Alkarama condamne l’expulsion forcée par les autorités libanaises de dizaines de réfugiés syriens vers des zones contrôlées par le régime syrien, malgré l'existence du risque de torture -et d’exécutions extrajudiciaires- en violation du principe de non-refoulement consacré dans dans la Convention contre la torture.
Des sources de défense des droits humains ont indiqué que les autorités libanaises ont expulsé de force environ 150 réfugiés syriens vers leur pays par le point de passage de « Masnaa » depuis le 19 avril 2023.
Les expulsions ont eu lieu sous prétexte que les Syriens n’avaient pas de documents de résidence au Liban alors qu’un plan visant à expulser 15 000 réfugiés syriens par mois était dévoilé.
« Même s’ils sont enregistrés auprès du Haut Commissariat pour les Réfugiés et qu'ils sont sous le contrôle des forces gouvernementales, les craintes concernant la sécurité des réfugiés qui sont renvoyés de force sont aggravées par l’absence de nouvelles dès leur retour en Syrie. » a déclaré le directeur d’Alkarama, l’avocat Rachid Mesli.
« Les arrestations et les expulsions ont été effectuées de manière très arbitraire, les forces de sécurité faisant irruption dans les maisons des réfugiés syriens sans avertissement, les soumettant à des mauvais traitements dans plusieurs régions du pays », a-t-il déclaré.
L’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que le Liban a ratifié en 2000 dispose qu'«aucun État partie n’expulsera, ne refoulera ou n’extradera aucune personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ».
Violation du principe de non refoulement
En mai 2012, Alkarama a informé le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture que parmi les sept ressortissants syriens ayant purgé leur peine dans des prisons libanaises, trois avaient déjà été expulsés vers la Syrie à l'issue de leur peine et que les autres avaient été menacés d’expulsion.
En février 2011, Alkarama a adressé un appel urgent au Rapporteur spécial sur la torture concernant le risque d'expulsion d'un ressortissant syrien, Talaat Mustafa al-Kurdi, vers son pays, malgré la possibilité qu’il soit de nouveau arrêté et torturé.
Alkarama a également envoyé un appel urgent concernant un ressortissant syrien, Tariq Rajaa al-Nasser, et un réfugié irakien, Alaa Saad al-Sayyad, qui avaient déjà été expulsés de force vers leurs pays respectifs malgré le risque d’arrestation et de torture.
En janvier 2021, Alkarama a fait part de ses profondes préoccupations concernant le renvoi de la citoyenne russe, Victoria Matsakova, par les autorités libanaises, compte tenu du risque de torture qui existe en Russie et, dans ce contexte, a adressé un appel urgent au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, pour leur demander d’intervenir.
Activisme d'Alkarama
Le Liban est l’un des pays arabes où le recours à la torture est le plus répandu.
En mai 2022, le Sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture s’est dit préoccupé par la détention prolongée, la surpopulation et les conditions de vie déplorables dans les lieux de détention lors de sa deuxième visite au Liban.
Le chef de la mission du Sous-Comité au Liban, M. Nika Kvaratskhilia, a déclaré dans un communiqué de presse que : « 12 ans se sont écoulés depuis notre première visite au Liban, la plupart des recommandations issues de cette visite n’ont pas encore été mises en œuvre et les efforts du Gouvernement n’ont pas eu d’impact significatif sur la situation des personnes privées de liberté ».
Les positions du Comité de l’ONU sont similaires à celles exprimées dans les rapports qu'Alkarama a soumis à l’ONU ces dernières années.
À cet égard, en mai 2017, le Liban a fait l’objet de son premier examen par le Comité des Nations Unies contre la torture.
Le 30 novembre, le Comité des Nations unies a publié ses observations finales, accordant aux autorités du pays un délai d'un an pour la mise en œuvre de quatre recommandations prioritaires, à savoir la révision de la définition de la torture et son incrimination, le respect des garanties juridiques fondamentales des détenus, la création d’une institution nationale des droits de l’homme et la mise en place d'un mécanisme national indépendant de prévention chargé de recevoir les plaintes de torture.
Le Comité a invité l’État partie et les organisations non gouvernementales à suivre la mise en œuvre de ces recommandations et à fournir des données à ce sujet dans un délai d’un an.
Le 6 juin 2018, les autorités ont présenté un rapport de suivi contenant des informations relative à la mise en œuvre des quatre recommandations. Dans son rapport en date du 4 septembre 2018, Alkarama a souligné que les mesures prises par le gouvernement étaient insuffisantes et que davantage d’efforts étaient nécessaires pour éradiquer définitivement la torture.
Dans le cadre du troisième examen périodique du Liban devant le Comité des droits de l’homme, Alkarama a soumis un autre rapport alternatif en date du 12 février 2018 dans lequel elle a évalué la situation des droits civils et politiques dans le pays. Dans le rapport l’accent a été mis sur la persistance de la pratique de la torture, la violation du droit à un procès équitable, la restriction du droit à la vie privée et à la liberté d’expression ainsi que l'urgente nécessité pour l’État d’activer son institution nationale des droits de l’homme.
En juillet 2020, Alkarama a soumis un rapport alternatif dans le cadre de l’examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui mentionnait différents cas de torture et émettait des recommandations à l'attention de l’État.
Il convient de noter que la torture au Liban est une pratique courante. A titre d'exemple, l'ensemble des personnes arrêtées en lien avec les événements de Nahr al Bared ont été soumises à la torture et/ou à des mauvais traitements, y compris celles qui ont été détenues pendant de brèves périodes.