Al-Nawar le 17 décembre 2009 à l’aube. Ils ont procédé à une perquisition sans aucun mandat de justice. M. AL-NAWAR a été emmené au centre de détention des services de la sécurité politique de Sanaa sans mandat de justice et sans que les raisons de son arrestation ne lui soient notifiés. Jusqu’au 09 février 2010, il a été privé de tout contact avec le monde extérieur. Sa détention s’inscrit dans la vague d’arrestations opérées par les autorités en décembre 2009. Il reste détenu au centre de détention des services de sécurité politique de Sanaa.

M. Moad Hael Ahmed AL-QADASI, âgé de 22 ans, célibataire, étudiant, réside à Sanaa. Des agents des services de la sécurité politique ainsi que des forces spécialisées dans la lutte antiterroriste ont violemment investi le domicile familial le 24 septembre 2009 en pleine nuit et ont procédé à sa fouille complète sans aucun mandat de justice. Ce sont d’abord le père de la victime ainsi que ses deux frères Bassem et Fawaz AL-QADASI qui ont été emmenés. Certains voisins et proches de la famille ont également été arrêtés. Le frère aîné de la victime, Nabil AL-QADASI qui réside près de l’immeuble où habite la famille l’a été à son tour. Si le père et les voisins de la victime ont été relâchés le jour suivant, Nabil AL-QADASI a lui été libéré quatre semaines plus tard ; quant aux deux autres frères, ils l’ont été plus de deux mois après leur arrestation. M. Moad AL-QADASI a été privé de tout contact avec le monde extérieur pendant près de deux mois et reste détenu au centre de détention des services de sécurité politique de Sanaa.

M. Nawfal Moslih Saad AL-SAFFI, âgé de 26 ans, étudiant à l’université de Sanaa, résidant à Sanaa a été  quant à lui arrêté le 17 janvier 2010 au domicile familial. Des agents des services de la sécurité politique accompagnés de militaires ont procédé à une fouille du domicile sans aucun mandat de justice. Ils ont ensuite emmené M. Nawfal AL-SAFFI vers l’un des quatre véhicules militaires présents et conduit au centre de détention des services de la sécurité politique de Sanaa où il reste détenu à ce jour. Pour information, quelques jours avant son arrestation, son frère Nachwane AL-SAFFI avait lui-même été arrêté par des agents des services de la sécurité politique dans la boutique appartenant à la famille qu’il tient et a été libéré juste avant l’intervention au domicile de la famille.

Les familles respectives craignent toutes que leur détention ne s’inscrive dans la politique de lutte contre le terrorisme menée par les autorités qui s’avère être dans les faits de véritables campagnes d’arrestations qui se succèdent dans le pays.

Il convient par ailleurs de relever que les modalités d’arrestation de M. Moad AL-QADASI et de M. Nawfal AL-SAFFI sont une nouvelle illustration des pratiques émanant tout particulièrement des services de la sécurité politique qui consistent à arrêter les proches des personnes suspectées d’infractions pénales et les détenir dans l’unique but de faciliter l’arrestation des suspects et qui tendent manifestement à se généraliser au Yémen.

A ce jour, M. Ibrahim AL-NAWAR, M. Moad AL-QADASI et M. Nawfal AL-SAFFI n’ont pas été présentés devant un magistrat pour être inculpés formellement, ni n’ont reçu notification d’une quelconque procédure intentée contre eux, et n’ont pas eu accès à un conseil ou à une procédure légale de recours pour contester la légalité de leur mise en détention.

Ils ignorent donc après plusieurs mois de détention les motifs légaux pour lesquels ils sont détenus, la durée des mesures dont ils font l’objet et le sort qui leur sera réservé.

Dès lors, il ressort clairement que ces  personnes sont actuellement détenues en dehors de toute procédure judiciaire et ce, en violation tant de la législation nationale en vigueur au Yémen que des normes internationales.

Il faut relever que le Comité contre la Torture à l’occasion de l’examen du dernier rapport périodique du Yémen a souligné dans ses observations finales provisoires  (CAT/C/YEM/CO/2) en date du 3 novembre 2009 qu’il restait gravement  préoccupé par l’incapacité de l’Etat à offrir dans la pratique à tous les détenus, y compris ceux placés dans les prisons de sécurité de l’Etat, toutes les garanties fondamentales dès le début de la détention, notamment le droit de communiquer sans délai avec un avocat  et de bénéficier d’un examen médical indépendant , d’aviser un proche et d’être informés de leurs droits au moment du placement en détention ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales.

Le Comité s’est dit entre autre préoccupé par les informations faisant état de violations graves de la Convention commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme notamment le placement en détention illimitée sans inculpation ni jugement.

Le Comité s’est également déclaré préoccupé par le fait qu’un grand nombre de forces et services yéménites différents sont habilités à arrêter et à détenir des personnes en considérant que les arrestations sans mandat et l’absence de contrôle judiciaire de la légalité de la détention sont susceptibles de favoriser la torture et les mauvais traitements.