Students demonstrating at the University of Khartoum

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 36 communications concernant 13 victimes


SOUDAN

Nos préoccupations :

  • L’usage systématique de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
  • Le recours excessif à la force, les atteintes au droit à la vie, les disparitions forcées et les arrestations arbitraires de journalistes, d'opposants politiques et de défenseurs des droits de l'homme, y compris d’étudiants ;
  • Les restrictions et répression des droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique ;
  • Le non-respect des normes internationales relatives aux garanties d'un procès équitable ;
  • L’impunité pour les auteurs de violations graves des droits de l'homme.

Nos recommandations :

  • Ratifier la Convention des Nations Unies contre la torture et adopter une législation nationale sur la torture conforme aux normes internationales ;
  • Cesser le harcèlement et la répression des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme et d'autres opposants politiques ;
  • Garantir le libre exercice du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique.

A suivre :

  • 31 juillet 2017 : Soumission du cinquième rapport périodique du Soudan au Comité des droits de l'homme.

En 2016, la situation des droits de l'homme au Soudan a continué à se détériorer, malgré les efforts déployés pour résoudre le conflit en cours entre le gouvernement soudanais et les factions de l’opposition, qui ont eu lieu tout au long de l'année, initiative principalement parrainée par l'Union africaine. En août 2016, une coalition composée de membres de l'opposition et de certains groupes rebelles a rencontré des représentants du gouvernement soudanais à Addis-Abeba, ce qui a permis de signer un « accord sur la feuille de route » pour aider les parties au conflit à atteindre une cessation des hostilités, un accord de paix et un accès aux zones affectées. L'accord proposait également une résolution globale du conflit dans les États du Darfour, du Kordofan du Sud et du Nil Bleu. Mais le processus s’est effondré en quelques jours en raison du campement de chaque partie sur ses positions respectives. En outre, les autorités ont poursuivi leur politique de répression contre les opposants et les manifestants pacifiques. En avril et mai 2016, suite à la mort d'un étudiant tué par des agents du Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) lors d'une marche pacifique, une vague de protestations a secoué les campus universitaires à travers le pays, notamment à Khartoum, au Nord Kordofan et au Sud Darfour. Les mêmes services de sécurité ont répondu à ces manifestations par l’e recours à une violence disproportionnée, tirant sur les manifestants et tuant et blessant plusieurs d’entre eux tout en menant de nombreuses arrestations arbitraires. De même, en décembre 2016, la décision du gouvernement soudanais d'augmenter les prix du carburant et de l'électricité a donné lieu à un appel à la désobéissance civile. Les citoyens et les travailleurs ont commencé à boycotter écoles et travail pour protester contre les réductions des subventions et l'inflation. Le gouvernement a encore une fois réagi par une vague d’arrestations arbitraires et l’emprisonnement de membres de syndicats et d'opposants politiques accusés d'avoir « appelé à des manifestations et à des grèves ».

Arrestations arbitraires, détention secrète et torture d'opposants politiques et de manifestants pacifiques

Tout au long de l'année 2016, des membres du NISS ont procédé à des arrestations arbitraires d'opposants politiques, d'étudiants, de manifestants pacifiques et de journalistes ; tous ont été détenus secrètement pendant de longues périodes. Les victimes de tels abus sont généralement arrêtées sans mandat, détenues au secret pendant de longues périodes et torturées pour extraire des aveux utilisés pour les inculper et formaliser leur détention. Ce fut le cas en avril 2016, lorsque des étudiants ont organisé des manifestations pacifiques sur les campus universitaires pour protester contre la location des locaux historiques abritant l’université à des fins touristiques. Les agents du NISS ont eu recours à une violence excessive et mené des actions brutales contre les manifestants qui se sont soldées par des arrestations arbitraires de centaines d'étudiants qui ont été torturés pendant leur détention au secret. De même, Alkarama a documenté les cas de Mohamed Faroug Suliman Mahmoud et Murtada Ibrahim Idriss Habani, deux éminents membres de partis d'opposition soudanais qui ont rejoint les étudiants lors des manifestations pacifiques ; ces deux hommes ont été arrêtés sans mandat par des agents du NISS et détenus pendant plus d'un mois avant d'être libérés. La répression menée par les services de renseignements du NISS sur les campus universitaires ne constitue qu'une des nombreux abus commis par les autorités en violation des droits fondamentaux aux libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique. La torture reste une pratique répandue et systématique, favorisée non seulement par le refus de ratification du Soudan de la Convention contre la torture, mais aussi par la définition extrêmement vague de la torture dans le droit interne qui facilite la persistance de ce type d’abus.

