Tunisie: De nombreuses violations des droits de l'homme à aborder lors du prochain Examen Périodique Universel

 	تونس: الاستعراض الدوري الشامل 2016 - تقرير الكرامة

Le 22 septembre 2016, Alkarama a soumis son rapport sur la situation des droits de l'homme en Tunisie au Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations Unies en vue de son Examen périodique universel (EPU) prévu en mai 2017. Le rapport soumis par Alkarama suggère 16 recommandations à adresser à la Tunisie lors du prochain EPU, en vue d'améliorer le respect des droits de l'homme dans le pays.

Parmi les principales préoccupations exprimées dans le rapport figurent les réformes incomplètes du droit interne, qui n'est toujours pas en ligne avec les standards internationaux et qui – particulièrement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – mène à une recrudescence des violations, notamment en matière de garde à vue, de détention et de prévention de la torture ; le renouvellement de l'état d'urgence et des restrictions sur les droits fondamentaux qu'il implique ; le manque d'indépendance de la justice vis-à-vis de l'exécutif ; le manque de moyens et de temps accordé à l'Instance Vérité et Dignité (IVD) qui ne lui permettent pas de mener un processus de justice transitionnel complet ; et enfin les restrictions apportées aux libertés d'expression, d'association et de rassemblement pacifique.

L'EPU consiste en un examen de la situation des droits de l'homme de tous les Etats membres des Nations Unies par le CDH tous les quatre ans. Cet examen prendra la forme d'une discussion entre l'Algérie et les Etats durant lequel ces derniers formuleront des recommandations afin d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays.

Une réforme insuffisante du régime de la garde de la vue

La réforme du régime de la garde à vue promise par la Tunisie n'a pas permis de remédier à l'ensemble des insuffisances dans le respect des droits fondamentaux des détenus. Notamment, l'entretien de la personne gardée à vue avec son avocat a été limité à 30 minutes et la période de la garde à vue demeure à 15 jours pour les cas liés à la lutte contre le terrorisme.

Le surpeuplement carcéral reste également un défi majeur : en avril 2016, 24'000 personnes étaient détenues, pour une capacité de 16'000 lits.

Manque d'indépendance de la justice

Bien qu'en 2012, la Tunisie avait accepté de réformer son système judiciaire afin d'en renforcer l'indépendance, des liens forts subsistent entre les pouvoirs judiciaire et exécutif. Alkarama observe encore un manque d'indépendance et d'impartialité de la justice, notamment face aux allégations de torture des détenus. Par ailleurs, l'extension du champ de compétence des tribunaux militaires aux crimes internationaux constitue un obstacle à la tenue de procès équitables.

Un processus de justice transitionnel incomplet

Le processus de justice transitionnel initié en 2013 au lendemain de la révolution et qui avait suscité beaucoup d'espoir avec la création de l'IVD est mis en péril par le manque de moyens et de temps accordé à l'instance.

Ainsi, aucun cas de violation grave commis durant l'ancien régime n'a encore été transféré aux chambres spécialisées créées au sein des tribunaux afin d'entamer des poursuites. Ajouté à cette absence de poursuites, l'absence de véritable réforme du secteur de la sécurité a créé un climat d'impunité qui a facilité le retour de certaines pratiques du passé telles que la détention au secret et la torture.

Droits de l'homme dans la lutte antiterroriste

Outre une définition du terrorisme large et imprécise qui ouvre la voie à des arrestations abusives, la durée de la garde à vue peut être prolongée jusqu'à 15 jours alors que les standards internationaux la limite à 48 heures. Par ailleurs, les suspects ne sont autorisés à s'entretenir avec leur avocat qu'au bout de 48 heures de garde à vue et pour une durée maximum de 30 minutes.

Enfin, le recours aux détentions incommunicado de personnes soupçonnées de terrorisme persiste et la torture continue d'être pratiquée. Jusqu'aujourd'hui aucun jugement annulant des aveux obtenus sous la torture n'a été rapporté malgré les nombreuses allégations de torture devant les tribunaux.

Restrictions à liberté d'expression, d'association et de rassemblement pacifique

L'état d'urgence entré en vigueur le 24 novembre 2015 et qui a été depuis été prolongé plusieurs fois accorde au ministère de l'Intérieur de larges pouvoirs, y compris de restreindre le droit à la libre circulation, de suspendre toutes les grèves et manifestations, d'interdire et disperser tous les rassemblements qu'il considère menaçant l'ordre public, et de prononcer l'assignation à résidence de toute personne dont l'activité est jugée dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics.

Alkarama constate que cette mesure, héritée de l'ancien régime, est utilisée sans que les critères de proportionnalité et de nécessité ne soient respectés et est régulièrement invoquée pour interdire et réprimer tout rassemblement pacifique.

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