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La Sûreté générale a confisqué le passeport britannique de Nizar Saghieh jusqu'à ce qu'un ministre intervienne

Beyrouth - Le gouvernement libanais devrait enquêter sur la saisie du passeport d'un avocat des droits de l'homme par la Sûreté générale, affirme aujourd'hui un groupe de seize organisations de défense des droits de l'homme libanaises et internationales.

Les services de la Sûreté générale ont confisqué le 2 mars 2010 le passeport britannique de Nizar Saghieh, avocat de nationalités britannique et libanaise, sans fournir d'explication. Le passeport lui a ensuite été rendu le 4 mars, suite à l'intervention directe du ministre de l'Intérieur Ziad Baroud. Saghieh a récemment représenté quatre réfugiés irakiens dans leurs actions en justice contre l'Etat libanais pour détention illégale par les services de la Sûreté générale ; suite à cela, la cour avait ordonné leur libération immédiate.

"Nous craignons que la Sûreté générale ait voulu faire un exemple avec Nizar Saghieh en le harcelant en raison de son rôle dans la défense des réfugiés irakiens », ont déclaré les organisations. Et d'ajouter : "Le gouvernement doit enquêter sur les raisons expliquant le comportement de la Sûreté générale et veiller à ce qu'aucun militant des droits de l'homme ne soit harcelé pour ses activités".

Une agence de voyages avait envoyé treize passeports de représentants gouvernementaux et de militants de la société civile, dont celui de Saghieh qui a été confisqué, aux services de la Sûreté générale afin que ces derniers donnent leur approbation pour qu'ils soient envoyés

à Amman, en Jordanie pour une demande de visas de voyage pour la Bosnie-Herzégovine. Les passeports devaient être envoyés en Jordanie parce qu'il n'y a pas d'ambassade de Bosnie au Liban. Le but du voyage était d'étudier l'expérience de la Bosnie dans le traitement de la question des disparitions forcées et des fosses communes.

Lorsque l'agence de voyages est allée récupérer les passeports, la Sûreté générale les a tous rendus sauf celui de Saghieh et ce, sans fournir d'explication. Ils ont seulement déclaré qu'ils avaient l'intention de convoquer Saghieh pour qu'il vienne récupérer le sien en personne. Le voyage du groupe a donc dû être reporté. La Sûreté générale est l'institution de sécurité en charge des formalités d'immigration et de passeport au Liban.

Les organisations de défense des droits de l'homme ont dit qu'elles étaient soulagées que le passeport lui ait été rendu après l'intervention du ministre. Elles se sont néanmoins montrées inquiètes quant au fait que les services de la Sûreté générale ont confisqué le passeport de Saghieh dans le but de l'intimider.

Les organisations ont également appelé le Liban à respecter les avocats des droits de l'homme et à se conformer aux principes énoncés dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme des Nations unies, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, en particulier l'article 12. Cette disposition requiert que les gouvernements prennent «toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d'autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l'exercice légitime » de leurs droits en tant que défenseurs des droits de l'homme.

Les organisations ont également exhorté le barreau de Beyrouth et du nord du Liban à veiller à ce que leurs membres ne soient pas harcelés pour leur travail d'avocats.

Contexte

Saghieh a travaillé sur un certain nombre de questions relatives aux droits de l'homme, notamment la détention arbitraire des réfugiés, l'accès à l'information pour les familles des personnes victimes de disparition forcée pendant la guerre civile au Liban ainsi que la censure. Plus récemment, il a représenté, avec succès, quatre réfugiés irakiens dans des plaintes déposées contre l'Etat, demandant leur libération immédiate. Ces réfugiés continuaient en effet d'être détenus par les services de la sûreté générale alors qu'ils avaient fini de purger leurs peines.[Voir lettre ouverte au gouvernement libanais ]. Le tribunal a ordonné la libération immédiate des quatre personnes mais seul l'un d'eux a été libéré.

L'activisme de Saghieh lui a causé des problèmes avec les services de la Sûreté générale dans le passé. En 2003, la Sûreté générale a émis un ordre lui interdisant de pénétrer dans les bâtiments de la Sûreté générale ou de s'y rendre pour y accomplir n'importe quelle formalité. L'ordre reste en vigueur à ce jour en dépit du fait qu'aucune base juridique en droit libanais ne puisse être invoquée pour le justifier. L'ordre a été émis après que Saghieh avait coopéré avec Frontiers Center, organisation non gouvernementale agissant principalement en faveur des réfugiés. Saghieh lui avait fourni des conseils juridiques dans le cadre de l'affaire du harcèlement de la directrice du centre, Samira Trad.

Le Liban est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l'article 12 stipule : "Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien». Le Pacte interdit aux Etats d'imposer des restrictions à ce droit », sauf si celles qui « sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d'autrui, et compatibles avec les d'autres droits reconnus par le présent Pacte ».

Les organisations sont:

1. Le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ)
2. Human Rights Watch (HRW)
3. Euro-Mediterranean Human Rights Network (REMDH)
4. Alkarama
5. Agir Ensemble pour Les droits de l' homme
6. Action des Chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-France)
7. Restart Center for rehabilitation of victims of violence and torture (Restart)
8. Le Comité pour les familles des otages et des disparus au Liban (CFKDL)
9. Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture
10. Centre Libanais pour les Droits de l'Homme (CLDH)
11. Soutien des Libanais en détention et exil (SOLIDE)
12. L'Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l'Homme (programme conjoint de la Fédération internationale des droits de l'homme et l'Organisation Mondiale Contre la Torture)
13. UMAM documentation et de recherche (UMAM D & R)
14. Frontiers Ruwad Association
15. Public Interest Advocacy Centre (PINACLE)
16. ALEF - Loi pour les droits de l'homme