Demolition of Palestinian houses by occupying Israeli forces

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 9 communications concernant 5 victimes


PALESTINE

Nos préoccupations :

  • La détention arbitraire de Palestiniens par les autorités israéliennes, en particulier sous la forme d'un recours abusif à la détention administrative, y compris comme mesure visant à faire taire toute critique ;
  • Recours à la torture et à la détention arbitraire contre des mineurs dès l'âge de 12 ans ;
  • Augmentation constante du nombre de démolitions punitives de maisons de palestiniens;
  • Pratique courante de la torture par Israël et par l’autorité palestinienne;
  • Répression de la liberté d'expression par l'Autorité palestinienne.

Nos recommandations :

  • A Israël:

  • Libérer tous les mineurs arbitrairement détenus et amender la législation répressive qui leur est appliquée ;
  • Veiller à ce que les personnes en détention administrative soient libérées ou soumises sans délai à une procédure judiciaire équitable ;
  • Mettre un terme à la politique de démolitions punitives de maisons contre les Palestiniens.
  • A la Palestine :

  • S’abstenir de toute pratique de torture ou de mauvais traitements à l’encontre des personnes arrêtées ou détenues ;
  • Garantir à toutes les personnes poursuivies pénalement leur droit à un procès équitable ;
  • Mettre un terme au harcèlement des journalistes et des personnes qui critiquent les autorités et garantir le droit à la liberté de réunion pacifique.

A suivre :

  • Élections municipales palestiniennes ;
  • 2 mai 2017 : Retard de deux années dans la soumission du rapport initial de la Palestine au Comité contre la torture ;
  • 2 juillet 2017 : Retard de deux années dans la soumission du rapport initial de la Palestine au Comité des droits de l'homme.

L'année 2016 a commencé par la démission du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Makarim Wibisono. Il a justifié sa démission par le fait que, tout au long de son mandat, Israël lui avait refusé l'accès au territoire palestinien occupé (TPO) et a exprimé sa préoccupation face au manque de protection effective des victimes palestiniennes contre les violations continuelles par Israël des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Cette année, la situation d’impasse dans les négociations entre Israël et la Palestine s’est poursuivie après que le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu ait rejeté l'initiative de paix du Moyen-Orient lancée en juin. Le 23 décembre, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la Résolution 2334, qui exige la cessation immédiate de toutes les activités de colonisation par Israël dans les territoires palestiniens occupés. La résolution demande également des mesures immédiates pour empêcher tous les actes de violence contre les civils, ainsi que tous les actes de provocation et de destruction. Elle a en outre demandé à ce que les auteurs de violations soient tenus responsables et a exhorté les deux parties à agir dans le respect de leurs obligations en vertu du droit international. Le gouvernement israélien a fermement rejeté la résolution, affirmant qu'elle ne la respecterait pas et « réduirait » ses liens avec tout pays qui appuierait ce texte. Sur le plan politique, le 8 septembre 2016, la Haute Cour palestinienne à Ramallah a suspendu la tenue des élections municipales en Cisjordanie et dans la bande de Gaza prévues pour le 8 octobre en raison de l'impossibilité d’organiser le scrutin à Jérusalem-Est et d’un différend sur les listes de candidats entre le Fatah et le Hamas. Les élections, qui sont prévues pour 2017, seront les premières à avoir lieu dans tous les territoires palestiniens depuis 2007. La spirale de violence qui a débuté en septembre 2015 à la suite de l’intervention violente de la police israélienne sur l'Esplanade des mosquées s’est poursuivie, entrainant un total de 105 morts palestiniens et 13 israéliens en 2016, selon le Bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires dans les TPO. En juin, quatre Israéliens ont été tués dans un attentat à Tel Aviv auquel les autorités ont répondu en annulant 83,000 permis de voyager pendant le Ramadhan accordés aux résidents de Cisjordanie et de Gaza, ainsi que la suspension d'environ 200 permis de travail à des membres des familles des agresseurs présumés. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a qualifié ces actes de « punition collective » et a exprimé sa crainte qu’elle n’ « augmente le sentiment d'injustice et de frustration chez les Palestiniens ». Enfin, le 11 juillet 2016, et, dans une volonté d’affaiblir la société civile israélienne, la Knesset a voté en faveur de la loi sur les ONGs. Cette dernière vise prétendument à accroître leur transparence en exigeant de celles qui reçoivent plus de la moitié de leur financement d'entités gouvernementales étrangères, de divulguer certaines informations, y compris par exemple les noms de leurs donateurs. La loi a été adoptée en dépit de la déclaration de trois experts de l’ONU qui avaient exprimé leur profonde préoccupation devant le fait que cette législation « minerait le discours des ONGs des droits de l'homme en les soumettant à des sanctions sévères en cas de violation et les délégitimerait publiquement ».

