Shutdown of Al Zaman newspaper

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 3 communications concernant 2 victimes


OMAN

Nos préoccupations :

  • Les restrictions aux droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique ;
  • La pratique systématique de la détention arbitraire des défenseurs des droits de l'homme et de militants politiques ou dissidents ;
  • Les représailles contre les activistes pacifiques et les journalistes.

Nos recommandations :

  • Ratifier tous les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ;
  • Veiller à ce que les conditions de détention soient conformes aux Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus et appliquer toutes les garanties d'un procès équitable ;
  • Garantir le libre exercice des droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique ;
  • Lutter contre l'impunité en poursuivant tout auteur de graves violations des droits de l'homme à tous les niveaux.

A suivre :

Bien qu’il soit l’un des membres fondateurs du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Oman est le seul État de la région à ne pas participer aux actions visant à rétablir le gouvernement Hadi au Yémen. En raison de sa neutralité dans le conflit yéménite, l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le Yémen a consulté Oman en novembre pour rechercher une solution à la crise. De plus, le Sultanat a négocié, plus tôt dans l’année, la libération d'un citoyen américain au Yémen. En juin 2016, suite au Brexit, des rumeurs faisaient état du retrait possible du pays du CCG, ce que les responsables omanais ont démenti en insistant sur la ferme volonté du sultanat de rester membre du Conseil. L’année 2016 a également été marquée par un certain nombre de grèves des travailleurs étrangers pour protester contre la retenue de leurs salaires par leurs employeurs et leur hébergement dans des conditions d’hygiène déplorables. Les travailleurs domestiques étrangers, pour leur part, apparaissent comme le groupe le plus vulnérable à l’instar des autres pays du CCG. Ainsi, en février 2016, l'Indonésie a provisoirement interdit à ses citoyens de se rendre à Oman pour occuper un emploi de domestique. En avril, le ministère du travail omanais a annoncé des plans visant à renforcer la protection juridique des personnes relevant de cette catégorie particulière de travailleurs, qui étaient jusqu'à présent exclus du droit du travail. Le début de 2016 a vu le transfert de dix détenus yéménites de Guantanamo à Oman, un transfert qualifié par les autorités de "séjour temporaire" pour des raisons humanitaires, car ces personnes ne pouvaient pas retourner dans leur pays d'origine ravagé par la guerre. Bien que la mesure ait été présentée comme un développement positif quant à la fermeture de Guantanamo, aucun détail n'a été publié sur les conditions de leur libération ou sur leur détention éventuelle à Oman auquel cas cela constituerait une violation de leurs droits fondamentaux. Sur le plan législatif, le Conseil omanais - le Parlement bicaméral du pays – tente de réduire encore plus la liberté d’expression en envisageant une nouvelle réforme du code pénal visant à étendre délit de diffamation. Depuis, de nombreuses publications pratiquent l’autocensure et les poursuites contre les journalistes se sont multipliées. Certaines publications ont été fermées au prétexte des « circonstances que connait le pays ». C’est ainsi qu’au cours de l’année, le magazine Mowaten et le journal Al Balad ont fait leurs adieux à leurs lecteurs. Enfin, 2016 a vu le retour des Omanais aux urnes pour les élections locales. Les Omanais avaient été autorisés à élire leurs représentants locaux pour la première fois en 2012, pour une durée de quatre ans. Toutefois, les pouvoirs de ces élus sont limités, puisque le président et le vice-président qui dirigent les 11 municipalités ne sont pas élus démocratiquement mais nommés par les autorités. Le 26 décembre 2016, les résultats ont montré que sur les 202 sièges des conseillers, seuls sept seront occupés par des femmes.

Arrestations et persécutions répétées des défenseurs des droits humains

A Oman, les militants des droits de l'homme et les opposants pacifiques sont systématiquement ciblés pour avoir critiqué la politique du gouvernement. Des défenseurs des droits de l'homme ont été arrêtés, pour être interrogés sur leurs opinions politiques. Après avoir été libérés, certains ont été de nouveau arrêtés et poursuivis pénalement sur la base de lois restreignant les libertés fondamentales et victimes de nombreuses violations, y compris des mauvais traitements en détention et l’extraction d’aveux sous la contrainte ayant servis à les condamner au cours de procès inéquitables. Said Jadad, blogueur et éminent défenseur des droits de l'homme qui a documenté des violations des droits de l'homme dans son pays et participé à des manifestations dans la province de Dhofar, au sud d'Oman, pour appeler pacifiquement à des réformes, a été arrêté à plusieurs reprises. Il a été détenu sans inculpation en décembre 2014, à la suite d'une rencontre avec le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de réunion pacifique et d'association, Maina Kiai. Il a été de nouveau arrêté en 2015 et détenu en isolement pendant toute la durée de son interrogatoire. M. Jadad a été accusé et condamné par la Cour de Mascate pour «incitation à des manifestations», «trouble de l'ordre public» et «atteinte au prestige de l’état ». L'exécution de sa peine de trois ans a cependant été suspendue par la Cour d'appel. M. Jadad a également été condamné par la Cour de Salalah à un an de prison pour avoir «utilisé les technologies de l'information pour porter atteinte à l'ordre public» pour avoir comparé, sur un réseau social, les manifestations de Hong Kong de 2014 à celles de Dhofar en 2011.En mai 2016, Talib Al Mamari, parlementaire omanais et défenseur de l’état de droit et de la protection de l'environnement, lauréat du prix Alkarama pour les défenseurs des droits de l'homme en 2015, a été libéré par grâce royal. Il avait été arrêté en août 2013 pour avoir participé à une manifestation contre la pollution dans sa ville natale de Liwa. En Octobre 2013, il a été interrogé et libéré sous caution, pour être arrêté de nouveau la même journée. Il a ensuite été placé en cellule d'isolement jusqu'à la fin de son procès en décembre, à la suite duquel il a été condamné à cinq ans de prison pour «atteinte au prestige de l'État», «troubles à l'ordre public» et «obstruction à la circulation». Sa peine a été confirmée en appel en octobre 2014. Un mois plus tard, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a reconnu sa détention arbitraire et a demandé sa libération immédiate mais les autorités omanaises ont refusé pendant plus de 18 mois de mettre en œuvre la décision du WGAD. Cette série de représailles vise à réduire au silence la société civile ; les autorités ont recours systématiquement aux arrestations arbitraires, aux détentions incommunicado, ainsi qu'aux procès inéquitables contre toutes les voix dissidentes, indépendamment de leur caractère pacifique.

