Algérie : Représailles contre les familles ayant adressé des plaintes au Comité des droits de l'homme

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Le 26 mars 2015, Alkarama a adressé une communication au Comité des droits de l'homme (CDH) pour l'informer des mesures de représailles menées par les autorités algériennes contre certaines familles de la région de Jijel qui l'avaient saisi de plaintes individuelles à la suite de la disparition forcée ou de l'exécution sommaire de leurs proches dans les années 1990.

En dépit des décisions rendues par cette instance des Nations Unies appelant le gouvernement algérien à mener des enquêtes approfondies sur les circonstances des disparitions ou des exécutions sommaires, aucune suite n'a jamais été donnée par les autorités, ce qui a amené les familles concernées à envoyer des courriers aux instances officielles pour leur demander la mise en œuvre de ces décisions.

Pour toute réponse, les autorités algériennes ont fait convoquer les familles des victimes par les services du procureur de la république du tribunal de Taher pour être interrogées. Ainsi, Mme Zohra Boudehane, épouse et mère des disparus Tahar et Bachir Bourefis, et Mme Sakina Belhimer, épouse de Bachir Bourefis, ont dû se rendre le 9 février 2015 au bureau du procureur de Taher où elles ont été interrogées sur la raison de leur recours au CDH.

M. Khalifa Fedsi, père des deux frères exécutés sommairement par le chef de Daïra accompagné de policiers a été convoqué 10 jours plus tard, le 19 février 2015, par le même procureur qui l'a également interrogé sur les circonstances de l'affaire.

Alkarama avait déjà adressé le 3 mars 2015 une première lettre au CDH pour l'informer de ces tentatives des autorités de faire pression sur les familles plaignantes.

Le gouvernement algérien avait alors été invité par le Comité à « s'assurer que les auteurs des communications [...] ainsi que les membres de leur familles ne fassent en aucun cas l'objet de poursuites, de pressions ou de toute forme d'intimidation dans l'exercice de leur droit d'avoir soumis les communications devant le Comité ». Le gouvernement a en outre été prié de l'informer dans un délai de 30 jours des mesures prises en accord avec cette demande.

En dépit de cette injonction, les autorités ont persisté dans leurs manœuvres d'intimidations des familles des victimes ; en effet, le 11 mars 2015 Mme Zohra Boudehane a de nouveau été sommée de se présenter le jour-même au bureau du procureur de Taher, où elle s'est rendue accompagnée de son petit-fils ; le fonctionnaire qui l'a reçue lui a alors affirmé que les responsables de la disparition de son époux et de son fils étaient inconnus. Lorsque celle-ci a invoqué la décision du Comité, le fonctionnaire lui a répondu que « l'ONU travaillait contre l'Algérie » tout en lui enjoignant à signer un document, ce qu'elle a refusé de faire.

Mme Sakina Belhimer, qui s'est présentée plus tard au bureau du même procureur, a également refusé de signer un document dont elle ignorait la teneur ; son fils qui l'accompagnait a demandé à pouvoir en prendre connaissance, ce qui lui a été refusé.

Le lendemain, ce dernier a été interpellé en pleine rue par des gendarmes, lesquels sur le ton de la menace, lui ont demandé s'il connaissait le visage de l'adjudant-chef Said Gueham, le responsable de la disparition de son père cité nommément dans la plainte au Comité.

Depuis, d'autres familles ont été convoquées, certaines à plusieurs reprises, par les gendarmes pour être interrogées.

Il est évident qu'en agissant ainsi, les autorités algériennes tentent d'exercer une pression sur les familles des victimes qui ont saisi le Comité afin de les empêcher de poursuivre leurs démarches.

Il semble certain que cette procédure ne s'inscrit pas dans le cadre d'une mise en œuvre effective par les autorités des décisions du CDH et Alkarama craint que cette pratique ne vise également à dissuader les autres parents de victimes de violations graves des droits de l'homme de s'adresser, à l'avenir, au Comité.

Alkarama condamne ces pratiques et en conséquent a sollicité l'intervention urgente du Comité des droits de l'homme (CDH) auprès des autorités algériennes, afin qu'il les appelle à cesser d'exercer des pressions ou toute autre forme de menace à l'encontre des familles des victimes concernées par les décisions rendues.

Elle rappelle également que l'Algérie doit agir de bonne foi en vue de mettre en œuvre ses obligations internationales découlant notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) qu'elle a ratifié en 1989.

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