Torture et détention arbitraire de mineurs par Israël

En août 2016, les députés de la Knesset ont approuvé le projet de « loi sur la jeunesse », autorisant l'emprisonnement d'enfants dès l'âge de 12 ans pour des infractions terroristes. Le Parlement a affirmé que les attaques de ces derniers mois exigeaient « une approche plus agressive, y compris envers les mineurs ». La loi s'appliquera spécifiquement aux enfants palestiniens à Jérusalem-Est occupée, car la loi militaire d'urgence applicable en Cisjordanie occupée prévoit déjà l'emprisonnement des enfants. Alkarama a documenté plusieurs cas de torture et d'emprisonnement d'enfants et d'adolescents, y compris le placement en détention administrative, qui est une mesure de plus en plus utilisée contre les mineurs depuis la fin de 2015. Dima Al Wawi, une étudiante palestinienne de 12 ans originaire d'Hébron, dont le cas a été transmis par Alkarama aux Procédures Spéciales, figurait parmi ces victimes. Le 18 février 2016, la Cour Israélienne d'Ofer l'a condamné à quatre mois et demi de prison pour avoir « porté un couteau dans son sac à dos, et tenter de tuer des colons israéliens et menaçant la sécurité d'Israël ». De plus, le 21 avril 2016, le Groupe de travail sur la détention arbitraire, saisi par Alkarama, a adopté un avis sur la situation de Mohammed Mahdi Saleh Suleiman, un adolescent palestinien d’Hares, en Cisjordanie, condamné à 15 ans de prison par un tribunal militaire pour « jets de pierres ». Dans leur décision, les experts de l'ONU ont qualifié sa détention de « discriminatoire » et d’« arbitraire », appelant Israël à sa libération immédiate. En mai 2016, à la suite de l’examen d'Israël par le Comité contre la torture, les experts de l'ONU se sont déclarés préoccupés par le fait que les mineurs palestiniens continuaient d'être victimes de torture et de mauvais traitements, notamment pour leur extorquer des aveux pendant des interrogatoires qui se déroulent en l'absence d'un avocat ou d'un membre de la famille. Selon plusieurs ONGs, en avril 2016, plus de 400 mineurs palestiniens étaient détenus dans des prisons israéliennes.

Utilisation abusive de la détention administrative contre les Palestiniens

Cette année encore, les Palestiniens emprisonnés dans des centres de détention israéliens ont vu leurs droits les plus fondamentaux violés : des centaines se trouvaient ainsi en détention administrative, sans jamais avoir été inculpés ou jugés. Bien que le droit international stipule qu’elle ne peut être utilisée que dans des cas exceptionnels, les autorités israéliennes ont systématiquement recours à la détention administrative pour punir et contrôler la population civile palestinienne. Cette mesure permet en effet de détenir les suspects pour des périodes de six mois renouvelables sans charge ni procès, sur la seule base de « preuves secrètes ». En outre, la plupart des détenus n'ont pas la possibilité de contester leur détention devant un juge indépendant, leur sort étant laissé à la seule discrétion de l'administration des autorités d'occupation. Selon des rapports d'ONGs, plus de 700 Palestiniens ont été placés en détention administrative en 2016, soit le nombre le plus élevé depuis 2007. Alkarama a notamment rapporté le cas d'Ali Mustafa Ahmad Hanoon, un imam palestinien aveugle qui a été libéré le 11 janvier 2016, après 20 mois de détention administrative. Dans un cas semblable traité par Alkarama, le 11 décembre 2016, après avoir déjà passé une année en prison, l'artiste palestinien de cirque Mohammed Abu Sakha a vu sa détention administrative renouvelée pour six mois pour sa prétendue appartenance à une organisation illégale. En outre, ce recours abusif à la détention administrative a été également utilisé pour museler toute voix dissidente, comme illustré par le cas du journaliste Mohammad Al Qeeq, libéré en mai 2016 après six mois de prison sous le prétexte d’« incitation à la violence dans les médias ».