Toujours aucune ratification en vue des instruments fondamentaux relatifs aux droits de l'homme

À cette date, Oman n'a ratifié que quatre des neuf instruments internationaux fondamentaux relatifs aux droits de l'homme. Il s'agit du seul pays arabe qui n'est partie à aucune des conventions protégeant les droits fondamentaux, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Ces traités des Nations Unies assurent une plus grande protection aux droits et libertés reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Lors de son examen périodique universel en novembre 2015, Oman a reçu 232 recommandations des États membres de l'ONU, dont 53 l’ont appelé à ratifier les conventions fondamentales en matière de droits de l'homme, notamment le PIDCP et l'UNCAT. Au moment de son examen, la délégation omanaise a confirmé que «le Sultanat avait en principe accepté d'adhérer aux conventions suivantes ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ". Cependant, plus d'un an après cette déclaration, Oman n'a toujours pas honoré sa promesse. En outre, la délégation omanaise n’a pas fait allusion à l'intention éventuelle d'Oman de ratifier le PIDCP qui protège les droits et libertés fondamentaux tels que la liberté d'opinion et d'expression et la liberté de réunion et d'association pacifiques ; libertés que le Sultanat viole gravement. Oman doit ratifier ces conventions, s’il veut renforcer son engagement en faveur des droits de l'homme et fournir à ses citoyens des garanties sérieuses.

RESTRICTIONS A LA LIBERTE D'EXPRESSION, CIBLANT SPECIALEMENT LES JOURNALISTES

les nombreuses arrestations et poursuites qui ont eu lieu en 2016, et qui ont visé spécialement les artistes, les journalistes et les écrivains ont gravement porté atteinte à la liberté d'expression. En effet, en février, un célèbre caricaturiste a été condamné à trois mois de prison pour une publication sur Facebook. Au cours du même mois, l'ancien diplomate Hassan Al Basham a été condamné à trois ans de prison pour ses publications sur les réseaux sociaux : il a été reconnu coupable de «crimes de lèse-majesté et de blasphème». En avril, l'écrivain Abdullah Habib a été arrêté pour avoir appelé le sultan à révéler où étaient enterrées les personnes tuées lors de la rébellion de Dhofar de 1970. D'autres personnes, dont des écrivains tels que Saud Al Zadjali et Hamood Al Shukaily, ont été arrêtées plus tard pour avoir exprimé leurs opinions de la même façon. Cette répression contre la liberté d'expression à Oman est clairement illustrée par la fermeture du journal Al Zaman et l'arrestation de trois de ses journalistes suite à la publication d'une série d'articles qui ont révélé des cas de corruption et ont remis en question l'indépendance du pouvoir judiciaire. À la fin de juillet et au début d'août 2016, quelques jours après la publication d'un article révélant la corruption de la magistrature intitulée «Les hautes instances lient les mains de la justice», le rédacteur en chef d'Al Zaman, Ibrahim Al Ma'amari, ainsi que son collègue Zaher Al Abri ont été arrêtés. Le 9 août 2016, après qu'un article de suivi ait été publié sur ce sujet, le ministère de l'Information a ordonné la fermeture du journal et un autre de ses journalistes, Yousuf Al Haj, a également été arrêté par des agents de la Sécurité intérieure et détenu au secret pendant deux jours. Le droit de rencontrer son avocat avant sa première audience le 15 août 2016 lui a été refusé. Il a été accusé d’avoir «porté atteinte au prestige de l'Etat et publié des informations qui pourraient porter préjudice à la sécurité publique » ainsi que d’avoir « exprimé du mépris au pouvoir judiciaire». Le 26 septembre, la Cour de Mascate a ordonné la fermeture du journal Al Zaman. Elle a condamné Yousuf Al Haj et Ibrahim Al Ma'amari à trois ans de prison et Zaher Al Abri à une année d’emprisonnement. Yousuf Al Haj a depuis été libéré sous caution et attend aujourd’hui le verdict de la Cour d'appel. Il a indiqué qu'au cours de sa détention, il avait été détenu dans des conditions particulièrement inhumaines en cellule d'isolement, ce qui a entraîné une détérioration de sa santé. Bien que cette restriction de la liberté d'expression soit une question urgente à Oman, elle n'est pas nouvelle pour le Sultanat. En effet, après sa visite au pays en 2014, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association avait déjà exprimé son inquiétude à l'égard d'une "culture omniprésente du silence et de la peur qui affecte quiconque veut parler et œuvrer pour des réformes à Oman".