Algérie : Djameleddine Laskri entame aujourd'hui sa 24ème année de détention arbitraire

Djameleddine Laskri

Aujourd'hui, lundi 7 septembre 2015, marque jour pour jour la 23ème année de détention arbitraire de Djameleddine Laskri, qui entame ainsi sa 24ème année en prison. Le 20 août 2015, Alkarama a soumis au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) une communication de suivi concernant la situation actuelle de Djameleddine Laskri, architecte algérien âgé aujourd'hui de 55 ans condamné à mort dans l'affaire dite de l'aéroport d'Alger à la suite d'une procédure où les droits les plus élémentaires des accusés à un procès équitable ont été violés par la Cour spéciale d'Alger, alors présidée par le juge Bouhlass Said, promu par la suite président de la cour d'Alger.

Les avocats avaient alors boycotté le procès en protestation aux multiples violations des droits de la défense et des tortures subies par ces derniers, y compris dans l'enceinte du palais de justice. Plusieurs condamnés à mort avaient en effet été exécutés dans des conditions particulièrement inhumaines à Tazoult (Lambèse) près de Batna – et ce en présence du juge Bouhlass Said. Un moratoire de fait a été par la suite institué en raison des vives critiques et protestations formulées alors par les ONGs et les défenseurs des droits de l'homme.

Le 30 avril 2014 les experts onusiens saisis par Alkarama, avaient estimé dans leur Avis no 17/2014 que la détention de Djameleddine Laskri était arbitraire et avaient appelé les autorités algériennes à le libérer immédiatement et inconditionnellement ainsi qu'à l'indemniser de manière appropriée.

Près d'un an après cette décision rendue par le Groupe de travail, force est de constater qu'aucune suite n'y a été donnée par les autorités algériennes puisque M. Laskri est toujours en détention.

Alkarama partage les préoccupations de la famille sur le sort de Djameleddine Laskri qui garde aujourd'hui de profondes séquelles de sa détention au secret durant laquelle il avait été gravement torturé, engendrant des conséquences irréversibles sur son état de santé.

La famille de la victime a transmis l'avis du Groupe de travail aux différentes autorités compétentes, en particulier au Procureur général près la Cour d'Alger et requis sa libération en application de l'ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui lui est légalement applicable sans qu'aucune suite n'ait été donnée à ces requêtes. Epuisée par des années de combat pour la libération de son mari, Mme Laskri affirme avoir « tout essayé et frappé à toutes les portes, mais ce fut le silence total de la part des autorités ».

Ses proches s'interrogent encore pour leur part sur les véritables raisons de son maintien en détention alors même qu'il avait été mis hors de cause par le jury lui-même quant à l'accusation d' « utilisation d'explosifs dans les lieux publics » le juge n'ayant retenu pour le condamner à mort que l'accusation d' « appartenance à un groupe terroriste ».

Alkarama rappelle par ailleurs que le Groupe de travail a lui-même considéré dans son Avis no 17/2014 que « reporter la mise en liberté d'un détenu qui a été amnistié ou gracié n'est pas justifiable en droit international », concluant que ce maintien en détention est aujourd'hui dépourvu de toute base juridique interne à la suite de la loi d'amnistie qui lui est légalement applicable.

Le maintien en détention, en violation de la loi nationale constitue une détention arbitraire, considérée, y compris dans la loi algérienne (articles 108 et 109 du code pénal algérien) comme un crime passible d'une peine allant jusqu'à 10 années de prison pour les fonctionnaires ou magistrats responsables.

Alkarama a de nouveau sollicité le Groupe de travail afin qu'il rappelle aux autorités algériennes leur obligation de libérer immédiatement Djameleddine Laskri et de leur enjoindre de mettre en œuvre l'avis no 17/2014 rendu par le groupe d'expert de l'ONU y compris d'octroyer « une réparation adéquate et raisonnable en faveur de M. Laskri pour les dommages et préjudices causés par sa privation arbitraire de liberté pendant plus de 21 ans ».

Alors que le Goupe de travail a pu librement visiter plusieurs pays de la région ces dernières années, l'Algérie a toujours ignoré ses demandes de visites adressées en 2009 et en 2011. La persistance des autorités algériennes à refuser de collaborer avec les instances onusiennes et de déférer à leurs demandes dénoteraient l'absence totale de toute volonté de coopération et de mise en œuvre de ses obligations internationales en matière de protection des droits de l'homme.

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