Liban: Libérez les prisonniers étrangers qui ont fini de purger leurs peines !

Maintien en détention sans aucune base légale

Beyrouth - Le Liban devrait libérer les migrants et les réfugiés qui restent en détention malgré le fait qu'ils ont fini de purger leur peine, a déclaré hier un groupe de 14 organisations libanaises et internationales des droits de l'homme dans une lettre à des hauts responsables du gouvernement. Dans cette lettre adressée au président, au premier ministre ainsi qu'aux ministres de l'Intérieur et de la justice, les organisations affirment qu'il n'existe aucune base juridique pour prolonger la détention de la plupart de ces prisonniers.

Selon un rapport publié en août 2009 par les forces de la sécurité intérieure libanaises, treize pour cents des détenus dans les prisons libanaises sont des étrangers qui ont fini de purger leur peine. Aujourd'hui, au moins deux-cents trente étrangers, dont au moins treize réfugiés connus, sont en prison, alors qu'ils ont fini de purger leurs peines. Au cours des deux derniers mois, les tribunaux libanais ont rendu quatre décisions, chacune pour le cas d'un détenu irakien qui avait fini de purger sa peine. Les tribunaux ont affirmé que leur maintien en détention était illégal parce qu'il n'était fondé sur aucune décision judiciaire ou administrative. Malgré ces décisions, la Sûreté générale, l'institution ayant autorité sur les étrangers, a libéré un seul des quatre réfugiés.

«Le système judiciaire du Liban a enfin reconnu que les étrangers sont détenus maintenus illégalement en détention alors qu'ils ont fini de purger leurs peines", a déclaré le groupe. «A présent, c'est au gouvernement de veiller à ce que ses services de sécurité remédient à cette situation et se conforment à la loi. »


En l'état actuel des choses, lorsqu'un détenu étranger finit de purger sa peine, les forces de la sécurité intérieure, responsables de la gestion des prisons, transmettent l'affaire aux services de la Sûreté générale au lieu de libérer la personne, et ce, sans tenir compte du fait que la Cour a statué que la personne devait être expulsée une fois sa peine purgée. Bon nombre de ces détenus étrangers sont alors détenus pendant des mois avant d'être libérés ou expulsés.

Dans leur lettre, les groupes de défense des droits de l'homme ont souligné que la pratique actuelle consistant à détenir des étrangers automatiquement lorsque leur peine arrive à terme n'a aucun fondement juridique et constitue une violation de l'article 8 de la Constitution libanaise qui stipule : « Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les dispositions de la loi. » La loi libanaise prévoit généralement que dans les cas où le tribunal ordonne l'expulsion d'un étranger, cette personne a quinze jours pour quitter le pays « par ses propres moyens» (Art. 89 du Code pénal).

La seule disposition de la législation libanaise qui permet à la Sûreté générale de détenir une personne est celle qui s'applique dans le cas d'une personne représentant une menace pour la sécurité nationale ou la sécurité publique. C'est dans ce cas et uniquement dans ce cas que l'article 18 de la Loi de 1962 sur l'entrée et la sortie peut s'appliquer : il permet à la Direction de la Sûreté générale de détenir un étranger en détention administrative avec l'approbation du procureur général jusqu'à son expulsion.

Dans la lettre, les organisations demandent instamment au ministre de l'Intérieur, responsable des prisons, de faire appliquer les trois autres décisions de justice pour demander la libération immédiate des trois Irakiens, Riad Ali Hachem, Wisam al-Youssef et Maytham al-Bay'i. En outre, les groupes ont exhorté les ministères de la Justice et de l'Intérieur à former conjointement un comité chargé de préparer une liste de tous les étrangers qui sont toujours en détention alors qu'ils ont fini de purger leurs peines et de les libérer étant donné que leur détention n'a aucune base légale.

En outre, les groupes ont exhorté le gouvernement à réformer sa politique envers les étrangers qui entrent dans le pays illégalement ou qui dépassent la durée de séjour autorisée. De telles réformes pourraient inclure la libération conditionnelle, le devoir de pointer régulièrement auprès des autorités compétentes, ou encore le paiement d'une caution : toutes ces mesures représenteraient des alternatives à la détention et garantiraient le respect des droits des étrangers, de leur dignité et de leur bien-être. Les organisations ont également demandé que la loi de 1962 régissant l'entrée et le séjour des étrangers au Liban et leur sortie du pays soit amendée afin d'exempter les demandeurs d'asile et réfugiés de sanctions pour séjour illégal dans le pays.

Les groupes qui ont signé la lettre sont: Human Rights Watch, Action des Chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), Agir Ensemble pour les Droits de l'homme, Alkarama (ALK), l'Association Libanaise pour l'Éducation et la Formation (ALEF) , Euromediterranean Human Rights Network (EMHRN), la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH), Frontiers Ruwad Association, Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture, Centre Libanais pour les droits de l'homme (CLDH), Middle East Council of Churches (MECC), Public Interest Advocacy Centre (PINACLE), Restart Center For Rehabilitation Of Victims Of Violence And Torture, l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT).