Federal Supreme Court of the UAE

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 10 communications concernant 3 victimes


Emirats Arabes Unis

Nos préoccupations :

  • Les périodes prolongées de détention incommunicado et la pratique systématique de la torture ;
  • Les représailles contre les défenseurs des droits humains et la répression systématique des opposants politiques et des dissidents pacifiques;
  • L’absence totale de contrôle judiciaire sur les forces de sécurité de l'État et l'impunité des responsables de violations graves des droits de l’homme ;
  • La promulgation de lois répressives, telles que la loi antiterrorisme et celle sur la cybercriminalité, qui affecte gravement les droits et libertés fondamentaux ;
  • L’amendement du Code pénal favorisant de nouvelles violations des droits et libertés fondamentaux.

Nos recommandations :

  • Mettre fin à la pratique de la torture en mettant en œuvre la Convention contre la torture et en soumettant le rapport national initial au Comité contre la torture;
  • Mettre fin à la pratique de la disparition forcée et à la détention incommunicado ;
  • Libérer tous les prisonniers d'opinion détenus arbitrairement ;
  • Abroger ou modifier les lois antiterrorisme et la loi sur la cybercriminalité ;
  • Placer les services de sécurité de l'Etat sous le contrôle d'une autorité judiciaire indépendante ;
  • Ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

A suivre :

  • Juin 2017 : Soumission du rapport d'Alkarama au Conseil des droits de l'homme en vue du troisième examen périodique universel des EAU en janvier 2018 ;
  • 19 août 2017 : Retard de quatre ans dans la présentation du rapport initial des EAU au Comité contre la torture.

In 2016, Alkarama continued to document violations of fundamental rights and freedoms in the United Arab Emirates (UAE), including cases of arbitrary detention and torture, as well as violations of the freedoms of expression, peaceful assembly, association, and movement. Simultaneously, the UAE demonstrated an unwillingness to cooperate with the UN human rights mechanisms, either by not responding to letters of allegations or by refusing to provide any substantive information, especially in cases of disappearances, in relation to which they repeatedly failed to disclose information on the fate and whereabouts of the victims. However, despite of its human rights record, the UAE will be a member of the Human Rights Council until at least 2018. In June 2016, to signify the country’s “commitment to the UN” with its donation of 22 million US dollars, a new “Emirati conference room” was inaugurated at the Palais de Nations in Geneva. Human rights defenders have continued to face repression, with the authorities regularly employing intelligent spyware and revoking nationality. Indeed, spyware purchased by the government to allegedly combat crime and terrorism, are in fact used to gather intelligence on its citizens and to stifle any dissent. Pegasus, the software that was used against human rights defender Ahmed Mansoor, allows its operator to record phone calls and intercept text messages, including those on encrypted applications, such as Viber and WhatsApp. It can also copy contacts and read emails, as well as track movements and turn on the phone’s camera or microphone. Invoices from the Hacking Team spyware – that was also used to survey Ahmed Mansoor – were leaked in July 2015, indicating that the UAE were its second-biggest customers in 2015, paying them more than 634,500 US dollars to use spyware on around 1,100 people. This year, much like its neighbouring Gulf countries, the UAE increasingly relied upon the deprivation of nationality under the pretext of “national security”; an ultimate tool to suppress dissenting voices, in clear violation of article 15 of the Universal Declaration of Human Rights, which provides that no one shall be arbitrarily deprived of nationality. Lastly, in 2016, the country’s foreign policy continued to be marked by its support for the international coalition against the Islamic State, and its military role in the Saudi-led coalition against the Houthis in Yemen. The UAE are also taking part in an international operation – involving British, French, and US forces – in support of Libyan General Khalifa Haftar against rival militia groups in eastern Libya.

Violations du droit à la liberté d'expression

En 2016, Alkarama a continué à documenter les cas de personnes poursuivies pour avoir exercé leur droit fondamental à la liberté d'expression et d'opinion. Ces cas illustrent la répression accrue des autorités contre tous ceux qui critiquent leur politique, principalement des défenseurs des droits de l’homme et des partisans des réformes, en procédant à des poursuites politiquement motivées suivies de procès inéquitables. Des sanctions telles que l'interdiction de voyager ou même la révocation de la nationalité ont aussi été infligées à plusieurs d’entre eux. Le cas du journaliste jordanien Taysir Hasan Mahmoud Salman, qui a été convoqué au département des enquêtes criminelles d'Abou Dhabi en décembre 2015, en est un exemple. Lors de son arrivée dans les locaux de ce département, M. Salman a été aussitôt arrêté par des membres des forces de sécurité de l'État (Amn Al Dawla) et conduit vers un lieu inconnu. Il a été détenu au secret pendant plus de deux mois avant d’être enfin autorisé à communiquer avec sa famille le 18 février 2016 pour l'informer qu'il était détenu à la prison d’Al Wathba à Abou Dhabi. Son arrestation a fait suite à un message sur Facebook qu'il avait publié en 2014, avant même de s'installer aux Emirats arabes unis, dans lequel il avait critiqué le soutien des Emirats arabes unis aux actions de l'Égypte contre Gaza, ce qui a fait l'objet principal de son interrogatoire. Jusqu'à ce jour, Taysir Salman n'a pas encore été officiellement accusé et n’a toujours pas eu accès à un avocat, et plus d'un an après son arrestation, aucune date n'a été fixée pour un éventuel procès. Un autre cas illustrant cette pratique est celui du Dr Naser Bin Ghaith, universitaire réformiste, arrêté par les forces de sécurité de l'État le 18 août 2015. Après avoir disparu pendant près de huit mois, il a été déféré devant la Cour suprême fédérale à Abou Dhabi le 4 avril 2016 et accusé de «coopérer avec le parti Ummah» et de «publier des articles académiques critiques à l'égard des politiques gouvernementales», actes considérés par les autorités comme visant à «inciter l'opinion publique contre l'État, porter préjudice à l’unité nationale et provoquer des troubles civils et politiques ". Le parti Ummah étant classé par les EAU comme une entité terroriste, le Dr Bin Ghaith est poursuivi sur la base de la loi fédérale n ° 7 de 2014 pour la lutte contre les crimes terroristes. Il a également été inculpé en vertu des articles 26-28 de la loi fédérale no 5 de 2012 sur la lutte contre la cybercriminalité, pour avoir exprimé son opinion en ligne et à travers les réseaux sociaux et pourrait être condamné à une peine d'emprisonnement allant jusqu'à 15 ans. La loi antiterroriste fournit une définition extrêmement large et vague du terrorisme et continue d'être utilisée comme fondement juridique pour poursuivre et condamner les militants et les opposants politiques pacifiques. L’arsenal juridique pour la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité continue d'être l'outil privilégié de la répression contre les opposants politiques, les blogueurs et toute personne qui exprime une opinion qui n'est pas conforme à celle des autorités.

