SOUS-COMITÉ DES NATIONS UNIES POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE : ALKARAMA SOULIGNE L’IMPORTANCE D’UN ACCÈS EFFECTIF À TOUS LES LIEUX DE DÉTENTION

Le Palais Wilson à Genève, en Suisse, est le lieu où se réunit le sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture.

Le 21 avril 2002, Alkarama a présenté sa contribution au projet d’observation générale du Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) sur l’article 4 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). Cet article oblige les États parties à autoriser leur mécanisme national de prévention et le SPT à visiter les lieux de privation de liberté « afin de renforcer, s’il y a lieu, la protection desdites personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Le SPT élabore actuellement son interprétation des obligations des États parties en vertu de cet article et, en particulier, de la nécessité d’un accès sans restriction aux lieux de privation de liberté afin de prévenir la torture.

Alkarama a présenté son analyse des principaux défis à discuter dans ce contexte. L’analyse s’appuie sur des observations pratiques faites par Alkarama dans le cadre de son travail dans plusieurs pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qui sont des États parties à l’OPCAT.

L’importance des observations générales dans la mise en œuvre des obligations conventionnelles par les États parties

Les observations générales sont souvent adoptées par les organes conventionnels pour préciser la portée des obligations des États parties concernant des articles spécifiques des conventions et suggérer des approches pour leur mise en œuvre. Ce sont des documents essentiels pour le travail juridique d’Alkarama, car ils fournissent des éclaircissements indispensables sur ce qui est attendu des États qui choisissent d’adhérer aux traités relatifs aux droits de l’homme, tels que la Convention contre la torture et ses protocoles facultatifs.

Lorsque les comités ou les sous-comités ont l’intention de produire un tel document d’orientation, ils invitent leurs partenaires et des intervenants privilégiés à commenter des questions importantes qui devraient être soulevées et clarifiées par les experts dans le document final.

Préoccupations d’Alkarama concernant l’accès aux lieux de privation de liberté en vertu du Protocole

Dans sa communication, Alkarama a rappelé que l’obligation des États parties de donner accès aux lieux de privation de liberté doit être remplie de manière à renforcer la protection des personnes privées de liberté. Par conséquent, Alkarama a souligné que l’incapacité des États à s’assurer que leurs MNP sont suffisamment financés et capables de s’acquitter de leur mandat de manière indépendante constitue un obstacle majeur aux visites effectives des lieux de privation de liberté.

Exemple de cette pratique, le mécanisme national de prévention (MNP) libanais établi par une loi de 2016 n'est toujours pas opérationnel, faute de volonté politique et de moyens dédiés. Ainsi, les détenus doivent adresser leurs plainte pour actes de torture ou mauvais traitements auprès des mêmes autorités qui ont initialement commis ou permis que de tels actes se produisent. Dans une telle situation, le droit à recours effectif devient illusoire.

En outre, Alkarama s’est déclaré préoccupé par les pratiques des États qui tendent à restreindre l’accès de leurs mécanismes nationaux de prévention ou du SPT aux lieux de privation de liberté. Ces pratiques restrictives peuvent prendre plusieurs formes, telles que le refus d’accès à certains lieux de privation de liberté qui ne sont pas considérés comme « officiels » ou l’imposition de restrictions sur la base de la « sécurité nationale ».

Dans la pratique, certains MNP ont rencontré des difficultés ou des restrictions pour effectuer des visites dans certains lieux de privation de liberté. Ces obstacles peuvent être trouvés soit dans le texte fondateur du MNP, soit dans le comportement de certains organes étatiques.

Par exemple, la loi organique n° 2013-43 du 21 octobre 2013 relative à l’autorité nationale pour la prévention de la torture prévoit dans son article 2 une liste de lieux considérés comme un « lieu de détention » qui exclut les lieux de privation de liberté tenus par l'armée.

En outre, le Comité contre  la torture a fait part avec préoccupation dans ses dernières observations finales sur la Tunisie que l’Autorité nationale pour la prévention de la torture s’était vu refuser l’accès au centre de police judiciaire de Gorjani, près de Tunis, où les personnes soupçonnées de terrorisme sont habituellement détenues, « au motif qu’il ne s’agit pas d’un lieu de privation de liberté ».

De plus, Alkarama a souligné l’utilisation de la « sécurité nationale » et de « l’ordre public » pour empêcher l’accès aux lieux de détention par les MNP dans plusieurs pays. Dans les lois établissant leurs MNP respectifs, le Maroc et la Tunisie ont introduit des articles permettant aux autorités détentrices de s’opposer, à leur discrétion, à une visite régulière ou inattendue de leurs MNP dans un lieu particulier, pour des motifs de « sécurité nationale » formulés en termes vagues, sans prévoir aucune forme de recours judiciaire.

Quelle sont les prochaines étapes?

L’adoption de l’Observation générale finale est souvent précédée d’une discussion au cours de laquelle les principales questions sont soulevées et débattues. Alkarama participera à la discussion générale sur le projet, qui est prévue pour la 50e session du SPT en juin 2023.

Avec sa participation, Alkarama espère faire la lumière sur certaines problématiques se posant en pratique  lors de visites périodiques au titre de l’article 4 du Protocole, à la fois pour le Sous-Comité et les Mécanismes nationaux de prévention.