Protests against Guelleh’s running for fourth term

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 7 communications concernant 3 victimes.


DJIBOUTI

Nos préoccupations :

  • Torture généralisée et mauvais traitements pendant la détention et la garde à vue ;
  • Arrestations arbitraires d'opposants politiques pacifiques ;
  • Absence de garanties à un procès équitable ;
  • Restrictions à la liberté d'expression et de réunion pacifique et à l'usage excessif de la force par la police et l’armée ;
  • L'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme et l’absence d'enquêtes indépendantes et impartiales.

Nos recommandations :

  • Amender la législation nationale sur la torture et les mauvais traitements et la mettre en conformité avec la Convention contre la torture ;
  • Veiller à ce que les règles minima pour le traitement des détenus soient appliquées à toute personne privée de liberté et appliquer toutes les garanties relatives au procès équitable ;
  • Garantir les libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique et veiller à ce que ces droits puissent être exercés librement ;
  • Lutter contre l'impunité en poursuivant tous les auteurs de violations graves des droits de l'homme à tous les niveaux.

A suivre :

  • Septembre 2017: Soumission du rapport d'Alkarama au Conseil des droits de l'homme en vue du troisième examen périodique universel de Djibouti en mai 2018 ;
  • 1er novembre 2017: Soumission du deuxième rapport périodique de Djibouti au Comité des droits de l'homme.

L’année 2016 a été marquée par des violations récurrentes des droits civils et politiques à Djibouti, pays dominé par un système de parti unique. En avril 2016, le président Ismaïl Omar Guelleh a été réélu pour un quatrième mandat consécutif avec 87% des suffrages, suite à des élections largement critiquées pour avoir été manipulées, mais auxquelles l’opposition réprimée et mise à l'écart des affaires politiques du pays, a néanmoins pu participer. Le processus électoral a été accompagné de graves violations des obligations internationales du pays en matière de droits de l'homme. Les autorités ont systématiquement fait taire les membres de l'opposition et toutes les voix critiques, notamment les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, en procédant à des arrestations, détentions arbitraires généralisées, exécutions sommaires et tortures, mais aussi à la fermeture de journaux, la persécution de cyber activistes et l’interdiction de voyager pour les défenseurs des droits de l’homme.

Répression systématique de la liberté d'expression par des arrestations arbitraires

Depuis l'élection de Guelleh pour un quatrième mandat présidentiel, les voix dissidentes dans le pays se sont multipliées et s'expriment souvent à travers le cyber activisme, les réseaux sociaux et la presse. Cependant, dans de nombreux cas, les autorités ont réagi vivement à toutes critiques publiques, conduisant à des arrestations et détentions arbitraires, harcèlement judiciaire et parfois torture de tous ceux qui ont osé exprimer leurs opinions. Ce fut notamment le cas de Kadar Abdi Ibrahim, co-directeur du journal d'opposition « l’Aurore » à Djibouti. Le 19 janvier 2016, M. Ibrahim a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis et à la suspension de publication de son journal pour une période similaire. M. Ibrahim a été victime de harcèlement des autorités suite à la diffusion, dans son édition numéro cinq du 11 janvier 2016, de la photo d'une fillette de sept ans décédée lors de la violente repression d'une cérémonie religieuse par les forces de police et l'armée djiboutienne le 21 décembre 2015, et qui avait entraîné la mort de dizaines de personnes et fait de très nombreux blessés. En août 2016, M. Ibrahim a été arbitrairement arrêté pour la deuxième fois et son journal suspendu pour avoir documenté et rendu public l'interdiction de voyager imposée par les autorités à un ancien ministre djiboutien. De même, Alkarama a soumis le cas d'Abdi Aden Cheik Ali, un activiste pacifique de l'opposition, au Rapporteur Spécial de l'ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression. M. Cheik Ali a été arbitrairement arrêté en août 2016 et détenu trois mois en représailles à la diffusion d'une vidéo dans laquelle il dénonçait la pénurie d'eau dans la région d'Ali-Sabieh et blâmait l’inaction des autorités. A travers ces cas, Alkarama a relevé un même modus operandi : les victimes sont généralement arrêtées arbitrairement sans mandat puis placées en garde à vue dans divers postes de police à travers le pays. Elles sont privées de leur droit de contacter leurs familles ou des avocats, accusées de « répandre de fausses informations » ou « d'insulter les fonctionnaires de l'État », et font l’objet de procès inéquitables avant d’être condamnées à plusieurs mois d'emprisonnement et/ou à de fortes amendes. Les procès inéquitables, souvent expéditifs, sont symptomatiques du système judiciaire djiboutien qui manque d'indépendance et d'impartialité, et fonctionne sur ordre du gouvernement pour harceler et faire taire toute voix dissidente.

