EGYPTE : Selon le rapport d'Alkarama à l'Alliance mondiale des INDH, le Conseil national des droits de l'homme est utilisé comme un outil de communication par le gouvernement pour dissimuler son triste bilan en matière de droits de l'homme.

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Le 1er juin 2023, Alkarama a soumis son rapport sur le Conseil national égyptien des droits de l'homme (CNDH) au Sous-comité d'accréditation (SCA) de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme (GANHRI), l'organe chargé d'évaluer la conformité des Institutions nationales des droits de l'homme (INDH) avec les Principes de Paris.

Le rapport d'Alkarama souligne que si les préoccupations exprimées par le SCA lors de son précédent examen en 2018 demeurent, le CNDH a depuis lors été utilisé comme un outil de publicité par le gouvernement pour dissimuler son sombre bilan en matière de droits de l'homme.

Le processus d'examen du SCA

Composé d'autres INDH, le SCA procède régulièrement à des examens par les pairs sur la base des Principes de Paris, un ensemble de normes internationales qui détaillent et encadrent le travail des INDH, afin de garantir sa représentativité pluraliste de la société et son indépendance par rapport au gouvernement, et examine la portée de son mandat afin de s'assurer qu'elle promeut et protège efficacement les droits de l'homme.

À l'issue de cet examen, l'INDH est accréditée avec un statut A si elle respecte pleinement les principes de Paris, ou avec un statut B dans le cas contraire. Cette accréditation a des conséquences importantes, car seules les INDH dotées du statut A peuvent participer aux examens périodiques de leurs États par les Nations unies, au même titre que la société civile.

L'INDH égyptienne, créée en 1993 sous Hosni Moubarak, a fait l'objet d'un premier examen en 2006 et a obtenu le statut B, avant que le CSA ne révise sa décision et lui accorde le statut A. Le prochain examen de le CNDH devait avoir lieu cinq ans plus tard, en 2011. Cependant, à la demande de le CNDH, la délibération sur sa ré-accréditation a été reportée à plusieurs reprises et n'a eu lieu qu'en mai 2018. Avant l'examen, Alkarama a soumis un rapport au SCA soulignant un certain nombre de préoccupations majeures, montrant un grave manque de conformité de le CNDH avec les Principes de Paris, recommandant que la CNDH soit rétrogradée au statut B.

Parmi ces préoccupations figuraient le manque d'indépendance de la CNDH par rapport aux pouvoirs exécutif, parlementaire et législatif, ainsi que son manque d'indépendance financière. Depuis sa création, de sérieuses inquiétudes ont été soulevées quant à l'indépendance de certains de ses membres.

Cependant, et malgré les preuves apportées du manque d'indépendance et d'impartialité de la CNDH, en mai 2018, le CSA a décidé d'accorder à la CNDH le statut A.

Les préoccupations d'Alkarama concernant la "sissification" du CNDH

Alors que le CNDH doit être réévalué par le SCA en septembre 2023, Alkarama a soumis un rapport soulignant que les problèmes liés au manque d'indépendance de l'institution par rapport au gouvernement n'ont fait que s'aggraver depuis le dernier examen.

Les pratiques du CNDH mises en évidence par Alkarama dans son rapport comprennent de graves violations du principe de l'indépendance des INDH, telles que la négation des violations du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des opposants politiques, tout en faisant constamment l'éloge du général Al-Sisi pour sa " stratégie nationale des droits de l'homme ".

Dans la pratique, au lieu de jouer son rôle de mécanisme indépendant et impartial de défense des droits de l'homme, le comportement partial du CNDH et son alignement non critique sur le gouvernement montrent que l'institution a été soumise à la même "sisification" que le secteur des médias dans le pays. Ce terme a été utilisé par des ONG internationales telles que Reporters sans frontières et Human Rights Watch pour décrire la " prise de contrôle hostile des médias égyptiens, laissant l'influence sur l'opinion publique au contrôle de l'Etat (...) ".

Alkarama a notamment analysé tous les communiqués de presse et les rapports publiés par le CNDH depuis 2018, lesquels montrent clairement que l'institution est devenue une " vitrine " pour la campagne de communication du gouvernement, plutôt qu'une institution impartiale et indépendante de défense des droits de l'homme.

Les recommandations d'Alkarama

A la lumière des conclusions d'Alkarama, le rapport conclut en insistant sur le fait qu'accorder à nouveau le statut A à ce qui est désormais un organisme qui se livre à une propagande sanctionnée par l'Etat, comme l'ont documenté toutes les grandes organisations internationales indépendantes et les organisations de la société civile égyptiennes, reviendrait à tolérer de telles pratiques de la part du SCA. Cela aurait un impact majeur sur la crédibilité du SCA auprès des organisations égyptiennes et internationales de défense des droits de l'homme et de la société civile.

Alkarama rappelle qu'en vertu des Principes de Paris, les institutions nationales des droits de l'homme doivent fonctionner indépendamment du gouvernement afin de garantir qu'elles ont la liberté de signaler les violations graves des droits de l'homme et de prendre des mesures pour obliger le gouvernement à rendre des comptes.

Le rapport recommande donc au SCA de considérer que le CNDH ne remplit pas les conditions nécessaires pour obtenir le statut A et de lui accorder le statut B jusqu'à ce que l'institution remédie effectivement à ses graves lacunes.

La décision du SCA sera publiée après sa prochaine session d'automne qui se tiendra à Genève du 25 au 29 septembre et du 23 au 27 octobre 2023.