Mauritanie : le Rapporteur Spécial confirme la pratique encore répandue de la torture et dénonce l’impunité

Juan Mendez; Rapporteur Spécial contre la Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le 2 mars 2017, lors de la 34ème session du Conseil des Droits de l’Homme, le Rapporteur Spécial contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (RST) des Nations Unies, Nils Melzer, a présenté les conclusions de la visite officielle effectuée en Mauritanie par son prédécesseur Juan Méndez, du 25 janvier au 3 février 2016. Le Rapporteur Spécial a rappelé aux autorités la nécessité d’appliquer les législations en vigueur et les garanties de protection en la matière. Il a noté la persistance de la pratique de la torture, les mauvaises conditions de détention des prisonniers et la généralisation de l’impunité. Le Rapporteur Spécial a formulé à ce titre plus de 30 recommandations rappelant notamment aux autorités mauritaniennes la nécessité d’appliquer la législation en vigueur et les encourageant à prendre des mesures décisives pour mettre un terme à cette pratique.

Sur le cadre juridique de la prévention et de la répression de la torture

Le Rapporteur Spécial a relevé l’adoption de plusieurs lois visant à éradiquer cette pratique, notamment la loi n°2013-011 du 23 janvier 2013 érigeant la torture en crime contre l’humanité, et la loi n°2015-034 adoptée en septembre 2015, instituant un mécanisme national de prévention de la torture. Il a toutefois souligné que ce mécanisme n’était toujours pas pleinement opérationnel et noté l’absence de ressources adéquates pour lui permettre de s’acquitter de son mandat. Il a ainsi encouragé la Mauritanie à veiller à ce que ce mécanisme, une fois opérationnel, soit totalement indépendant et impartial.

L’expert a rappelé l’importance de respecter toutes les garanties existantes visant à protéger les personnes contre la torture et les mauvais traitements, notamment en ce qui concerne le droit d’avoir accès à un conseil dès le moment de l’arrestation.

Il a enfin souligné la nécessité de prendre « des mesures urgentes pour faire appliquer les lois et les garanties existantes et veiller à ce que les pratiques et le contexte actuels ne favorisent pas la torture et d’autres peines ou mauvais traitements ».

Sur l’utilisation de la torture et mauvais traitements en vue d’extorquer des aveux

Dans son rapport, le Rapporteur Spécial a souligné que si la torture n’était plus généralisée en Mauritanie, elle restait cependant « répandue et fréquente », en particulier au cours des interrogatoires préliminaires dans le but d’extorquer des aveux. Alkarama avait par ailleurs documenté de nombreux cas de victimes torturées afin de leur extraire des aveux qui ont par la suite été utilisés pour les condamner dans le cadre de procès inéquitables. Le Rapporteur Spécial a d’ailleurs exprimé de vives préoccupations à ce sujet.

Sur les conditions de détention et la surpopulation carcérale

Lors de sa visite, le Rapporteur Spécial s’est rendu dans plusieurs lieux de détention à travers le pays, parmi lesquels l’unique prison pour femmes et une prison de haute sécurité. Il a particulièrement constaté les mauvaises conditions de salubrité et d’hygiène des cellules, l’insuffisance et la mauvaise qualité de l’alimentation ainsi que l’accès limité des détenus aux soins. Dans son rapport il a fait état de l’extrême surpopulation carcérale et des incidences sur les conditions de vie des détenus.

L’expert a conclu que les conditions de détention en Mauritanie sont souvent constitutives d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant et recommandé aux autorités d’introduire des mesures de substitution à la détention ainsi que la possibilité d’une libération conditionnelle afin de réduire sensiblement la surpopulation carcérale.

Sur l’impunité et la nécessité de mener des enquêtes

Le Rapporteur Spécial a enfin exprimé sa préoccupation quant à « l’absence quasi-totale d’enquêtes sur des allégations de torture et de mauvais traitements » en Mauritanie et l’absence de volonté des juges de poursuivre les auteurs de telles pratiques. Il a rappelé à ce titre qu’il est de la responsabilité l’Etat, en vertu de ses obligations juridiques internationales, de prévenir la torture et les mauvais traitements et qu’il « est impératif que la Mauritanie engage des poursuites contre les agents de l’Etat qui ordonnent, cautionnent ou dissimulent des actes de torture, abusant de manière flagrante de leur autorité ».

Le Rapporteur Spécial a ajouté que « l’impunité pour les actes de torture et les mauvais traitement restait la règle plutôt que l’exception, en raison notamment de l’absence de volonté politique de la part de l’Etat et du pouvoir judiciaire et de graves lacunes dans les procédure en matière de surveillance et de collecte d’informations concernant les allégations relatives à de tels actes ».

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