Confessions forcées et mauvaises conditions de détention

Les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme et les membres de l'opposition ont fait l’objet de nombreuses violations en détention. Beaucoup d'entre eux ont été torturés par les services de sécurité, soit pour extraire des aveux les incriminant soit comme mesures de représailles. En outre, les conditions de détention effroyables ; surpopulation, mauvaise hygiène, manque sévère de nourriture et de soins de santé appropriés. Ce type de traitement vise généralement à répandre la peur parmi les détenus pour les dissuader à poursuivre leur activisme. Ainsi, le journaliste Mohamed Ibrahim Waiss a été arbitrairement arrêté et détenu en janvier 2016 après avoir publié des articles critiquant la politique gouvernementale. Il a été arrêté par la police le 11 janvier 2016 et torturé pour obtenir le mot de passe de son compte Facebook, afin d’avoir accès à ses activités en ligne. Il a été transféré à la prison centrale de Gabode, dans la ville de Djibouti, où son calvaire s’est poursuivi ; il a été notamment soumis à de mauvaises conditions de détention au manque d’hygiène, la malnutrition et a été également privé de soins médicaux et de visites familiales. Ces cas de violations graves des droits de l'homme mettent en doute, non seulement l'engagement réel de Djibouti à respecter ses obligations juridiques internationales, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié en 2002, mais illustrent également le caractère intentionnel de ces actions qui visent à museler toute voix dissidente et à exercer des représailles contre ceux qui critiquent ouvertement le gouvernement. Il est urgent que le pays favorise le pluralisme politique et entreprenne des réformes démocratiques afin de garantir le respect et la protection des libertés et des droits fondamentaux.

FOCUS : REPRESSION AU COURS DES ÉLECTIONS PRESIDENTIELLES

En 2010, après que Guelleh ait été élu président pour la deuxième fois – en 1999 et 2005 – l'Assemblée Nationale de Djibouti a modifié la Constitution du pays, lui permettant de briguer un troisième mandat en 2011. Cette opération a fait l'objet de vives critiques et le pays a été secoué par une grande vague de protestations. L’opposition qui a boycotté les élections de 2011 a été rapidement réprimée et Guelleh a été réélu président pour un troisième mandat consécutif. Enfin, et suite à l'annonce de sa candidature pour un quatrième mandat en avril 2016, les autorités ont lancé une nouvelle vague de répression contre les rassemblements pacifiques des membres de l'opposition qui ont été, à nouveau, victimes de violences policières. Alkarama a documenté un incident du genre : le 21 décembre 2015, la police a fait irruption au domicile de Djama Amareh Meidal, membre de l'USN, où se tenait une réunion des membres de l'opposition. Les policiers ont fait usage d’armes à feu et de gaz lacrymogènes contre les personnes présentes parmi lesquelles, Said Houssein Robleh, un député qui avait déjà été harcelé par les autorités, Ahmed Youssef Houmed, président de l'USN et Hamoud Abdi Souldan, ancien ministre des affaires religieuses. Les trois hommes ont été blessés et hospitalisés au service des soins intensifs.