Arabie saoudite : Nous, femmes de détenus arbitraires en Arabie saoudite...

Dans une lettre ouverte, 500 femmes de détenus arbitraires en Arabie saoudite lancent un appel à l'aide aux oulémas.

« Nous, femmes d'Arabie saoudite. Nous, épouses, filles, sœurs et mères de prisonniers politiques détenus dans les prisons saoudiennes faisons appel à vous. Vous êtes notre dernier recours car la plupart des chercheurs et des imams en Arabie saoudite nous ont tourné le dos, par crainte du Ministère de l'Intérieur ou par zèle. La plupart de ceux et de celles qui nous ont soutenues ont fini par être jetés en prison ou continuent d'être persécutés. » .... C'est en ces termes que s'ouvre la lettre de 500 femmes de détenus arbitraires en Arabie saoudite aux oulémas. Les femmes leurs demandent leur soutien pour obtenir la libération de leurs proches.

« Ne pas savoir quand ils sortiront, ne pas savoir pourquoi ils sont en prison, aucun jugement... tel est le sort que connaissent la plupart des prisonniers politiques dans le Royaume. »

Dans cette lettre, les femmes décrivent l'impact de la détention arbitraire sur leurs vies :
«Nous, vos sœurs, sommes confrontées à un fléau. Un fléau auquel on a tenté de faire face par tous les moyens, en épuisant toutes les voies de recours possibles. Chaque fois, nous avons fait preuve de patience. Chaque fois, tous les chemins que nous avons empruntés ont été barrés. La détention arbitraire des meilleurs d'entre nous : les jeunes, les érudits, tous nos frères : il s'agit là d'un fléau qui affecte la sécurité de tous les citoyens de notre royaume et qui empoisonnent leurs vies d'amertume. » Les signataires poursuivent : « Le nombre de prisonniers détenus arbitrairement est si élevé qu'il est à présent difficile de trouver un seul foyer qui n'a pas un membre de sa famille détenu arbitrairement. Près de 30 000 familles souffrent de l'absence d'un des leurs. Ne pas savoir quand ils sortiront, ne pas savoir pourquoi ils sont en prison, aucun jugement... tel est le sort que connaissent la plupart des prisonniers politiques dans le Royaume. Et s'ils sont condamnés, ils n'ont même pas l'espoir de pouvoir être libérés après avoir fini de purger leurs peines. »

Les 500 femmes évoquent ensuite le déroulement des arrestations et les méthodes employées par les autorités saoudiennes : « Le pire, c'est de ne pas pouvoir s'y attendre. Les autorités procèdent aux arrestations sans même prévenir. S'il arrive qu'une personne honnête et pieuse disparaisse en Arabie saoudite, il est fort probable qu'elle se trouve dans une cellule de prison (...) Les services de sécurité utilisent la terreur comme modus operandi: ils encerclent la maison, quelquefois avec des véhicules blindés, ils enfoncent la porte, souvent tard dans la nuit et pénètrent le domicile familial à grand renfort de soldats et de civils armés. Ils renversent sens dessus dessous la maison, fouillent les femmes, volent ce qu'ils trouvent, terrorisent les enfants et mettent la maison à sac. Ils finissent par arrêter celui qu'ils recherchent en lui passant les menottes et lui mettant un bandeau sur les yeux. Sous les yeux de ses parents, sa femme, ses enfants. Ils n'ont aucun respect de rien. Même pas pour le principe d'inviolabilité du domicile privé. ».

 

« Qu'il avoue ou non, qu'il soit jugé ou non, le prisonnier n'appartient ni au royaume des morts, ni au monde des vivants. »

