Lybie : Condamnée par le Comité des droits de l’homme de l’ONU pour la disparition forcée d’Abdelhamid Al Daquel

Lors de sa 111ème session de juillet 2014, le Comité des droits de l'homme a rendu une opinion considérant que la disparition forcée d'Abdelhamid Al Daquel en juin 1996 constituait une série de violations par la Libye de ses obligations internationales. Le 5 mai 2009, Alkarama avait soumis une communication au Comité des droits de l'homme (CCPR) concernant la disparition de Abdelhamid Al Daquel, dont la famille n'avait plus eu de nouvelles depuis son arrestation le 26 janvier 1989, en dépit de toutes les démarches menées par son père auprès des autorités qui étaient restées sans réponse.

Depuis de nombreuses années, des violations systématiques des droits de l'homme sont commises en Libye dans l'impunité la plus totale. Sous l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, les arrestations, détentions arbitraires, tortures et disparitions forcées constituaient des pratiques courantes pour réprimer l'opposition et faire taire toute dissidence.

Arrêté par des agents de la sûreté intérieure libyenne à Foum Molghat, près de Tarhouna, le 26 janvier 1989, sans qu'aucun mandat ne soit présenté contre lui, Abdelhamid Al Daquel, ancien pilote de l'armée libyenne, a été emmené vers une destination inconnue avec trois autres personnes qui l'accompagnaient au moment de son arrestation.

Ce n'est que six années plus tard, en 1995, lorsque l'un de ses codétenus a été libéré, que sa famille a appris qu'il était encore en vie et qu'il se trouvait alors à la prison d'Abou Salim.
Sa famille n'a cependant jamais pu obtenir le droit de lui rendre visite, les autorités ayant toujours nié le détenir.

Le 8 novembre 2008, soit 19 ans plus tard, sa famille a été informée de son décès par des agents de la sécurité intérieure, qui ont refusé de donner plus d'informations. Ce n'est qu'après avoir reçu une attestation de décès que les parents d'Al Daquel ont appris que le décès de leur fils remontait au 23 juin 1996, date de la tragédie d'Abou Salim, l'un des plus grand massacres de prisonniers de l'histoire contemporaine, qui fit plus de 1200 victimes.

En dépit de la délivrance de cette attestation administrative, la famille d'Al Daquel exprime encore aujourd'hui des doutes sur la date et les circonstances réelles de sa mort, pensant que les évènements d'Abou Salim auraient pu servir de prétexte pour justifier de nombreuses morts inexpliquées, notamment celles de victimes de tortures et d'exécutions sommaires.

L'État partie a été invité par le Comité à plusieurs reprises à soumettre ses observations sur la plainte d'Alkarama mais n'a pas cru devoir apporter de réponse.

En accord avec sa jurisprudence, le CCPR estime que la disparation forcée d'Al Daquel constitue une violation sans équivoque par la Libye de plusieurs droits fondamentaux consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment le droit à la vie, à la liberté, ainsi que celui de ne pas être soumis à la torture.

Alkarama accueille avec satisfaction cette nouvelle décision du Comité des droits de l'homme de l'ONU et appelle les autorités libyennes à la mettre en œuvre, conformément à ses obligations et à « mener sans délai une enquête approfondie et impartiale sur la disparition et la mort d'Abdelhamid Al Daquel, fournir à sa famille des informations détaillées sur les résultats de l'enquête, remettre la dépouille d'Abdelhamid Al Daquel à sa famille, poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ainsi que prendre toutes les mesures possibles pour que des violations analogues ne se reproduisent plus ».

Le CCPR attache beaucoup d'importance à la mise en œuvre du Pacte par les États parties, qui ont l'obligation de mettre sur pied des mécanismes juridictionnels et administratifs adéquats pour examiner les plaintes dénonçant des violations des droits de l'homme. Dans son observation n° 31 (2004), il rappelle « la nature de l'obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte », précisant que « le fait pour un État partie de ne pas mener d'enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte ».

Il est aussi intéressant de relever que les experts du (CCPR) considèrent, dans cette décision, que les conséquences psychologiques causées à une famille dans le cas de la disparition de l'un de leur proche peuvent être considérées comme une violation de l'art. 7 du Pacte et ainsi constituer à son égard un acte de torture.

La Lybie dispose d'un délai de six mois pour informer le Comité des mesures qu'elle aura prises afin de mettre en œuvre ses constatations. Elle devra également les rendre publiques et les diffuser largement dans les langues officielles de l'État partie.

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