Emirats Arabes Unis : Détention arbitraire et jugement inéquitable du Dr Mansoor Al Shamsi

Alkarama for Human Rights, 11 août 2008

Alkarama a adressé le 8 août 2008 une communication au Groupe de travail sur la détention arbitraire et au Rapporteur spécial sur la liberté d'expression et d'opinion leur demandant d'intervenir auprès des autorités des Emirats arabes unis à propos de Dr. Al Shamsi, arrêté le 6 mai 2007 et jugé lors d'un procès inéquitable à cinq ans de prison.

Le Dr Mansoor Jassem AL SHAMSI est né le 05 mai 1965, il est marié et père de 4 enfants et demeure à Sharjah aux Emirats arabes Unis. Il est Docteur en Philosophie et en sciences politiques de l'Université d'Exeter (Royaume Uni) et a exercé diverses responsabilités dans l'administration de son pays.

Au moment de son arrestation il occupait le poste de conseiller principal au ministère du travail. Il est également membre fondateur de l'Union des écrivains des Emirats arabes unis et auteur de nombreux articles et contributions.

Le Dr Al Shamsi est connu dans son pays pour sa poésie engagée, ses contributions dans la presse locale et régionale et ses prises de position politiques dans les médias de la région parfois critiques vis à vis des autorités du pays.

C'est ainsi qu'à la suite de certaines interventions publiques sur des questions de politique régionale, il a été arrêté une première fois le 26 novembre 2006 à son domicile par des agents de la sûreté d'Etat (Amn Addawla) sans mandat de justice et sans être informé des motifs de son arrestation. Son domicile a été perquisitionné sans mandat de justice et ses documents personnels et ses livres ont été confisqués.

Après cette première arrestation, le Dr Al Shamsi a été détenu au secret pendant 86 jours avant d'être libéré sans inculpation ni procédure légale le 20 février 2007.

Au cours de cette période, sa famille n'a jamais été informée de son sort, les autorités ayant toujours refusé de fournir toute information sur les raisons de son arrestation et de sa détention, en totale violation du Code de procédure pénale qui stipule que l'accusé doit être présenté devant un magistrat du parquet dans les 48 heures suivant son arrestation. Il a également été torturé durant cette période et soumis à toutes sortes de mauvais traitements.

Avant sa libération, il lui a été enjoint par les autorités de s'abstenir de toute intervention orale ou écrite dans les médias et de tout nouvel engagement dans des activités politiques, chose qu'il a refusée.

C'est certainement la raison pour laquelle il a de nouveau été arrêté par les mêmes services le 06 Mai 2007 et détenu au secret durant 22 jours jusqu'au 28 mai 2007 date de sa présentation au parquet de la Cour suprême fédérale.

Au cours de cette deuxième détention au secret, le Dr Al Shamsi rapporte avoir été soumis aux mêmes conditions que la première fois et avoir été encore plus durement torturé ; il rapporte notamment avoir été détenu dans un isolement total dans une cellule glacée où il dormait à même le sol en béton, privé de sommeil durant plusieurs jours, battu, injurié et menacé à plusieurs reprises.

Inculpé d'atteinte à la sûreté de l'Etat, son affaire a été renvoyée devant la Cour suprême fédérale le 25 Juin 2007.

En l'absence de preuves pour justifier l'accusation portée contre lui, seuls les procès verbaux établis par ses tortionnaires et contenant des aveux arrachés sous la torture ont constitué les éléments d'accusation du dossier pénal.

Bien que le Dr Al Shamsi ait écrit une longue lettre détaillée à la Cour par laquelle il a décrit les conditions de sa détention et les tortures qu'il a subies en citant nommément ses tortionnaires, ses juges n'ont jamais voulu en tenir compte.

Le procès du Dr Al Shamsi a constitué une suite de violations de son droit fondamental à un procès équitable. Dès la première audience, le juge a prononcé le huis clos et interdit l'accès à la Cour d'observateurs ou de membres de la famille de l'accusé.

Les seuls témoins appelés par la juridiction de jugement ont été les officiers de la sûreté d'Etat et en particulier l'officier qui a dirigé l'enquête préliminaire et les séances de torture qui a été cité par le parquet comme le principal témoin à charge.

Malgré des demandes réitérées à l'accusateur public formulées par la défense de produire des preuves de ses accusations, celui ci, après avoir déclaré à la Cour qu'il était disposé à le faire s'est ensuite réfugié derrière le caractère secret de ces preuves que la Sûreté de l'état ne pouvait divulguer même à la Cour.

L'avocat du Dr Al-Shamsi a ensuite été invité par la juridiction de jugement à prouver l'innocence de son client en violation manifeste du principe fondamental de la présomption d'innocence.

Le Dr Al-Shamsi a finalement été condamné le 1er Octobre 2007 à cinq ans d'emprisonnement, à l'issue d'un procès inéquitable, entaché de graves irrégularités au cours duquel son avocat n'a pas été autorisé à plaider et n'a pu que soumettre un mémoire écrit.

Les décisions de la Cour suprême ne sont pas susceptibles de recours en violation du principe du droit à un double de degré de juridiction.

Il apparaît de toute évidence, à la lumière des faits ainsi exposés, que la privation de liberté du Dr Al Shamsi est uniquement motivée par ses opinions et ses déclarations politiques ; tant sa détention au secret et sans inculpation durant 86 jours et résultant de sa première arrestation que son actuelle détention à la suite de sa condamnation à la suite d'un procès inéquitable sont incontestablement arbitraires.