ARABIE SAOUDITE: LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU DOIT ENQUÊTER SUR LA PRATIQUE SYSTÉMATIQUE DE LA DÉTENTION ARBITRAIRE

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Depuis sa création en 2004, Alkarama a soumis de nombreux cas de personnes sujettes à de longues périodes de détention arbitraire, de torture et de mauvais traitements aux procédures spéciales de l'ONU, notamment au Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA). Jusqu'à présent, tous les cas soumis au GTDA ont conduit à des avis favorables, indiquant la nature arbitraire des détentions.
À cet effet, le GTDA a récemment déclaré (Avis n ° 33/2020) que l'Arabie saoudite avait violé les obligations internationales en matière de droits de l'homme dans au moins 60 des cas examinés. En outre, il a rappelé que la nature généralisée et systématique de l'emprisonnement ou d'autres formes graves de privation de liberté peuvent constituer des crimes contre l'humanité.
La gravité de la situation, ainsi que le fait que le gouvernement saoudien n'ait jamais mis en œuvre les recommandations du Groupe de travail, ont amené Alkarama à soumettre, le 8 février 2016, une communication à la procédure de plainte du Conseil des droits de l'homme.
Créée en 2007, cette procédure est la seule à avoir pour mandat d'agir en cas de violations persistantes de tous les droits de l'homme et libertés fondamentales survenant dans tout État membre des Nations Unies. Une fois soumise, le Président du Groupe de travail des communications, en collaboration avec le secrétariat, analyse la recevabilité de la communication conformément aux critères définis aux paragraphes 85 et 88 de la résolution 5/1. La plainte est ensuite transmise à l'État concerné pour qu'il puisse s'exprimer sur les déclarations émises à son encontre.
Le Groupe de travail des communications évalue le bien-fondé des allégations, et par la suite c'est le Groupe de travail sur les situations qui détermine de manière fiable s’il existe un schéma constant de violations flagrantes et avérées.
Si tel est le cas, la communication, accompagnée des recommandations des groupes de travail, sont transmises au Conseil des droits de l'homme qui procède à un examen final et détermine la marche à suivre. L'ensemble de la procédure demeure confidentiel; néanmoins, le Conseil peut décider de ne plus examiner la question de manière confidentielle afin de la soumettre à un examen public.
Le nombre de cas de détentions arbitraires en Arabie saoudite et le caractère systématique de ces pratiques entrent dans le champ d'application de cette procédure de plainte. La communication d'Alkarama, qui présentait de nombreux cas illustrant un schéma de violations systématiques et généralisées des droits de l'homme, a déjà été examinée par le secrétariat et le Groupe de travail des communications et a été transmise au Groupe de travail des situations le 22 février 2017. Depuis lors, plusieurs des suivis ont été soumis par Alkarama au Groupe de travail pour l'informer sur la situation des droits de l'homme dans le pays.
Il y a lieu aussi de noter que depuis l'arrivée au pouvoir de Mohammad bin Salman, la situation s'est considérablement dégradée. Sous son régime autoritaire, des centaines de défenseurs des droits humains, d'universitaires, de personnalités religieuses, de journalistes, d'opposants politiques et de voix dissidentes pacifiques ont été persécutés et privés arbitrairement de leur liberté. La situation s’est tellement aggravée qu’il est pratiquement impossible de contacter les sources d’information, qui craignent des représailles ou ont été elles-mêmes arrêtées.
Aujourd'hui, tous ceux qui ont contacté des organisations étrangères pour faire rapport sur la situation dans le pays sont maintenant détenus. Les familles des victimes sont terrifiées et n'osent pas demander de l'aide, car elles sont constamment menacées de harcèlement judiciaire. Bien qu'Alkarama ait documenté plus de 130 cas de personnes actuellement détenues arbitrairement, nous n'avons pas été en mesure d'accéder à de plus amples informations.
Dans ce contexte, malgré les avis du GTDA et la communication d'Alkarama à la procédure de plainte du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement saoudien n'a montré aucune volonté de coopérer et d'améliorer le bilan du pays en matière de droits humains, ce qui justifie que le Groupe de travail sur les situations porte l'affaire devant le Conseil des droits de l’homme.