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Alkarama for Human Rights, 17 octobre 2008

Alkarama s'est adressée le 15 octobre 2008 au Rapporteur spécial sur la torture pour lui soumettre 13 cas de personnes torturées au Liban. Toutes ont été arrêtées dans le cadre des tragiques évènements de Nahr El Bared qui se sont déroulés de mai à septembre 2007 et qui ont opposé les forces régulières libanaises à un groupe armé retranché dans le Camp de réfugiés du même nom, situé dans la banlieue nord de Tripoli.

Ces personnes ont toutes été arrêtées par les services de renseignements militaires et font l'objet de poursuites pénales devant le tribunal militaire de Beyrouth alors qu'elles n'ont pas la qualité de militaire. En outre, les faits qui semblent leur être imputés ne constituent pas des infractions à caractère militaire.

Alkarama est particulièrement préoccupée par la situation de 9 personnes, encore détenues et en voie d'être jugées par une juridiction militaire, alors qu'il s'agit de civils.

Il est significatif de relever que toutes les personnes arrêtées dans le cadre ou en rapport avec les évènements de Nahr El Bared ont fait l'objet de tortures et/ ou de mauvais traitements, y compris celles qui n'ont été détenues que pour de brèves périodes.

La plupart des arrestations ont eu lieu sans mandat de justice et sans que les motifs n'aient été notifiés. Elles ont été opérées dans la plupart des cas par des membres des services du renseignement militaire en tenue civile.

Toutes les personnes ci-dessous citées ont été détenues au secret durant des périodes variables allant de quelques jours à plusieurs mois et en particulier dans les locaux du ministère de la défense et ont été torturées selon un modus operandi caractéristique et identifiable: Ainsi, toutes rapportent avoir été insultées, humiliées, menacées et battues dès les premiers instants qui ont suivi leur arrestation, soit à l'aide de câbles électriques, de tuyaux d'arrosage ou de bâtons soit à coups de poing et de coups de pied sur toutes les parties de leur corps.

La plupart des victimes témoignent avoir été contraintes de rester debout durant de longues périodes, privées de sommeil ainsi que de toilettes pour leurs besoins naturels. Beaucoup rapportent avoir subi le supplice de la suspension dit du Balanco, certaines ont subi le supplice de la falaqa (coups sur les plantes ds pieds) ainsi que la mise à nu et avoir été contraintes de s'asseoir sur une bouteille.
L'une des victimes rapporte avoir été torturée à l'électricité.

Ces tortures physiques et psychologiques particulièrement éprouvantes avaient pour but essentiel de leur arracher des aveux et de les faire signer des procès verbaux dictés ou établis par les tortionnaires qu'ils n'ont pas eu la possibilité de lire.

A l'issue de leur période de détention au secret  toutes les personnes ont été transférées à la prison de Roumieh après avoir été inculpées par un magistrat militaire de " tentative de constitution de groupe armé ", de " tentative de commettre des actions terroristes " ou de tentative " d'atteinte à la sûreté de l'Etat ".

Les personnes suivantes sont encore détenues :

1. Ali Mohammed Ibrahim, danois d'origine libanaise, né le 08/07/1968, arrêté à Tripoli le 24/05/2007 et détenu au secret au ministère de la défense durant 33 jours où il a été torturé. Après son transfert à la prison de Roumieh, il a été maintenu en isolement cellulaire pendant 5 mois avant d'être transféré le 27/10/2008 au bâtiment B de la même prison.

2. Shadi Majdi Al-Mawlawi
, libanais, né le 29/01/1987, arrêté le 14/08/2007 par des agents des renseignements militaires à Tripoli. Il a ensuite été conduit au ministère de la défense où il a été gravement torturé. Il a été incarcéré à la prison Roumieh le 22/08/2007.

3. Rabee Bahjat Shaalan, libanais, né en 1977, arrêté le 26/06/2007 dans sa boutique par des agents des renseignements de l'Armée libanaise et conduit au district de Qoubbah, dans le Nord Liban où il est resté deux jours, puis au ministère de la défense (4 jours) où il a été torturé, puis au tribunal militaire (5 jours) avant d'être incarcéré à la prison de Roumieh le 04/07/2007.

4. Mahmoud Medhat Al-Andouri, libanais, né le 01/01/1985, arrêté le 25/05/2007 à son domicile à Tripoli par une unité des renseignements militaires. Conduit au Stade municipal de Bahsas au Nord Liban, puis à la prison Al-Haykaliyé à Al-Kourah, toujours au Nord Liban, puis à la prison des renseignements militaires de Qoubbah, puis enfin à la prison du ministère de la défense où il a subi de graves tortures durant un mois et demi. Il a été transféré à la prison de Roumieh le 07/07/2007.

5. Omar Abbes Sebtaoui, de nationalité algérienne, né le 21/12/1972 à Alger, arrêté à la frontière au Nord Liban avant le début des évènements, vers le 15 mars 2007, par les services de renseignements. Il a d'abord été détenu une semaine par la section de Halba, puis emmené au centre des renseignements de Qoubbah où il a été détenu 15 jours avant d'être transféré dans un lieu dans la même région mais qu'il n'a pas pu identifier et où il est encore resté détenu au secret pendant 3 mois avant d'être envoyé à la " section des informations " où il est resté 8 jours, puis à la prison de Zgharta, avant d'être incarcéré à Roumieh le 26/07/2007.

