Irak : Alkarama informe plusieurs délégations étatiques sur ses recommandations prioritaires en vue de l'Examen périodique universel de l'Irak

Les 8 et 9 octobre 2014, Alkarama a informé les représentants de plusieurs délégations de ses recommandations prioritaires en vue de l'Examen Périodique Universel (EPU) de l'Irak, qui se tiendra à Genève le 3 novembre prochain. Alkarama a présenté les principales problématiques qui doivent être adressées de toute urgence par l'Irak, en particulier la torture, les disparitions forcées, les lacunes du système judiciaire irakien, y compris le recours excessif aux exécutions arbitraires, et les violations commises au nom de la lutte contre le terrorisme – problématiques qui avaient été identifiées dans le dernier rapport d'Alkarama.

Alors que la première réunion s'est tenue sous l'égide de la Délégation de l'UE à Genève, la deuxième a été organisée par UPR Info, une organisation non gouvernementale (ONG) dédiée à la promotion du mécanisme de l'EPU. Les autres ONG présentes à la séance, parmi lesquelles MinorityRights Group, AUA Americas / UNPO, Organisation SAWA pour les droits de l'homme et Al Mesala, ont discuté de questions relatives aux minorités, aux droits des femmes et à la liberté d'expression.

Torture et impunité: l'Irak devrait amender sa législation et enquêter sur les allégations de torture

Malgré l'interdiction de la torture dans la législation irakienne, Alkarama a souligné que sa définition restait vague et que les sanctions – qui ne sont que disciplinaires dans le cas de responsables officiels – ne reflètent pas adéquatement la gravité du crime. En outre, parmi ceux qui ont soulevé la question de la torture devant les tribunaux, la plupart d'entre eux n'ont jamais été mis au courant des enquêtes subséquentes sur les allégations de torture, ou de la poursuite des responsables. En effet, dans la plupart des cas, les déclarations faites sous la torture ont été admises à titre de preuve au cours de la procédure judiciaire. Alkarama a également identifié le manque de reddition des comptes des forces de sécurité comme favorisant un climat d'impunité.

Disparitions forcées: l'Irak doit mettre fin à cette pratique et établir le sort de toutes les personnes disparues

Malgré la ratification par l'Irak de la Convention contre les disparitions forcées, Alkarama a demandé aux délégations étatiques de formuer de nouvelles recommandations appelant l'Irak à mettre un terme à cette pratique systématique. Alkarama a rappelé qu'elle avait récemment soumis de nombreux cas de disparitions forcées à la fois au Groupe de travail (GTDFI) et au Comité sur les disparitions forcées (CED), notant l'absence de volonté des autorités de coopérer.

Lacunes du système judiciaire et exécutions arbitraires: l'Irak doit assurer l'indépendance de son système judiciaire et adopter un moratoire sur la peine de mort en vue de son abolition complète

Alkarama a noté que le système judiciaire en Irak ne pouvait pas être considéré comme indépendant, étant donné que l'organisation continuait de recevoir des témoignages préoccupants indiquant que les procédures judiciaires étaient entachées d'irrégularités, violant ainsi le droit inaliénable à un procès équitable. Les condamnations prononcées au terme de procès en l'absence d'un avocat, en s'appuyant sur des témoignages d'informateurs secrets ou reposant sur des aveux extorqués sous la torture, restent fréquentes. Les autorités continuent également de permettre la diffusion d' « aveux » de suspects terroristes à la télévision, en violation du principe de présomption d'innocence. Ces lacunes du système judiciaire irakien sont d'autant plus inquiétantes compte tenu du nombre élevé de condamnations à la peine capitale mises en œuvre ou prononcés ces dernières années.

Violations dans le cadre de la lutte antiterroriste: l'Irak devrait modifier sa législation anti-terroriste de manière à éviter une trop large application de ses dispositions

Alkarama a d'abord noté un argument préoccupant présenté par l'Irak dans son rapport national, qui affirme que l'abolition de la peine de mort « constituerait une faille dans le système de justice pénale, puisque l'Irak se trouve confrontée à des crimes terroristes odieux et abominables organisés et non organisés ». À cet égard, la loi antiterroriste du pays stipule que toute personne reconnue coupable d'actes terroristes est punie de la peine de mort. Toutefois, les dispositions générales de cette loi, trop souvent appliquées dans le cadre de procès manifestement inéquitables, ont entraîné une forte augmentation des exécutions arbitraires. Alkarama a ajouté que cette loi avait été même utilisée pour neutraliser les opposants au gouvernement ou à ses politiques, et a cité l'exemple de l'ancien vice-président, Tariq Al Hashimi, qui a été condamné à mort à plusieurs reprises sur la base de témoignages de plusieurs de ses agents de sécurité, qui avaient été soumis à la torture et forcés à faire de faux aveux.

En conclusion, Alkarama a exprimé l'espoir que l'Irak acceptera les recommandations qui seront formulées le 3 novembre prochain comme des outils permettant aux autorités d'aller de l'avant et de résoudre les problèmes en matière de droits de l'homme dans le pays.

À propos de l'EPU

L'Examen périodique universel (EPU) consiste dans un examen de la situation des droits de l'homme de tous les États membres de l'ONU par le Conseil des droits de l'homme, tous les quatre ans. Les examens ont lieu dans le cadre d'une discussion interactive entre l'État examiné et les autres États membres de l'ONU. Les ONG peuvent soumettre des informations auxquelles les Etats participant à la discussion peuvent se référer.

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