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Algérie : L'exécution sommaire de Fateh Dafar par la gendarmerie nationale devant l'ONU

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Alkarama a saisi le Comité des droits de l'homme des Nations Unies du cas de Fateh Dafar, arrêté en novembre 1994 par par les forces de la gendarmerie nationale d'Al Aouana puis sommairement exécuté en compagnie de plusieurs autres détenus, sans aucune procédure judiciaire préalable.

Fateh Dafar, 34 ans, un citoyen algérien vivant à Timizert près d'Al Aouana (wilaya de Jijel) où il exerçait la profession de contrôleur des impôts, a été arrêté sur les lieux de son travail par le capitaine Benaouda de la gendarmerie nationale le 26 novembre 1994. Emmené au siège de la brigade d'Al Aouana, il y est resté détenu au secret pendant 70 jours au cours desquels il a été sauvagement torturé.

Le 3 février 1995 vers 22 heures, les gendarmes, sous le commandement du capitaine Benaouda, ont transféré la victime et six autres jeunes hommes (Chekirou Mourad, Lakehal Mohamed, Ammour Boualem et trois autres non identifiés) du siège de leur brigade à la plage Chalate d'Al Aouana. Le déplacement des détenus, encadré par les gendarmes qui utilisaient leurs véhicules officiels, s'est réalisé au vu et au su de nombreux habitants de la commune. Les victimes, qui savaient qu'elles allaient être exécutées, ont crié leurs noms au cours du trajet afin que leurs familles soient informées de leur sort.

Plusieurs personnes présentes à proximité de la plage cette nuit-là ont plus tard assisté à l'exécution par balles, ordonnée par le capitaine Benaouda, des sept citoyens ; leurs corps ont été abandonnés sur place.

Le lendemain matin, des agents de la protection civile sont arrivés sur les lieux pour récupérer les dépouilles sous la surveillance des gendarmes. Ils les ont ensuite transportées à la morgue de l'hôpital de Jijel où les familles de Fateh Dafar, Mourad Chekirou, Mohammed Lakehel et Boualem Ammour, informées par les témoins, sont venues dans la journée afin de les identifier.

Seul le père de Mourad Chekirou a pu obtenir un certificat de décès établi par un médecin du secteur sanitaire de Jijel attestant de la mort violente de son fils, dont « la boite crânienne était complètement défoncée » et qui affichait « une plaie [par balle] au niveau du thorax ».

Les familles des quatre victimes se sont ensuite rendues ensemble au Tribunal de Jijel pour déposer plainte devant le procureur de la république et exiger l'ouverture d'une enquête sur l'exécution sommaire de leurs enfants placés en détention au siège de la brigade de gendarmerie d'Al Aouana.

Le procureur de Jijel a cependant refusé de donner suite à leurs demandes et d'ordonner une autopsie comme la loi l'y oblige ; le magistrat s'est contenté de délivrer un permis d'inhumer considérant « qu'il n'était pas utile pour l'établissement de la vérité de reporter l'inhumation des dépouilles ».

Les familles des victimes, constatant la complicité des autorités judiciaires avec les auteurs des assassinats et craignant pour leur sécurité et celle de leurs proches, ont cessé toutes les démarches engagées pour obtenir justice. Ce n'est que plusieurs années plus tard, le 5 septembre 2000, que le père de Fateh Dafar a écrit au ministre de la justice pour demander à nouveau l'ouverture d'une enquête sans jamais cependant obtenir de réponse.

Après de nouvelles démarches en 2006, Mohammed Dafar a été convoqué par un officier du groupement de gendarmerie nationale d'Al Aouana, l'unité même qui a exécuté sommairement son fils, lequel lui a délivré un « procès-verbal de constat de disparition dans les circonstances découlant de la tragédie nationale » dans lequel il était déclaré que Fateh Dafar était considéré comme disparu après recherches demeurées infructueuses ; le même officier lui a ensuite délivré un certificat de décès sans préciser les causes et les circonstances de la mort.

En l'absence de voies de droit effectives et dans l'impossibilité d'obtenir justice dans son pays, M. Mohammed Dafar a mandaté Alkarama afin de soumettre le cas de son fils au Comité des droits de l'homme de l'ONU.

Le père de la victime exige notamment que les autorités algériennes mènent une enquête approfondie sur l'exécution sommaire de son fils, qu'il soit informé des résultats de cette enquête et que des poursuites pénales soient engagées contre les responsables de l'assassinat nonobstant l'Ordonnance du 27 février 2006 sur la réconciliation nationale qui interdit tout recours à la justice pour les crimes commis par des agents de l'État dans le courant des années 1990s. Cette ordonnance est d'ailleurs considérée par le Comité des droits de l'homme comme constituant une grave violation du droit international par l'Algérie.

Alkarama a ainsi soumis la plainte relative au cas de Fateh Dafar au Comité des droits de l'homme tel que prévu par le Protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques (OP PIDCP) auquel l'Algérie est partie, permettant ainsi à tout individu sous sa juridiction de saisir le Comité après avoir épuisé toutes les voies de recours internes.

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