Nations Unies : Alkarama soumet au secrétaire général son rapport sur les représailles contre les personnes coopérant avec les mécanismes onusiens des droits de l'homme

reprisals

Le 13 avril 2023, Alkarama a soumis son rapport au Secrétaire général de l'ONU (UNSG) concernant deux cas de représailles en Tunisie et en Arabie saoudite.

En vertu de la résolution 12/2, le Secrétaire général de l'ONU soumet au Conseil des droits de l'homme un rapport annuel compilant les informations reçues sur les actes de représailles pour la coopération avec l'ONU dans le domaine des droits de l'homme. Ce rapport met en lumière la situation dans les pays où la coopération avec l'ONU déclenche des mesures de représailles et d'intimidations.

Dans sa contribution au rapport annuel sur les représailles, Alkarama a soumis des informations concernant deux cas particulièrement préoccupants de représailles à l'encontre de personnes ayant déposé des plaintes auprès des mécanismes des Nations Unies.

Le cas de Bechir AKREMI (Tunisie)

Procureur de la République auprès du tribunal de Tunis, juridiction importante dotée d’une compétence nationale exclusive en matière de lutte contre la corruption financière et de lutte contre le terrorisme, M. Akremi a eu à traiter et à enquêter sur les principales affaires de corruption et de terrorisme qui ont marqué l'histoire judiciaire récente du pays.

Lors de ses fonctions de premier juge d'instruction au Tribunal de première instance de Tunis, M. Akremi a été ainsi chargé d'instruire d'importantes affaires criminelles.

Les décisions qu’il a prises  dans certains dossiers qu’il a eu à instruire ont engendré de fortes hostilités à son égard de la part de certains hauts responsables de la sécurité, des syndicats de police, de certains médias et même de membres de l’exécutif.

Cependant, et malgré les pressions subies, M. Akremi s'est toujours efforcé d'exercer ses fonctions en toute indépendance et impartialité en refusant de politiser sa mission de magistrat et de se plier aux injonctions et intimidations de l'exécutif et de certains acteurs politiques.

Au cours des années 2021 et 2022, M. Akremi a été suspendu de manière abusive de ses fonctions par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Bien que la Haute Cour Administrative ait relevé l’illégalité pour abus de pouvoir de ces décisions, celles-ci n'ont jamais été exécutées en violation des dispositions légales.

Mandaté par M. Akremi, Alkarama et l’Association des Victimes de Torture en Tunisie (AVTT) ont soumis cette situation au Rapporteur spécial de l'ONU sur l'indépendance des juges et des avocats soulignant l'ingérence de l'exécutif dans le pouvoir judiciaire ainsi que le refus des autorités d’exécuter les jugements de la Haute Cour administrative.

Le 12 février 2023, soit cinq jours après la soumission du cas de M. Akremi à l'ONU, celui-ci a été arrêté à son domicile. De toute évidence l'arrestation du magistrat étant la conséquence directe de sa plainte auprès des procédures spéciales de l'ONU, Alkarama a indiqué dans son rapport que la privation arbitraire de liberté de M. Akremi constitue clairement des représailles pour sa coopération avec les Nations Unies.

Le cas de Safar bin Abdurrahman AL HAWALI (Arabie Saoudite)

Personnalité académique et religieuse éminente, M. Safar bin Abdurrahman AL HAWALI est détenu arbitrairement depuis le 12 juillet 2018 pour avoir publié un ouvrage critiquant  la politique internationale du prince héritier Mohammed bin Salman. Il a été détenu au secret pendant deux mois avant que sa famille n’apprenne qu’il était détenu au siège de la « Direction générale des enquêtes » (Mabahiths).

L’un des membres de sa famille se trouvant à l’étranger ayant rapporté à la presse et demandé à Alkarama de soumettre son cas aux procédures spéciales de l'ONU, ses fils et son frère ont été arrêtés par les Mabahiths en représailles.

En raison de graves déficiences qui affectent ses capacités de communication et de mobilité, Alkarama a soumis le 12 octobre 2020 une communication au Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, lequel a exhorté les autorités saoudiennes à le libérer. En réaction, celles-ci ont pris de nouvelles mesures de représailles contre M. Al Hawali et plusieurs membres de sa famille.

Ainsi, le 7 juin 2022, ses fils, Abdul Rahman, AbdAllah et AbdulRahim ont été condamnés respectivement à sept (07) et six (06) années d'emprisonnement au prétexte d’avoir publiquement dénoncé l’arrestation de leur père. Saadallah Al Hawali, son frère, a également été condamné à quatre (04) ans de prison.

Ayant interjeté appel de cette décision particulièrement sévère, les quatre hommes ont de nouveau comparu devant la juridiction d’appel  le 15 février 2023 où, au cours d’une audience tenue à huis clos, la cour a alourdi leurs peines d'emprisonnement de dix années supplémentaires chacun pour les punir d’avoir contesté le jugement initial.

Pour sa part M. Al Hawali a vu ses conditions de détention en isolement s’aggraver malgré son  âge et son état de santé qui nécessite des soins médicaux appropriés. Depuis, ses fils détenus ont entamé une grève de la faim pour protester contre les peines injustes prononcées à leur encontre en représailles.

Alkarama a donc démontré que le traitement subi par les membres de la famille de M. Al Hawali constitue des mesures de représailles pour avoir également porté leur affaire devant les mécanismes de protection des droits de l'homme de l'ONU.