Recours excessif à la force par les forces de sécurité et atteintes au droit à la vie

Cette année encore, les atteintes au droit à la vie, souvent dues à l'usage excessive de la force par des agents de l'État, se sont avérées être une cause de préoccupation majeure au Soudan. Il est fréquent que les services de sécurité, en particulier les forces du NISS, enlèvent, arrêtent, emprisonnent arbitrairement et torturent des membres de l'opposition, des étudiants, des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme. En outre, les services de sécurité font régulièrement usage excessif de la force contre de jeunes manifestants pacifiques, considérés comme une menace pour le régime et le statu quo politique dans la mesure où ils n'ont pas peur de revendiquer des réformes sociales et politiques et des changements démocratiques. Ce fut notamment le cas d'Abubakr Hassan Taha, jeune étudiant à l'Université du Kordofan qui a participé à une marche pacifique le 19 avril 2016, organisée pour soumettre au syndicat d’étudiants local, une liste de candidats pro-opposition pour les élections syndicales qui étaient prévues le même jour. Au cours des manifestations, des membres du NISS ont pénétré dans le campus de l'université et ont tiré à balles réelles sur les étudiants, tuant M. Taha et blessant beaucoup d'autres personnes. Aucune enquête n'a été ouverte à la suite de ces actes et les auteurs n'ont jamais été poursuivis. Cette impunité est largement encouragée par la loi de 2010 sur la sécurité nationale qui garantit l’immunité des agents du NISS et les protège contre toutes poursuites pénales, sauf révocation explicite par un supérieur hiérarchique direct ; une réalité encore improbable.

PROFONDES PRÉOCCUPATIONS SUR L’ETAT DES LIBERTES EXPRIMEES DURANT LE DEUXIÈME EXAMEN PÉRIODIQUE UNIVERSEL

Le 4 mai 2016, le deuxième cycle de l'examen périodique universel (EPU) du Soudan a eu lieu. A cette occasion, les Etats membres des Nations Unies ont formulé des commentaires et des recommandations que les autorités soudanaises peuvent accepter ou rejeter. Alkarama a participé à l'examen en soumettant un rapport sur la situation actuelle des droits de l'homme dans le pays, évaluant notamment la mise en œuvre des recommandations faites au cours du premier cycle en 2011. Le deuxième cycle de l'EPU a montré que la plupart des recommandations précédemment acceptées n'avaient pas été mises en œuvre suscitant ainsi de sérieux doutes quant à la volonté politique et à l'engagement véritable du gouvernement soudanais à protéger les droits de l'homme. Au cours de l'examen, les acteurs de la société civile et les Etats membres de l'ONU ont reproché aux autorités soudanaises d'avoir omis de modifier les cadres constitutionnels et législatifs du pays et de ne pas coopérer avec les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies. Les Etats intervenants ont également dénoncé les restrictions au pluralisme politique et à la liberté d'expression, ainsi que la pratique de la détention arbitraire et des exécutions sommaires. En outre, les Etats membres ont condamné le recours généralisé à la torture et l'impunité des agents du NISS qui ne peuvent être légalement poursuivis. De graves inquiétudes ont également été exprimées au sujet de la compétence des tribunaux militaires à poursuivre des civils pour des actes relevant de la liberté d'opinion et d'expression ainsi que de la liberté de réunion et d'association pacifiques. Durant ce deuxième examen périodique universel, le Soudan a affirmé son engagement à mettre en œuvre des réformes juridiques dans le pays mais s'est seulement contenté « d'envisager » la ratification de plusieurs instruments fondamentaux relatifs aux droits de l'homme, notamment la Convention contre la torture et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes de la disparition forcée. De même, les autorités ont rejeté plusieurs recommandations visant à réviser les lois nationales qui ont une incidence sur les violations des droits de l'homme, comme la loi de 2010 sur la sécurité nationale qui accorde aux forces de sécurité des pouvoirs étendus en matière d'arrestation et de détention sans surveillance judiciaire. Si le Soudan a affirmé son « ouverture à collaborer avec les mécanismes des droits de l'homme de l'ONU », il a toutefois rejeté plusieurs recommandations pour répondre positivement aux demandes réitérées de visites du pays formulées par les procédures spéciales des Nations Unies. Le Soudan a fait d'autres déclarations contradictoires au cours de l'examen, comme par exemple le fait d’affirmer son engagement à accorder un environnement sûr pour les journalistes, les opposants politiques et les défenseurs des droits humains, alors que la société civile a été empêchée de se rendre à Genève pour assister à la session. À la lumière du rapport d'Alkarama, et de l'issue de l'EPU, des recommandations ont été formulées en faveur de l’amendement des lois nationales en vigueur, la ratification et la mise en œuvre des traités de droit international ainsi que la cessation des pratiques qui violent les droits de l’homme. Le Soudan a également été invité à coopérer de manière constructive avec les procédures spéciales de l'ONU .