Brahim Daouadji, un militant actif du Harak à Mostaganem, arbitrairement arrêté par la police le 11 octobre 2019, entame sa quatrième semaine de grève de la faim et son état de santé continue de se dégrader. Détenu à la prison de Mostaganem, il a été évacué en urgence le 5 novembre 2019 à l'hôpital de Mostaganem à la suite d'une hémorragie interne.
Sa famille est d'autant plus inquiète que Brahim Daouadji a été sévèrement battu par la police à la suite de son arrestation et durant sa garde à vue. Plus grave encore, après sa comparution devant le juge d'instruction qui a ordonné son placement en détention provisoire, et alors qu'il se trouvait légalement placé sous la protection de la justice, il a été emmené à nouveau au commissariat de Mostaganem où il a été torturé avant d'être conduit en prison. La résurgence de ce genre de pratiques qu'on espérait disparues à jamais en Algérie est particulièrement préoccupante.
Brahim Daouadji est professeur d'anglais, syndicaliste et membre du mouvement Rachad, demeurant à Sidi Mahdjoub, dans la Wilaya de Mostaganem. Il a été arrêté le samedi 11 octobre 2019 à la sortie de son domicile alors qu'il emmenait son fils âgé de trois ans, asthmatique, à l'hôpital.
Il a été violemment battu et emmené avec son fils au siège de la police où l'enfant est resté avec lui dans la cellule pendant huit heures sans nourriture, avant que son grand-père ne le récupère.
Il a été interrogé par la police sur son engagement politique et syndical et il lui a été reproché d'avoir eu l'intention de manifester avec d'autres personnes contre la visite prévue ce même jour du ministre des Sports à Mostaganem. D'autres jeunes avaient également été arrêtés dans la même journée en ville et interrogés sur leurs intentions de manifester ainsi que leurs prétendus liens avec Brahim Daouadji. La police leur a demandé de témoigner contre lui en échange de leur libération, ce que tous ont refusé.
Déféré après 48 heures de garde à vue devant le parquet du Tribunal de Mostaganem, il a été inculpé notamment d'« outrage à autorité constituée », d'« espionnage au profit de la chaine de télévision Al maghribya », d'« atteinte à la sureté de l'Etat » ainsi que d'avoir appelé au boycott des élections de décembre 2019.
Il a été présenté avec les autres jeunes arrêtés devant le juge d'instruction Mourad Mostefaoui qui l’a placé en détention préventive en dépit de l'absence de tout élément de fait comme de droit dans le dossier pénal.
Les autres jeunes arrêtés avec Brahim Daouadji qui ont refusé de témoigner à charge contre lui malgré les pressions de la police ont été placés sous contrôle judiciaire.
Après sa comparution et alors même qu'il se trouvait dès lors placé sous le contrôle et la protection de la justice, Brahim Daouadji a été ramené illégalement dans les locaux de la police où il a de nouveau été torturé par des agents de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) sous l'ordre du commissaire divisionnaire Allal.
Face aux graves violations dont il a été victime depuis son arrestation et en l'absence criante d'indépendance et d'impartialité des autorités d'enquête et de poursuite, Brahim Daouadji a décidé d'entamer une grève de la faim illimitée dès son placement en détention.
Cette grève de la faim ainsi que les mauvais traitements dont il a été victime, y compris en prison, ont entraîné une dégradation sévère de son état de santé, au point où le 5 novembre il a été évacué en urgence à l'hôpital de Mostaganem où les médecins ont diagnostiqué une hémorragie digestive.
Brahim Daouadji a été emmené devant le juge d'instruction le 7 novembre, et ses parents et son frère qui ont pu le voir brièvement au tribunal ont été troublés de constater sa volonté de poursuivre sa grève de la faim malgré le fait qu’il était amaigri et affaibli.
Le 29 octobre 2019, ses avocats qui dénoncent unanimement le caractère politique du dossier, ont introduit une demande de mise en liberté provisoire, demande rejetée par le magistrat instructeur. L'appel devant la chambre d'accusation de l'ordonnance de refus du juge d'instruction n'a pas encore été examiné.
Alkarama a soumis un appel urgent aux procédures spéciales des Nations Unies appelant les experts à exhorter les autorités algériennes à libérer immédiatement et sans condition Brahim Daouadji et à garantir l'indépendance de la justice.
Alkarama rappelle que le droit de manifester, d'informer ou de critiquer le gouvernement ne saurait être considéré comme un outrage aux autorités ou à fortiori une atteinte à la sureté de l'Etat. Ce droit protégé par la Constitution doit impérativement être respecté par l'état-major de l'armée algérienne, qui assure la réalité du pouvoir, en vertu des obligations internationales de l'Algérie.
Alkarama, 11 novembre 2019