Comores : une peine injuste contre l'ancien président du pays
La Cour de sûreté de l'État de la République des Comores a condamné l'ancien président Ahmed Abdallah Sambi à la prison à vie pour haute trahison, en dépit de la décision du Groupe de travail des Nations unies dans laquelle sa détention a été qualifiée d’arbitraire.
Le tribunal a décidé de confisquer ses biens et de le priver de ses droits politiques et civils, c'est-à-dire « de son droit de vote et d'exercer une fonction publique ». Sambi a comparu brièvement le premier jour de son procès après une longue période de détention arbitraire. Au cours de son audience il a dénoncé le déroulement de son procès refusant de reconnaître la compétence du tribunal au motif que sa « formation est illégale ».
Le travail d'Alkarama
Le 29 mai 2018, Alkarama a soumis un appel urgent concernant l'ancien Président de la République des Comores au Groupe de travail des Nations unies mettant en garde contre la violation par les autorités de plusieurs dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
A son tour, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a confirmé, dans sa décision en date du 19 novembre 2018, que l'arrestation et l'assignation à résidence du Président Sambi sont arbitraires.
Pour rappel, la victime a été arrêtée le 19 mai 2018 après avoir assisté la veille à un rassemblement pacifique qui s'est déroulée devant la mosquée de Moroni, la capitale du pays. Pour justifier cette arrestation, le ministère de l'Intérieur a envoyé une « note circulaire aux responsables de la sécurité et de l'ordre publics », expliquant qu'il avait pris cette mesure « pour maintenir l'ordre et la sécurité publics. »
Le 20 août 2018, plus de trois mois après son arrestation, M. Sambi a été présenté devant le juge d'instruction, Ali Hassan, le neveu de l'actuel président de la République, qui a ordonné son arrestation en attendant son procès pour corruption afin de légaliser sa détention.
Depuis lors, M. Sambi se trouve dans la prison de Moroni à Foegejo, en attente de son procès.
Contexte politique
L'arrestation de l'ancien président Ahmed Abdullah Sambi s'inscrit dans des circonstances politiques particulières, notamment les modifications constitutionnelles controversées adoptées par le président actuel, le colonel Azali Asumani, qui a participé au coup d'État de 1999 avant d'être élu président du pays en 2016.
Ce dernier a annoncé le 28 avril 2018 l’organisation d’un référendum en juillet 2018 relatif à l’amendement de la constitution comorienne dont notamment le système présidentiel tournant entre les trois îles qui composent l'Union des Comores afin de lui permettre de se présenter à des élections présidentielles anticipées en 2019. La proposition d'amendement prévoyait également la suppression de la Cour constitutionnelle, plus haute instance judiciaire des Comores chargée de contrôler les élections présidentielles.
Ces amendements ont été critiqués par les opposants, dont l'ancien président, M. Sambi, qui les ont considérés comme un abus d'influence et de pouvoir. Malgré le boycott de l'opposition et le faible taux de participation au référendum organisé le 30 juillet 2018, le projet d'amendement constitutionnel a été approuvé avec 92,74 % des voix.
Détention arbitraire
Dans sa décision, le Groupe de travail a noté que l'assignation à résidence est considérée comme une détention si la personne concernée est détenue dans une zone limitée qu'elle ne peut pas quitter. Le Groupe de travail a également indiqué que l'assignation à résidence imposée à M. Sambi était une mesure administrative en dehors de tout cadre légal. Il n’a pas non plus été présenté à une autorité judiciaire avant le 20 août 2018, ce qui lui aurait permis de contester la légalité de sa détention comme le prévoit l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Dans une communication tardive au Groupe de travail, les autorités comoriennes ont à nouveau tenté de justifier la privation de liberté de M. Sambi sous prétexte de « risque de trouble à l'ordre public ». Cependant, le Groupe de travail a noté l'absence de faits concrets pour justifier une telle action, puisque le gouvernement ne pouvait pas lui reprocher simplement sa présence à un rassemblement improvisée devant la mosquée. Les experts ont estimé que l'assignation à résidence de M. Sambi était directement liée à l'exercice de sa liberté d'expression et de réunion pacifique, comme le prévoient les articles 19 et 20 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Le Groupe de travail de l'ONU a conclu que la détention d'Ahmed Abdallah Mohamed Sambi était arbitraire, et a appelé le gouvernement des Comores à « prendre les mesures nécessaires pour rectifier sa situation, l'indemniser pour le préjudice subi et veiller à ce que cela ne se reproduise pas. »