Torture, détention arbitraire et violations des libertés d'expression et de réunion pacifique par l'Autorité palestinienne

Malgré la ratification par la Palestine du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention contre la torture en mai 2014, les violations des droits de l'homme persistent dans tout le pays. La pratique de la torture est généralisée : la Commission palestinienne indépendante pour les droits de l'homme reçoit ainsi chaque mois des dizaines de plaintes de torture et de mauvais traitements, à la fois dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas et en Cisjordanie. En outre, de nombreux cas de détention arbitraire ont été enregistrés en 2016, y compris ceux résultant du refus des autorités de mettre en œuvre des décisions de justice ou d'acquittement de détenus, ou des arrestations et détentions ordonnées pour des raisons politiques. Par ailleurs, les attaques contre les libertés d'opinion, d'expression et de réunion pacifique sont courantes à Gaza et en Cisjordanie. Cette année, plusieurs journalistes et militants politiques ont été harcelés, intimidés et maltraités physiquement pour avoir pacifiquement exprimé des critiques envers les autorités, y compris sur les réseaux sociaux. Dans certains cas, dans la bande de Gaza, des individus ont été contraints de signer un engagement à ne pas critiquer le Hamas. En outre, la répression des manifestations pacifiques s’est intensifiée : en février, les enseignants des écoles publiques ont entamé une grève appelant au respect de leurs droits en matière d’emploi, ce qui a provoqué les plus grandes manifestations dans le pays depuis plusieurs années, qui ont duré plusieurs semaines. Les services de sécurité de l'Autorité palestinienne ont mis en place des points de contrôle, interdisant aux enseignants d'entrer à Ramallah en les forçant à sortir de leurs voitures, tandis que les forces affiliées au parti du Fatah ont agressé les enseignants contestataires en les accusant d’ « attiser l'instabilité ».


LES DEMOLITIONS DE MAISONS COMME MOYEN DE PUNITION COLLECTIVE

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés, 1,081 bâtiments appartenant à des Palestiniens ont été démolis par les autorités israéliennes en 2016, soit deux fois plus qu'en 2015, entrainant ainsi le déplacement forcé de 1,587 personnes. Rétablies par le gouvernement israélien en 2014, les démolitions punitives de maisons – qui visent à punir collectivement les membres de la famille de personnes soupçonnées de crime, en violation du droit international – ont augmenté de façon constante. En mai 2016, le Comité contre la torture a dénoncé de telles pratiques et a appelé Israël à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à sa politique de démolition de maisons. Lors de son examen à Genève, Israël a affirmé que cette pratique ne servait qu'à « décourager les futurs auteurs de crimes terroristes ». Cette année, Alkarama a encore documenté plusieurs cas de démolitions de maisons, considérant que cette pratique équivaut, au regard du droit international et de la jurisprudence des organes des Traités, à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire à de la torture. Par exemple, en janvier 2016, les forces de défense israéliennes ont détruit la maison de Shafeeq Halabi, un plombier de 52 ans originaire du village de Surda, au nord de Ramallah, dont le fils Muhannad avait été abattu par la police trois mois auparavant pour avoir poignardé des Israéliens. Ces actions de démolitions des habitations de palestiniens ne constituent pas seulement des mesures punitives collectives, mais s'inscrivent également dans une politique plus large de discrimination. Par exemple, alors que les citoyens israéliens sont généralement autorisés à installer des colonies sans restriction, Israël a approuvé moins de 1,5% des demandes palestiniennes de permis de construire ces dernières années. Une telle discrimination est illustrée par le cas des frères Saeed et Nasr Al Abbasi qui, le 6 décembre 2016, ont été témoins de la destruction de leurs maisons à Jérusalem-Est par une centaine de soldats israéliens sous prétexte que leur maison avait été construite sans autorisation et sur « un espace vert ouvert ».