Le Comité Contre la Torture de l’ONU qualifie la torture au Liban de « pratique largement répandue » : une opportunité pour le pays d’engager des réformes

Genève / Beyrouth, le 10 octobre 2014

Alkarama se félicite de la publication par le Comité contre la torture (CAT) de l'ONU de ses conclusions et recommandations relativement à l'enquête sur la pratique de la torture au Liban, à la suite de la communication soumise par Alkarama en 2008 faisant état d'un recours systématique à cette pratique dans le pays. Concluant qu' « au Liban, la torture est une pratique largement répandue et couramment utilisée » pour « enquêter » et «obtenir des aveux à utiliser dans le cadre des procédures pénales », le Comité a formulé 34 recommandations, traçant la voie aux autorités afin qu'elles engagent des réformes pour éradiquer la pratique de la torture.

A la suite de la crise de Nahr al Bared à la mi-2007 au cours de laquelle Alkarama a documenté de nombreuses violations des droits de l'homme par les services de sécurité libanais et a relevé en particulier le recours à la pratique systématique de la torture, notre Organisation avait saisi le Comité contre la torture des Nations Unies pour lui demander d'examiner la situation au Liban. Donnant suite à la procédure engagée par Alkarama en vertu de l'article 20 de la Convention contre la torture, le Comité a établi que les renseignements communiqués étaient « crédibles et contenaient des indications bien fondées que la torture était pratiqué systématiquement ». En effet, en vertu de cette disposition importante de la à laquelle le Liban est partie depuis 2000, le Comité – un organe de l'ONU composé de dix experts indépendants qui évaluent la mise en œuvre de la Convention – peut procéder à une enquête confidentielle s'il reçoit des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un Etat partie.

Les constatations à l'issue de l'enquête menée au Liban se sont largement fondées sur les informations portées à la connaissance des experts onusiens lors de leur visite dans le pays en avril 2013. Au cours de leur mission, menée avec la coopération des autorités libanaises, ils ont pu s'entretenir avec des officiels, des représentations de plusieurs organisations non gouvernementales, ainsi qu'avec des personnes elles-mêmes victimes de torture et des détenus, en particulier lors de leurs visites dans pas moins de 20 centres de détention.

« De graves allégations de torture au Liban ont été portées à notre attention à la suite des affrontements de Nahr al Bared en 2007, et de nouveau en 2013, après les événements d'Abra. Avec les actuels affrontements à Arsal, nous ne voulons que l'histoire se répète, » explique Saadeddine Shatila, Représentant d'Alkarama au Liban. « Le Liban fait face à des défis alarmants en raison de l'instabilité régionale et des retombées du conflit syrien. Nous comprenons que les services de sécurité et l'armée sont sous pression, mais la préservation de la sécurité de notre pays ne doit pas se faire au détriment des droits de l'homme, et de l'obligation de respecter l'intégrité physique de la personne. »

Commentant la réaction des autorités au rapport d'enquête, Inès Osman, coordonnatrice juridique du Machrek, ajoute : « Le rapport du Comité devrait être considérée par les autorités comme un encouragement à aller de l'avant. Jusqu'à présent, le Liban a entrepris certaines actions positives pour lutter contre le recours à la torture, mais cette volonté politique doit se traduire par des faits concrets. L'ONU offre au Liban des outils pour adresser la question de la torture, et j'espère que les autorités et la société civile locale travailleront ensemble pour éradiquer cette pratique. »

A cet égard, le Comité a appelé les autorités libanaises à réaffirmer d'urgence le caractère absolu de l'interdiction de la torture, notamment en l'érigeant en infraction pénale et en renforçant les garanties juridiques, et faire savoir sans ambiguïté que quiconque commettrait de tels actes serait tenu personnellement responsable devant la loi. L'ONU a également demandé qu'un mécanisme national de prévention soit désigné ainsi que d'autoriser les ONG à entreprendre des activités d'inspection dans les prisons.

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Basée à Genève, la Fondation Alkarama est une organisation non gouvernementale de défense des droits de l'homme créée en 2004 pour soutenir tous les individus, dans le monde arabe, soumis ou à risque d'exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de torture et de détention arbitraire. Agissant comme un pont entre les victimes dans le monde arabe et les mécanismes des Nations Unies compétents en matière de droits de l'homme, Alkarama œuvre pour un monde arabe où tous les individus vivent libres, dans la dignité, et protégés par un état de droit. En arabe, Alkarama signifie 'dignité'.