Utilisation systématique de la détention au secret pour faire taire l’opposition

La pratique de la détention au secret prolongée continue d'être largement utilisée comme stratégie répressive par l'appareil de sécurité de l'État pour répandre la peur et faire taire les dissidents, les réformistes et les défenseurs des droits humains et jusqu’aux avocats qui représentent les victimes. Chaque cas de détention au secret équivaut à une disparition forcée et constitue, de par sa nature même, à un crime au regard de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le recours à cette forme de détention incommunicado est couramment utilisé par les services de sécurité qui opèrent sous le contrôle du ministère de l'intérieur et rendent compte directement au président de la fédération. Les services de sécurité de l'État ne sont soumis à aucun contrôle judiciaire indépendant et disposent de leurs propres centres secrets de détention. En outre, les procès devant la cour de sûreté de l'état, juridiction d’exception statuant sans possibilité de recours, sont entachés de violations flagrantes au droit à un procès équitable. Alkarama a documenté de nombreuses situations de détention incommunicado de personnes arrêtées et a relevé que cette pratique est utilisée pendant l'interrogatoire dans le but d’extraire, sous la torture, des déclarations incriminant les victimes. La détention incommunicado n'est pas seulement propice à la pratique de la torture, mais peut être assimilé, en soi, à de la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les cas de Taysir Salman et de Naser bin Ghaith, disparus respectivement pendant trois et huit mois, illustrent bien cette pratique. En effet, tous deux ont rapporté avoir été torturés au cours de leurs interrogatoires respectifs en vue de les forcer à faire des aveux.

LES AMENDEMENTS AU CODE PENAL MENACENT LES DROITS ET LIBERTES FONDAMENTAUX

Le 18 septembre 2016, le Président des émirats a promulgué le décret-loi n ° 7 de 2016 portant amendement du Code pénal. Le décret, qui modifie 132 articles et introduit 34 nouvelles dispositions, met en péril les droits fondamentaux, y compris le droit à la vie et le droit à la liberté d'opinion et d'expression, ainsi que le droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques. L'un des aspects les plus préoccupants de cette nouvelle loi est qu'elle étend l'application de la peine de mort à un large éventail de crimes. Le Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires préconise que la peine de mort ne s'applique, dans tous les cas, qu'aux affaires concernant «les crimes les plus graves» pour lesquels «il peut être démontré qu'il y avait intention de tuer entrainant la perte de la vie". Pourtant, l'article 175 du nouveau Code pénal prévoit la peine de mort contre quiconque tente de porter atteinte à la vie du Président des EAU, que le crime soit effectivement commis ou non. La nouvelle loi impose également de graves restrictions au droit à la liberté de réunion pacifique et d'association. Entre autres, la création ou l'adhésion à des «organisations» visant à «renverser le gouvernement» ou à «menacer la sécurité de l'État» sont également punissables de la peine de mort. Selon la nouvelle loi, quiconque «insulte le Président des Émirats arabes unis» ou «insulte, se moque, porte atteinte à la réputation, au prestige ou au statut de l'État, de son drapeau, de son emblème, de ses symboles ou de ses institutions» peut être puni de peines allant de 10 à 25 années d’emprisonnement. Ces dispositions portent préjudice au droit à la critique pacifique et violent le droit des individus à s'exprimer sur la politique du gouvernement. Enfin, l'article 201 bis (7) du Code pénal modifié stipule qu'une personne reconnue coupable de crimes qui mettent en danger la «sûreté de l'Etat» doit être expulsée du territoire après avoir purgé sa peine. À bien des égards, cela est également assimilable à une déchéance de nationalité d’individus considérés comme indésirables par l'État et qui sont ainsi dépouillés de tous droits politiques et civils. Dans l'ensemble, les dispositions larges et vaguement définies du nouveau Code pénal permettent - et sans doute encouragent - des violations de certains des droits de l'homme les plus fondamentaux. Les modifications qui restreignent les libertés civiles et politiques doivent être révisées et remplacées de façon à ce que ces libertés fondamentales ne soient pas vidées de tout leur sens.