
Déclaration conjointe à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, le 30 août.
À l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, les organisations arabes et internationales de défense des droits humains expriment leur vive inquiétude face à la persistance et à l’extension de ce fléau dans plusieurs pays arabes, au point de faire de la région l’un des épicentres mondiaux de cette pratique.
Des décennies après la mise au jour de milliers de cas, nombre de victimes restent introuvables, tandis que les disparitions forcées continuent d’être commises de manière systématique. Ce phénomène s’accentue dans un contexte marqué par les régimes d’exception et les conflits armés, et s’impose comme un instrument de répression politique destiné à museler l’opposition et à intimider les sociétés.
En Égypte, faute de données officielles en raison du caractère clandestin de ce crime, les organisations de défense des droits humains estiment qu’environ 19 000 personnes ont été victimes de disparition forcée depuis 2013, dont près de 300 restent portées disparues à ce jour. Chaque année, des centaines de nouveaux cas sont recensés, touchant journalistes, étudiants, militants et responsables politiques. Ces pratiques s’inscrivent dans une politique systématique visant à réduire au silence toute forme d’expression ou d’engagement civique et associatif.
En Algérie, le destin de milliers de disparus de la « décennie noire » des années 1990 demeure toujours inconnu, dans un climat marqué par le déni officiel et l’absence de justice. En Irak, les guerres successives et l’action des milices confessionnelles ont provoqué des milliers de disparitions.
En Libye, ce phénomène perdure sur fond d’affrontements entre groupes armés et d’effondrement des institutions étatiques.
Au Yémen, les prisons secrètes placées sous le contrôle du mouvement houthi, ainsi que d’autres centres de détention gérés par des forces soutenues par les Émirats arabes unis dans le sud du pays, sont devenus des lieux opaques où croupissent de nombreux disparus.
En Syrie, malgré les évolutions politiques, le sort de dizaines de milliers de personnes disparues dans les geôles de l’ancien régime demeure une blessure ouverte dans la conscience universelle. Il appartient désormais aux nouvelles autorités syriennes d’entreprendre des actions concrètes afin de faire toute la lumière sur le sort des victimes, d’engager les responsables et de garantir vérité, justice et réparation.
Aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite, derrière l’image de modernité et de prospérité se dissimule une réalité faite d’injustice et d’impunité, où des prisonniers d’opinion et des opposants politiques ont subi des disparitions forcées, notamment au moment de leur arrestation.
La disparition forcée, imprescriptible en droit international, constitue un crime contre l’humanité lorsqu’elle est pratiquée de manière systématique ou à grande échelle. Pourtant, malgré la clarté des engagements juridiques internationaux, l’absence de volonté politique et de mécanismes effectifs de reddition des comptes continue d’entraver l’accès à la justice et la réparation des victimes.
À cette occasion, les organisations signataires :
Appellent les gouvernements arabes, et en particulier les États concernés, à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à instaurer des mécanismes nationaux indépendants chargés d’enquêter et de révéler le sort des disparus;
Réaffirment le droit inaliénable des familles des victimes à connaître la vérité, à obtenir justice ainsi qu’une réparation pleine, tant matérielle que morale;
Invitent la communauté internationale à exercer une pression effective pour mettre un terme à ce crime, à renforcer le soutien aux mécanismes onusiens compétents – notamment le Groupe de travail sur les disparitions forcées – et à recourir à la compétence universelle pour poursuivre les responsables;
Soulignent l’importance du rôle de la société civile dans la documentation, le plaidoyer et la mobilisation de l’opinion publique, et rappellent l’urgence de garantir une protection réelle aux défenseurs des droits humains engagés sur ce dossier. Nous rappelons que le silence face à ces crimes ne fait qu’aggraver la douleur des victimes et de leurs familles. Mettre fin à la disparition forcée requiert une véritable volonté politique, une justice indépendante et l’engagement ferme de la communauté internationale.
Organisations signataires :
Adala for Human Rights, Istanbul
Organisation des victimes de la torture, Genève
L’IFED International, Belgique
Alkarama for Human Rights, Genève
Human Rights Monitor, Londres
Cedar for Human Rights, Liban
Tawasul for Human Rights, La Haye
Organisation Sawt Horr for Human Rights, Paris
Egyptian Human Rights Council, Genève
Al-Tadamun for Human Rights, Genève