Maroc: La fille du détenu Rachid Al Ghribi appelle le roi du Maroc à libérer son père

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La fille du détenu marocain, Rachid Al-Ghribi Al-Aroussi condamné à 20 ans de prison, dont 17 ans et 7 mois se sont écoulées, a lancé un appel au roi Mohammed VI, lui demandant de libérer son père en vertu d'une grâce exceptionnelle due à son état de santé, selon une lettre obtenue par Alkarama.
"Mon père a été arrêté en 2003, alors que j'étais une petite fille de 5 ans, et maintenant je suis une jeune fille de 22 ans et mère d'un enfant", déclare la fille d'al-Ghribi, dans un message émouvant. Elle ajoute : "Toutes ces années n'ont pas été faciles,  le manque de mon père et son absence à mes côtés ont fortement influencé ma vie. Ce n'est pas facile, car ma relation avec mon père est plus que celle d'un père avec sa fille,  il est un père mais aussi un frère, un ami ... tout pour moi, et cela a influencé négativement le parcours de ma vie, notamment mon état de santé. Dans le courant de l'année 2019 j'ai appris  l'existence d'une maladie maligne qui épuise  mon corps, qui est un cancer et plus précisément la maladie de Hodgkin. Cette maladie m'a conduit à subir une chimiothérapie, puis une radiothérapie pendant une période de 8 mois, après quoi je m'apprêtais à faire ce qu'on appelle un scanner de fosse, qui me permettrai de connaître le niveau que la maladie a atteint dans mon corps, mais le destin a voulu que j'annule le scanner de fosse parce que j'ai découvert un autre problème qui a été la présence d'eau dans mon poumon. Je me suis effondrée  psychologiquement à ce moment-là et j'ai senti que le monde se rétrécissait dans tous ses aspects. C'est aussi à ce moment-là que j'ai souhaité que mon père soit avec moi pour que je puisse avoir son affection et sa tendresse (.....), et après plusieurs tests, le résultat a été le retour du cancer dans mon corps, je suis donc maintenant sur le point de subir à nouveau une chimiothérapie. "

Activité d'Alkarama
Le cas du détenu Rachid al-Ghribi al-Aroussi a très tôt fait l'objet d'une attention particulière, en raison d'un certain nombre de violations dont il a été victime, et le 20 février 2015, Alkarama a soumis le cas de Rachid al-Ghribi al-Aroussi aux procédures spéciales des droits de l'homme aux Nations Unies.
Al-Aroussi a été arrêté dans le cadre de la vague d'arrestations qui a suivi les attentats de Casablanca en 2003, et a été condamné à 20 ans de prison après un procès inéquitable. Des agents de sécurité l'ont arrêté sur son lieu de travail sans mandat le 2 juin 2003, et il a été détenu au secret pendant près de 3 mois, en violation flagrante des procédures légales en vigueur dans le pays.
Après son arrestation, Rachid El Aroussi a passé deux jours dans les locaux de la sûreté de Tanger, avant d'être transféré au tristement célèbre centre de détention de Témara, où il a été interrogé sous la torture. Rachid raconte qu'il a été complètement déshabillé, menacé de viol, battu sur tout le corps et privé de sommeil et de nourriture. Il ajoute que lorsqu'il n'était pas personnellement torturé, il entendait les bruits et les gémissements d'autres personnes qui étaient torturées ou traînées dans les couloirs. Après dix jours de cruelle torture, il a été contraint de signer ses aveux sans être autorisé à les voir.
Il a ensuite été transféré à la prison de Salé, et détenu au secret dans une cellule d'isolement dépourvue des conditions d'hygiène minimales jusqu'au 27 août 2003. Il n'a été autorisé à prendre une douche de cinq minutes qu'après 45 jours, et n'a vu la lumière du soleil pendant quelques minutes que trois mois plus tard.
Son épaule a été cassée pendant son isolement et il n'a été transféré à l'hôpital Souissi de Rabat qu'après cinq jours de souffrance. Face à son état de santé critique, le médecin a décidé de procéder à une intervention chirurgicale immédiate, mais l'administration pénitentiaire a refusé de le faire et s'est contentée d'un traitement superficiel pour le renvoyer dans sa cellule. Privé d'un traitement adéquat, torturé et soumis à des conditions de détention difficiles, il souffre à ce jour des effets de la fracture.
Rachid Al Ghribi a déclaré que pendant sa détention au secret, il a rencontré à plusieurs reprises, en l'absence de son avocat, à un fonctionnaire judiciaire qui lui ordonnait de signer les procès-verbaux sans y avoir accès. Le 27 août 2013, il a été déféré pour la première fois devant un juge d'instruction, en présence de l'avocat, qui a informé son épouse de son sort pour mettre fin à l'état d'angoisse et d'anticipation qu'elle vivait depuis trois mois.
La Cour d'appel de Rabat s'est appuyée sur les aveux de Rachid extorqués sous la torture et a décidé le 18 septembre 2003, à l'issue d'un procès formel, de l'emprisonner pendant 20 ans pour "constitution d'une bande dans le but de commettre des actes terroristes", "détention d'armes et d'explosifs", et "rassemblement sans licence et exercice d'activités dans le cadre d'une association sans licence."

Suite à la plainte d'Alkarama, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, lors de sa soixante-treizième session tenue le 4 septembre 2015, a adopté une résolution sous le n° 34/2015 dans laquelle il a considéré que la privation de liberté de Rachid al-Ghribi al-Aroussi est arbitraire, car il n'y a aucune de base légale au jugement prononcé contre lui, ce qui confirme la violation de son droit à un procès équitable. Le groupe de travail a également noté que l'Etat marocain n'a présenté aucune preuve pour réfuter les allégations de la victime concernant sa torture. En conséquence, le groupe de travail a demandé aux autorités marocaines de le libérer immédiatement et de l'indemniser pour les dommages physiques et moraux résultant de sa privation arbitraire de liberté. 
Alkarama a discuté à plusieurs reprises du cas d'Aroussi devant les instances onusiennes, que ce soit dans le cadre de ses rapports parallèles au Comité des droits de l'homme de l'ONU, de ses rapports au Conseil des droits de l'homme lors de l'EPU ou de sa correspondance avec le Secrétaire général de l'ONU concernant les représailles contre les dissidents pacifiques et les militants des droits de l'homme. Al-Aroussi est resté en état d'arrestation, et les autorités marocaines n'ont pas tenu compte des actions et positions condamnant son maintien en détention et sa privation de liberté.