Libye : Mustafa Taleb Younes Abdelkhalek Al Darsi relâché après 8 années de détention arbitraire

AL DARSI_Milices RADA

Mustafa Taleb Younes Abdelkhalek Al Darsi, 55 ans, a été libéré le 30 avril 2023 en fin d’après-midi à l’issue de huit ans de détention arbitraire dans un état de santé préoccupant, a appris Alkarama de sources familiales. 

Arrestation par les milices de RADAA 

Al Darsi a été arrêté à Zliten (180 km à l'est de Tripoli) le 9 janvier 2016 par des membres des « forces de dissuasion » RADAA, milice se réclamant de l'autorité du gouvernement d'entente nationale. Les hommes, en civil, ont arrêté la victime sans mandat de justice et sans lui annoncer les motifs de l’arrestation, puis l'ont emmené dans les locaux de la milice à Souk Al Joma près de Tripoli. 

Selon sa famille, Al Darsi a été arrêté parce qu'il avait précédemment dirigé l’administration des Awqaf et des affaires islamiques de Benghazi, le gouvernement concurrent qui contrôle la partie orientale du pays. Ce n’est qu’après plusieurs mois de détention secrète que la famille d’Al Darsi a finalement pu, grâce à des connaissances, connaitre son lieu de détention et le voir quelques instants le 28 mai 2016 à travers un écran à l'aéroport de Mitiga, situé à 11 km à l'est de Tripoli et utilisé comme quartier général. 

L’aéroport de Mitiga, l’ancienne base aérienne américaine jusqu’en 1970 (Wheelus Air Base) sert également comme lieu de détention des personnes arrêtées par les forces RADAA et abrite plus d’un millier de détenus en dehors de tout contrôle des autorités judiciaires. 

L’action d’Alkarama 

Sollicitée par la famille d’Al Darsi, Alkarama avait soumis son cas au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire dans une communication en date du 11 octobre 2016 lui demandant d’intervenir en urgence auprès des autorités libyennes pour les exhorter à libérer la victime. A cette occasion, Alkarama avait également souligné l’impérieuse nécessité pour les autorités libyennes de s’assurer que toutes les milices, y compris les forces de RADAA, soient soumises à un contrôle judiciaire effectif permettant aux personnes privées de liberté d'exercer leurs droits fondamentaux. 

Le Groupe de travail de travail de l’ONU a fait droit à la demande d’Alkarama et a reconnu le caractère arbitraire de la privation de liberté d’Al Darsi dans l’Avis 13/2020 appelant la Libye à le libérer immédiatement conformément à ses obligations conventionnelles découlant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu’elle a ratifié en 1970. 

Cependant, l’Avis rendu par les experts indépendants de l’ONU n’a jamais été mis en œuvre par le procureur général de Tripoli et par les autorités politiques officielles et Al Darsi a été arbitrairement maintenu en détention. 

Alkarama est régulièrement restée en contact avec la famille Al Darsi et a adressé plusieurs rapports de suivi aux procédures spéciales, notamment les 12 août 2021 et 27 mars 2023, pour les informer de la situation de la victime, de la détérioration de son état de santé, de l’interdiction de toute visite familiale et du refus des autorités de mettre en œuvre l’Avis du Groupe de travail. 

Alkarama rappelle que la libération d'Al Darsi n’exonère pas la Libye de ses responsabilités résultant des violations de ses droits au cours des huit années de détention arbitraire et appelle l’État partie à sanctionner les responsables de ces violations et à accorder à la victime une indemnisation appropriée en contrepartie notamment des problèmes de santé qui sont la conséquence directe ces huit années de souffrance.