EAU : Quatre jours de torture pour un tweet

UAE Osama Al Najjar

Osama Al Najjar, un militant des droits de l'homme émirati et le fils de l'un des détenus de l'affaire des « 94 des Emirats », a été torturé pendant quatre jours alors qu'il était détenu au secret par des agents des services de sécurité. Il a été arrêté le 17 mars 2014 en rentrant chez lui. La veille, il postait un tweet en réponse à une déclaration faite à la radio par l'émir de Sharjah sur l'affaire des « 94 des Emirats ». Le 19 mars, alors qu'il était détenu au secret, Alkarama a sollicité l'intervention urgente des procédures spéciales de l'ONU auprès des autorités émiraties. Ce n'est que deux semaines plus tard qu'Alkarama a finalement appris ce qui lui était arrivé alors qu'il était détenu au secret.

Le 17 mars 2014, vers 16h, Osama aurait été interpellé sur la route par plusieurs agents des services de sécurité de l'Etat en civil alors qu'il rentrait chez lui à Ajman. Il venait de se rendre chez son médecin pour une visite de suivi après une intervention chirurgicale qu'il avait subie quelques jours auparavant. Les agents l'ont forcé à rentrer dans l'une de leurs voitures banalisées et ont commencé à le rouer de coups devant son refus de leur donner le mot de passe pour son téléphone. Ils l'ont ensuite amené chez lui, ont procédé à une fouille intégrale de son domicile et ont confisqué tous ses appareils électroniques. La mère d'Osama, de retour d'une visite à la prison d'Al Razeen où son mari est actuellement détenu, rapporte que les agents n'ont présenté aucun mandat d'arrêt. Ceux-ci ont quitté les lieux vers 19h et ont emmené Osama, menotté et les yeux bandés, vers une prison secrète à Abou Dhabi contrôlée par les services de sécurité de l'Etat.

C'est là que, pendant quatre jours, il a été détenu au secret. Quatre jours durant lesquels il a été interrogé et torturé presque sans interruption.

Dès son arrivée sur les lieux, Osama a été immédiatement interrogé par deux agents des services de sécurité. Ils l'ont amené sur un fauteuil roulant car il ne pouvait plus bouger à cause des coups reçus un peu plus tôt. Ils ont néanmoins continué à lui asséner des coups au visage, sur les oreilles et d'autres parties du corps. Ils l'ont aussi battu sur les jambes avec des câbles électriques couverts de plastique et exposé à de très basses températures.

Osama s'est mis à saigner abondamment en raison des actes de torture dont il a été victime. Les agents l'ont néanmoins obligé à se lever mais, réalisant finalement la gravité de son état, ils l'ont emmené à l'infirmerie de la prison.

Le 19 mars 2014, au troisième jour de sa détention au secret, il aurait été amené au parquet d'Abou Dhabi. Il aurait d'abord été présenté devant le Procureur général Ahmed Al-Dhanhani, puis devant un deuxième procureur mais devant le refus de la victime de reconnaître leur compétence en raison des altercations qu'ils avaient eues auparavant dans l'affaire de son père, il a fini par être interrogé par un troisième procureur.

Le 21 mars 2014, Osama a été transféré à la prison d'Al Wathba à Abou Dhabi. C'est à travers des sources non-officielles – la famille de Waleed Al Shehhi qui est aussi détenu arbitrairement dans le cadre de l'affaire des « 94 des Emirats » - que la famille d'Osama a appris qu'il se trouvait dans cette prison. Lors d'une première visite le 31 mars 2014, Osama leur a dit qu'il était accusé d' « appartenance à Al Islah », d' « offense à l'Etat via Twitter », d' « incitation à la haine de l'Etat via Twitter » et de « diffuser des informations fausses selon lesquelles son père aurait été torturé dans les prisons émiraties ».

Il est actuellement détenu dans de très mauvaises conditions et bien que son état de santé requière une intervention médicale d'urgence, il n'a pas encore été autorisé à avoir accès à des soins médicaux.

Aujourd'hui, Alkarama a sollicité l'intervention du Rapporteur spécial sur la torture de l'ONU auprès des autorités émiraties pour leur rappeler leurs obligations internationales en vertu de la Convention contre la torture, garantir l'ouverture d'enquêtes promptes, indépendantes et efficaces sur ces allégations, obtenir la libération immédiate d'Osama, lui fournir une réparation adéquate pour le préjudice subi et poursuivre les responsables en justice. Extrêmement préoccupée par l'usage systématique de la torture contre des personnes exerçant pacifiquement leur droit à la liberté d'opinion et d'expression, Alkarama a également suggéré à l'expert onusien d'entreprendre une visite dans le pays dans le but de rappeler aux autorités émiraties leur obligation de prendre des mesures de prévention contre les actes de torture et de garantir qu'aucune circonstance exceptionnelle ne puisse être invoquée pour justifier une telle pratique.
Alkarama a également partagé les informations relatives à Osama Al Najjar avec la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et de avocats de l'ONU qui, lors d'une récente visite aux Emirats, a exprimé sa préoccupation concernant les « actes de torture » dont elle a été informée.