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Alkarama for Human Rights, 15 janvier 2008

Le Groupe de travail onusien sur la détention arbitraire qui avait été sollicité par Alkarama le 17 avril 2007 pour une action urgente en faveur  de M. Issam Al Uteibi connu dans son pays sous le nom de Sheikh  Abou Mohamed Al Maqdissi a rendu ses conclusions lors de sa dernière session tenue à Genève à la fin du mois de novembre 2007.
L'instance onusienne déclare que sa détention depuis son arrestation est arbitraire et constitue une violation par le Royaume de Jordanie de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par ce pays.

Rappel des faits :

Monsieur Issam Mohamed Tahar Al Barqaoui AL UTEIBI, connu sous le nom de cheikh Al Maqdissi, est né le 7 mars 1959 à Barqa et réside dans la Muhafadat Al Racifa. Ecrivain et théologien connu en Jordanie et dans le monde arabe, il a été arrêté plusieurs fois par les services de renseignement et a régulièrement été accusé par les autorités jordaniennes de " glorifier et de promouvoir le terrorisme ".

Emprisonné une première fois entre 1994 et 1999, il a sous le même prétexte, été de nouveau arrêté le 28 novembre 2002 avec 11 autres personnes, accusés de " complot en vue de commettre des actions terroristes ". Cette arrestation est intervenue à la suite de ses déclarations publiques aux médias jordaniens et arabes justifiant l'Intifadha dans les territoires palestiniens occupés et condamnant la politique américaine dans le monde arabe.
Déféré devant la Cour de sûreté de l'Etat, juridiction d'exception, il avait été acquitté par jugement rendu le 27 décembre 2004.

Il n'a cependant pas été libéré mais transféré de la prison de Qafqafa, établissement de détention public, vers un centre de détention secret qui s'est révélé plus tard être le siège des services de renseignement d'Al Jandawil à Oued Essir. Il y a été détenu sans nouvelle inculpation et au secret du 27 décembre 2004 au 28 juin 2005, soit pendant 6 mois.

Libéré à cette date, il avait été soumis à des restrictions, notamment l'interdiction de se rendre dans certaines villes du pays, parmi lesquelles Irbid, Al Salt et Ma'an. Il avait également été contraint de faire des déclarations filmées.

A sa libération M. Al Uteibi avait reçu à son domicile de nombreux journalistes auxquels il avait accordé des interviews dans lesquelles il exprimait son point de vue sur la situation générale au Moyen-Orient. Interrogé par la chaîne satellitaire Al Jazeera le 4 juillet 2005, il avait condamné fermement l'occupation militaire américaine en Irak.

Au lendemain de cette intervention télévisée, le 5 juillet 2005, il avait de nouveau été arrêté et détenu au secret. Aucune raison, aucun mandat de justice ni aucune accusation ne lui avaient été notifiés au cours de cette dernière arrestation.

Le lendemain, M. Merouane Al Maacher, vice-Premier ministre et porte-parole du gouvernement avait déclaré à la télévision publique que " l'arrestation d'Al Maqdissi avait fait suite à ses contacts avec des entités étrangères, en dehors de la Jordanie, considérées comme terroristes. "

Sa famille n'a eu aucune nouvelle de lui pendant une année. Ce n'est qu'au mois de juin 2006 qu'elle a été autorisée pour la première fois par les services de renseignement à lui rendre visite. C'est à cette occasion que sa famille a appris qu'il était détenu dans des conditions particulièrement pénibles dans une cellule minuscule, qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une procédure légale, qu'il avait demandé en vain à constituer un avocat pour contester la légalité de sa détention. Toutes ces demandes lui ont été refusées.

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a adressé le 4 juin 2007 une série de questions au gouvernement jordanien en le priant d'y répondre pour l'éclairer au sujet des affirmations rapportées par la source. Le gouvernement s'est contenté de soutenir que M. Al-Uteibi, connu pour ses propos radicaux, avait été arrêté sur la base d'un mandat d'arrêt émis par un procureur pour " conspiration dans le but de commettre des actes terroristes ", charge qui lui aurait été notifiée. Le gouvernement affirmait également qu'il bénéficiaite d'un droit de visite et qu'il était défendu par un avocat.
 
Les autorités jordaniennes n'ont cependant jamais précisé la date légale de son arrestation et son inculpation  en dépit de son acquittement par la Cour de sûreté de l'Etat le 27 décembre 2004. Elles ont également passé sous silence les véritables motifs de celle ci qui a fait suite à son intervention télévisée dans laquelle il condamnait l'occupation de l'Iraq par les troupes américaines, ce qui a fait dire à l'un de ses avocats qu'il avait été arrêté à la suite d'une demande de l'ambassadeur américain à Amman.

Le Groupe de travail de l'ONU relève que les accusations du gouvernement jordanien restent vagues et considère donc qu'il a été en fait arrêté en raison de ses positions politiques qui divergent avec celles du gouvernement jordanien.

Alkarama a précisé dans un courrier ultérieur au Groupe de travail que M. Al Uteibi n'a été présenté devant un magistrat que le 19 avril 2007, soit deux ans après son arrestation. Celui-ci lui a notifié les charges sus-mentionnées. Le procureur a toutefois refusé la constitution de l'avocat mandaté par la famille.

Après avoir subi des mauvais traitements, M. Al Uteibi avait entamé une grève de la faim le 15 mai 2007 pour protester contre son maintien en détention après son acquittement et l'absence de procédure légale contre lui.
Il a également récemment entamé une grève de la faim illimitée pour protester contre sa détention arbitraire et son état de santé actuel est particulièrement préoccupant.

Après avoir constaté le caractère arbitraire de la détention de M. Issam Al Uteibi, le Groupe de travail de l'ONU a demandé aux autorités jordaniennes de remédier à cette situation en respectant ses engagements internationaux en matière de respect des droits de l'homme.

L'organisation Alkarama qui exprime ses plus vives préoccupations sur la situation actuelle de la victime continuera à suivre attentivement ce dossier jusqu'à sa libération effective.