6. Bilal Ahmed Saleh, réfugié palestinien, né en 1968 à Nahr El Bared, arrêté le 02/06/2007 au barrage de Tallat Al-Sitt à sa sortie du camp, par des agents des renseignements militaires. Détenu au secret pendant 61 jours au ministère de la défense où il a été gravement torturé, il a ensuite été transféré dans les locaux de la police militaire, puis à la prison Roumieh le 05/08/2007.

7. Mounir Ahmed Mohammed, réfugié palestinien, né en 1980 à Nahr El Bared, Arrêté le 06/09/2007 à l'entrée du Camp par des agents des renseignements militaires, conduit au centre des renseignements militaires de Qoubbah, puis au ministère de la défense, où il a été détenu au secret durant un mois et demi et torturé avant d'être transféré à la prison de Roumieh le 26/10/2007.

8. Ziad Jamil Badran
, réfugié palestinien, né en 1984 à Nahr El Bared, arrêté par les agents des renseignements militaires le 11/07/2007 à sa sortie du camp, lors de l'évacuation des civils. Conduit à la prison du ministère de la défense où il est resté détenu 6 jours, puis au tribunal militaire où il est resté 3 jours, avant d'être transféré à la prison de Roumieh le 20/07/2007.

9. Firas Mohammed Awadh, réfugié palestinien, né en 1984 à Nahr El Bared, arrêté le 11/07/2007 à sa sortie du camp, au niveau d'un barrage de l'armée libanaise, lors de l'évacuation des civils. Transféré à Qoubbah où il est resté deux jours, puis au ministère de la défense dans le secteur de Yarzéh au Mont Liban, pour sa prétendue appartenance à Fatah Al Islam, alors qu'il affirme être un militant connu de l'organisation du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP). Il rapporte entre autres tortures avoir subi le supplice de la suspension et avoir été torturé à l'électricité au ministère de la défense ajoutant qu'il a été transféré à l'hôpital en raison de la grave détérioration de son état général. Il a été incarcéré à la prison Roumieh le 27/07/2007 et son état nécessite actuellement une prise en charge médicale sérieuse et urgente.

Les personnes suivantes ont été récemment libérées  :

10. Ali Hassan Ismael, réfugié palestinien, handicapé physique, né en 1969 à Nahr El Bared. Arrêté le 24/06/2007 à sa sortie du camp au niveau d'un barrage de l'armée libanaise lors de l'évacuation des civils, il a été conduit au centre des renseignements de Qoubbah où il est resté une journée, puis à la caserne militaire de ârmane dans le Nord Liban, où il a été accusé d'appartenir à Fatah Al Islam, puis transféré successivement au ministère de la défense, au tribunal militaire, puis à la section des informations avant d'être incarcéré le 13/07/2007 à la prison Roumieh.

11. Bassam Mohammed Faisal Beitieh, libanais, né en 1984, Arrêté le 04/06/2007 devant son lieu de travail par les agents des renseignements militaires, puis détenu successivement à la section dite des " Mourabitoun " au Nord Liban, au centre des services de renseignements de Qoubbah, puis à la prison du ministère de la défense avant d'être incarcéré à la prison de Roumieh le 12/06/2007.

12-Ahmed Khaled Steitieh, libanais, né le 05/01/1974 à Tripoli, arrêté à son domicile le 30/05/2007 par les services de renseignements militaires de Qoubbah. Au moment de son arrestation, il a été violemment battu, attaché et encagoulé devant ses enfants avant d'être conduit à la section des renseignements de Qoubbah où il a été détenu pendant 2 jours avant d'être transféré au ministère de la défense où il a également été détenu au secret durant 4 jours. Il a par la suite été emmené à la prison du Tribunal militaire où il est encore resté une semaine. Il a été incarcéré à la prison de Roumieh le 12/06/2007.

13-Mohammed Hussein Shaaban, libanais, né en 1971 à Tripoli, arrêté le 24/05/2007 par des agents des renseignements militaires au Nord Liban, puis conduit au ministère de la défense où il a passé 8 jours et été torturé. Il a été conduit au tribunal militaire le 02/06/2007 où il a passé 3 jours, avant son transfert à la prison de Roumieh le 05/06/2007.

Tous ont déclaré au juge d'instruction lors de leur première comparution avoir fait l'objet de tortures et de mauvais traitements durant leur détention au secret mais le magistrat n'a à aucun moment tenu compte de leurs déclarations ni à fortiori ordonné une enquête à propos de leurs allégations.

Leurs déclarations étaient vraisemblables en raison du fait qu'ils portaient des traces visibles de ces tortures sur certaines parties de leur corps et, pour certains, sur leur visage. Les magistrats d'instruction ou de jugement ne peuvent donc en aucun cas ignorer cette pratique qui semble être admise par l'appareil judicaire dans son ensemble.

En dépit de leurs déclarations au moment de leur présentation devant un juge d'instruction ou lors de leur comparution devant le tribunal, les accusés sont souvent condamnés sur la seule base des procès verbaux établis à partir des aveux arrachés sous la torture et aucune enquête n'est ordonnée alors que souvent les noms des tortionnaires sont cités.