Aller au contenu principal
Alkarama s'est adressée aujourd'hui au Groupe de travail sur la détention arbitraire et au Rapporteur spécial sur la liberté d'expression pour leur demander d'intervenir dans l'affaire de Dr Sadok Chourou. L'ancien président du mouvement politique tunisien Al Nahdha a été arrêté le 3 décembre 2008 alors qu'il venait tout juste d'être libéré le 5 novembre après 18 ans de détention. Il avait donné quelques jours avant son interpellation plusieurs interviews.

Dr Sadok Chourou est né le 10 février 1948. Il est marié et père de quatre enfants. Docteur d'état en chimie, il est professeur d'université et a par le passé enseigné à la faculté de médecine de Tunis.

Arrêté une première fois le 17 février 1991 en tant que président du mouvement politique Al Nahdha, il a été détenu au secret durant une longue période et gravement torturé par les services du ministère de l'intérieur.

Traduit devant le tribunal militaire de Tunis en 1992, il a été condamné à la prison à vie à la suite d'un procès qualifié d'inéquitable par toutes les ONG de défense des droits de l'homme qui ont unanimement considéré le Dr Chourou comme un prisonnier d'opinion.

Il a connu un régime de détention particulièrement dur en étant notamment emprisonné dans une cellule d'isolement absolu durant 14 années. Il a engagé plus d'une dizaine de grèves de la faim pour protester contre ses conditions inhumaines de détention, la dernière en 2007.

Il a été remis en liberté le 5 novembre 2008, après 18 années d'emprisonnement, à la suite d'une grâce accordée par le gouvernement à 21 membres du mouvement Al Nahdha à l'occasion du 21ème anniversaire de l'accession au pouvoir du président Zine Ben Ali en 1987.

Le 21 novembre suivant, son domicile à Mornag (30 km au sud de Tunis) a fait l'objet d'une perquisition policière et le Dr Chourou a été interpellé durant toute la journée en raison de la réception organisée par sa famille pour fêter sa libération . La réception a été interdite par la police qui a procédé au quadrillage de tout le quartier et a empêché par la force et la menace les invités de s'y rendre.

Personnalité politique particulièrement connue en Tunisie et dans le monde arabe, le Dr Chourou a également été sollicité par de nombreux médias. Il a accordé plusieurs interviews par téléphone, dont l'une à la chaîne de télévision arabe Al Hiwar le 1er décembre 2008 au cours de laquelle il a abordé la question des libertés civiles et politiques dans son pays ainsi que les conditions de sa détention.

Il a également affirmé au cours de cette même interview son intention de ne pas renoncer à ses droits civils et politiques et de demander aux autorités tunisiennes la légalisation de son mouvement politique au nom de la liberté d'association.

C'est la raison pour laquelle il a de nouveau été arrêté le mercredi 3 décembre 2008 à 16 heures 30. Son domicile a été investi par une dizaine d'agents des services du ministère de l'intérieur qui l'ont emmené de force vers une destination inconnue sans présenter ni mandat d'arrêt ni motifs de son arrestation.

Emmené au siège des services du ministère de l'intérieur, il a été contraint à rester deux journées entières assis sur un tabouret dans une petite cellule exiguë, dépourvue de toute commodité.

Entendu par les services de sécurité dans le cadre de l'enquête préliminaire, il a été interrogé à propos de ses interviews et de ses déclarations aux médias.

Il a été présenté devant le tribunal de 1ère instance de Tunis le 05 décembre 2008 à l'issue de sa garde à vue sous l'accusation d'avoir repris ses activités politiques et d'avoir parlé au nom d'un mouvement interdit. Il a été inculpé en vertu de l'article 30 du code des associations qui réprime " la participation, le maintien et la restructuration d'organisations non agréées".

L'audience a été reportée au 13 décembre 2008. Le Dr Sadok Chourou a fait une déclaration préliminaire devant le tribunal pour affirmer qu'il ne renoncerait pas à son droit d'exprimer librement ses opinions, dénoncer les conditions illégales de son arrestation et de sa détention en garde à vue.

Il a également rappelé dans son intervention " que ses déclarations contenues dans le procès verbal ont été falsifiées ", que s'il avait effectivement eu l'honneur de présider le mouvement Al Nahda de 1988 à 1991, ce mouvement avait désormais sa direction et ses institutions et qu'il ne lui appartenait pas, en tant que détenu libéré depuis quelques semaines seulement, d'avoir d'autres ambitions que celles de s'informer des évènements, d'essayer de les comprendre et de les analyser et d'exprimer ses opinions à l'occasion ".

Le Dr Chourou a également " exprimé son étonnement de faire l'objet de l'accusation de maintien d'une organisation non autorisée en raison de l'impossibilité à un seul individu, isolé de surcroît, de réaliser une telle action qui requiert des déplacements entre les militants, la tenue de réunions, de congrès, d'élections, la constitution d'un bureau exécutif, l'élection des membres etc. et de s'interroger " si un individu isolé tel que lui, cerné dans son domicile depuis sa sortie de prison le 5 novembre 2008, auquel même l'accès de ses invités chez lui n'est pas autorisé en raison de la fermeture (par la police) de la voie publique, comment un tel individu pourrait-il penser même à un tel projet ? ".

La défense a plaidé au cours de l'audience le caractère irréaliste des accusations, ainsi que "le caractère politique" du procès en démontrant que le Dr Chourou n'avait fait que qu'exprimer ses opinions".

Le Dr Sadok Chourou a cependant été condamné à une peine d'une année d'emprisonnement ferme par jugement rendu le même jour.

Cette arrestation ainsi que la condamnation violent à la fois la loi interne tunisienne que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par la Tunisie le 18 mars 1969.