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Deux journalistes intimidés à la veille d’élections cruciales en Mauritanie

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Babacar Ndiaye

Le 8 août 2018, les autorités mauritaniennes ont procédé à l’arrestation de deux journalistes Babacar Ndiaye, webmestre du portail d’information Cridem, et Mahmoudi Ould Saibout, journaliste à Taqadoum, suite à une plainte pour diffamation, déposée par un avocat basé en France et proche du gouvernement actuel, à propos d’un article qu’ils avaient partagé sur leurs plateformes respectives. Estimant qu’il s’agit d’une violation flagrante au droit à la liberté d’expression des deux journalistes, Alkarama a saisi en urgence le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression (RSFRDX ) de cette situation.

Alors qu’il se rendait à un rendez-vous avec l’un de ses confrères le 8 août, Babacar Ndiaye, a été arrêté dans le quartier de Tévragh-Zeina à Nouakchott par des agents de la police judiciaire en civil. Ces derniers n'ont invoqué aucun motif ni présenté de mandat. Le journaliste a ensuite été emmené au commissariat spécial de la police judiciaire de Tévragh-Zeina afin d’y être interrogé.

Lors de sa garde à vue, M. Ndiaye a été informé que son arrestation faisait suite à une plainte pour diffamation déposée par l’avocat d’affaire exerçant en France, Me Jemal Ould Mohamed Taleb. Ce dernier se présente dans les médias comme l’avocat et « l’ambassadeur itinérant » du président de la république, Mohamed Ould Abdel Aziz.

Le jour précédant son arrestation, M. Ndiaye avait en effet relayé un article initialement publié sur Mondeafrique, site internet hébergé en France, dans lequel l’avocat en question était qualifié de « mercenaire, mêlé à des affaires de mauvaise gouvernance ».

Dans les affaires de droit commun, l’article 56 du Code de procédure pénale prévoit que la durée de la garde à vue est de 48 heures renouvelable une fois sur autorisation du Procureur de la République. Or, M. Ndiaye n’a été déféré devant le procureur que le 15 août 2018 et inculpé de diffamation aux termes des articles 37 et 49 de l’Ordonnance n° 017-2006 sur la liberté de la presse. Laissé en liberté provisoire il a été déféré devant le tribunal correctionnel de Nouakchot le 23 août lequel rendra finalement son verdict le 6 septembre prochain.

« La diffamation ne devrait faire l’objet que de procédures civiles utilisant le droit de réponse et non pas des procédures pénales et ne devrait pas a fortiori entraîner de privation de liberté » a déclaré Khadidja Nemar, responsable juridique pour l'Afrique du nord à Alkarama ; « De telles pratiques affectent négativement le droit à l’information du public en favorisant un climat d’autocensure. »

Ce n’est pas la première fois que Babacar Ndiaye est inquiété par la justice de son pays. Le 7 avril 2016, il avait été convoqué par la police et placé en détention avant d’être libéré sous caution le lendemain à la suite d’une plainte pour « diffamation » déposée par Badr Ould Abdel Aziz, le fils du président de la république. Ce dernier avait été mis en cause dans un article publié sur le site internet du Cridem qui rapportait que celui-ci aurait tiré un coup de feu sur un berger.

Ces dernières semaines, les arrestations visant des défenseurs des droits de l’homme, des candidats de l’opposition et des journalistes indépendants se sont multipliées, alors que se tiendront le 1er septembre 2018, les élections législatives, régionales et municipales. Ainsi le défenseur des droits de l’homme et candidat aux élections législatives Biram Dah Abeid a été arrêté le 7 août 2018 et actuellement détenu à la prison civile de Nouakchott.

Alkarama est préoccupée par ce récent recul des droits fondamentaux en Mauritanie et appelle les autorités à s’abstenir de toute mesure susceptible d’entraver l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression en conformité avec l’article 19 du Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Mauritanie en 2004.

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