Puis, elles expliquent en ces termes le sort que partagent les milliers de prisonniers détenus arbitrairement dans les prisons saoudiennes: « Lorsque quelqu'un placé en détention, aucune nouvelle de lui ne franchira les murs de la prison. Sa famille ne saura rien de lui pendant des mois, voire des années. Il sera torturé pour avouer des crimes qu'il n'a jamais commis. Il sera battu, insulté, menacé de viol, privé de nourriture... C'est ainsi que ça se passe, sur notre terre sainte, dans le berceau même de notre prophète ! Qu'il avoue ou non, qu'il soit jugé ou non, le prisonnier n'appartient ni au royaume des morts, ni au monde des vivants. Il sera jeté dans une cellule, loin du monde extérieur. Il ne saura plus faire la différence entre le jour et la nuit. S'il arrive que le prisonnier tombe malade, il ne recevra aucun traitement. Même après avoir fait des demandes répétées. Même après que sa famille a écrit des dizaines de lettres, effectué plusieurs appels pour qu'ils reçoivent un traitement médical. De nombreux prisonniers détenus arbitrairement en Arabie saoudite souffrent de maladies graves : maladies des reins, du cœur, du foie, du sang, cancers sans jamais être pris en charge. Rarement, on leur « fera une faveur » : ils auront droit à des tranquillisants. »

Mais la détention arbitraire ne touche pas que les hommes en Arabie saoudite. Les signataires soulignent qu'un nombre croissant de femmes sont détenues dans des conditions inhumaines : « Le plus grave, le plus insultant c'est que les autorités n'hésitent plus à jeter de nombreuses femmes en prison, à les traiter comme des hommes... Ces femmes, qui n'ont fait que protester pacifiquement contre la détention de leurs pères, de leurs maris, de leurs fils, sont détenues dans des conditions inhumaines dans des cellules insalubres. Avec la caméra de surveillance en marche jour et nuit, elles ne peuvent même pas enlever leurs voiles. Elles sont réveillées au beau milieu de la nuit pour être questionnées par des interrogateurs stupides et sans aucune valeur morale. Leur honneur est menacé, leur dignité insultée. Certaines, détenues pendant des années, sont contraintes de laisser leurs enfants grandir loin d'elles. Pis, il arrive que d'autres soient emprisonnées avec leurs enfants ! ».

Elles évoquent également leur lutte pour la cause de leurs maris, leurs pères, leurs fils : « Nous avons enduré, enduré encore. La colère, l'amertume de notre douleur, de l'humiliation. Nous avons frappé à toutes les portes qu'ils disaient ouvertes. Elles étaient fermées. Nous nous sommes heurtées à un millier d'obstacles. Nous nous sommes mobilisées en organisant des rassemblements pacifiques pour exiger nos droits. On nous a répondu par des coups et en jetant certaines d'entre nous en prison. Nous sommes des femmes. Nous demandons que nos droits et ceux de nos proches détenus soient respectés. Et pour cela, nous avons été arrêtées, détenues, interrogées, humiliées. (...) »

Et de poursuivre : « Et puis, il y a eu les événements à la prison d'Al-Hayer, le soulèvement des prisonniers. Dans la nuit du vendredi 13 juillet 2012, nos fils détenus là nous ont contactées pour appeler à l'aide. Des forces spéciales ont été déployées tout autour de la prison. Ils portaient des couteaux, des matraques électriques. Ils voulaient les punir pour avoir osé demander que notre frère Mohammad Mosleh al-Shahri reçoive un traitement médical pour son cancer.... ».

 

« Nous devons combattre ce fléau maintenant....Maintenant que vous avez pris connaissance des atrocités commises dans le monde souterrain du ministère de l'Intérieur saoudien ». »

Les 500 femmes concluent leur lettre par cet appel à l'aide : «Au nom de Dieu, nous vous demandons de nous apporter votre soutien, de vous engager pour une cause juste et nous libérer de cette injustice en usant de tous les moyens dont vous disposez. Demandez aux représentations saoudiennes dans vos pays des réponses, demandez à vos élus d'attirer l'attention de nos autorités sur ce fléau. (...) Alors, le ministère de l'Intérieur saoudien saura que ses actes perpétrés dans l'obscurité sont exposés en pleine lumière et que les crimes qu'il a commis et que nos frères ont enduré dans le silence sont à présent visibles par le monde entier. Nous plaçons tous nos espoirs en vous. (...) Nous devons combattre ce fléau maintenant....Maintenant que vous avez pris connaissance des atrocités commises dans le monde souterrain du ministère de l'Intérieur saoudien ».