Une petite ville. Voilà ce que pourraient peupler ces milliers de personnes dont on n'a plus de nouvelles depuis le début des événements en Syrie. Alors que les plus prudents avancent le chiffre de 3000, d'autres l'estiment à plus de 10 000. Tous cependant s'accordent sur l'augmentation nette des disparitions forcées ces derniers mois, résultat de la répression violente qui s'abat sur la population civile.
Si les chiffres sont inquiétants, l'aspect massif et systématique de la pratique, qui sévit dans toutes les régions de Syrie, est plus préoccupant encore. Toute personne actuellement arrêtée est presque systématiquement détenue au secret pendant des semaines, voire des mois, sans aucun contact avec l'extérieur. Les familles se retrouvent désarmées, d'autant plus que les autorités nient ces détentions et que les agents responsables de ces enlèvements appartiennent à différents services de sécurité, et non pas à la police judiciaire.
Le caractère massif de ces pratiques s'illustre également dans la diversité des personnes visées. Si les défenseurs des droits de l'homme, les avocats ou les journalistes sont particulièrement pris pour cibles, les services de sécurité s'en prennent également aux étudiants, aux pères de familles ; un simple soupçon suffisant souvent à justifier de telles actions. Ce fut le cas d'Anas Darwish Ammar, jeune étudiant en droit islamique de 27 ans, qui s'est fait arrêter à son domicile par les services de renseignement militaires. L'agent de sécurité s'est présenté chez lui accompagné de dix hommes qu'il a fait attendre au bas de l'immeuble pour n'éveiller aucun soupçon. A peine Anas était-il descendu qu'il se faisait arrêter, suite à quoi il a disparu pendant des semaines. Avant que les manifestations ne commencent, cet agent travaillait à la raffinerie de Banias avec le père d'Anas.
Ceux qui ont la chance d'être libérés témoignent des mauvais traitements et des tortures auxquels ils ont été soumis au cours de leur disparition forcée, révélant la gravité des violations dont se rendent coupables les autorités. Souvent, ce ne sont pas uniquement les personnes détenues qui souffrent, mais toute leur famille qui est persécutée. Ainsi, la famille Al Sahyoni compte déjà quatre de ses fils, très actifs dans les manifestations, derrière les barreaux. Récemment, les autorités s'en sont prises à la proche famille, détenant un oncle pendant une dizaine de jours et le soumettant à diverses tortures dans le but de lui faire avouer la participation de ses fils aux manifestations. Tous les hommes de la famille, y compris le jeune Ahmed âgé de 16 ans, sont désormais contraints à la clandestinité, et Fatema, leur sœur, a été victime de persécutions, arrêtée et interrogée sous d'intenses pressions psychologiques.
Il émerge clairement des témoignages et des plaintes déposées par les victimes que ces violations ne sont pas isolées ou le fruit d'une violence accidentelle. Par leur aspect massif, étendu et systématique, les violations des droits de l'homme qui sont actuellement perpétrées sur le territoire syrien s'apparentent à des crimes contre l'humanité.
Depuis le début de l'année, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU s'est réuni d'urgence à deux reprises à l'occasion de sessions extraordinaires. Une mission d'établissement des faits a été mandatée par le Conseil, qui a fait état des violations graves qui ont lieu sur le territoire, et une Commission d'Enquête devrait prochainement confirmer ces faits. Une telle situation justifie pleinement une saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de Sécurité, et Alkarama espère que la communauté internationale condamnera fermement les agissements des autorités syriennes.