Algérie : condamnation internationale de la répression croissante contre la société civile et les défenseurs des droits humains
Une experte de l'ONU s'est déclarée préoccupée par la répression croissante contre la société civile par les autorités algériennes après la dissolution de la Ligue algérienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LADDH) et du Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), deux des plus importantes associations de défense des droits de l’homme en Algérie.
« Les actes d'intimidation, de réduction au silence et de répression contre le mouvement des droits humains doivent cesser », a déclaré Mary Lawlor, Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. Elle a ajouté que la décision de dissoudre les deux associations porte gravement atteinte à l'espace dont disposent les défenseurs des droits de l’homme pour s’associer, s’exprimer librement, et mener à bien leurs activités légitimes en matière de droits humains et a appelé à l’annulation de ces décisions.
A son tour, la Ligue a dénoncé la répression pratiquée contre elle pendant des années jusqu’à sa dissolution, ajoutant qu’elle « travaillera dur et par tous les moyens légaux disponibles pour recouvrer ses droits légitimes ». Dans un communiqué, la Ligue a déclaré : « Plus surprenant encore, il est reproché à la LADDH de travailler sur la question des droits de l’Homme avec d’autres instances et organisations internationalement reconnues. Il est reproché à la ligue de faire dans les droits humains, selon sa devise : "Les droits de l’Homme sont universels et indivisibles". Plus encore, il est reproché à certains de ses véritables membres d’avoir des opinions, d’être au contact des citoyens.».
L'experte de l'ONU a déclaré que la procédure contre la LADDH ne respectait pas les principes du droit à un procès équitable et que « La LADDH n'a pas eu l'occasion d'examiner les accusations portées à son encontre et de présenter une défense ».
Dans le même contexte, l'ONG RAJ a également fait l'objet d'une décision de dissolution par le Tribunal Administratif en octobre 2021, dans l'attente de l'issue de l'audience d'appel, qui doit se tenir devant le Tribunal Administratif le 23 février 2023 au Conseil d'Etat.
« Nous partageons de vives inquiétudes concernant de nombreuses dispositions de la loi algérienne sur les associations (12/06), qui sont en contradiction avec le droit international des droits de l'homme », a déclaré l’experte onusienne.
Les processus de dissolutions se déroulent dans un climat où les défenseurs des droits de l'homme ne se sentent pas en sécurité pour mener à bien leur travail et exercer leurs droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association. Plusieurs membres de la LADDH ont été confrontés à des obstacles et à des représailles pour leur coopération avec l'ONU, en particulier lors de leur participation active à l'Examen périodique universel de l'Algérie en 2022.
Activité d’Alkarama
Ces développements coïncident avec le quatrième anniversaire du début du mouvement pacifique en Algérie, qui appelle à la passation du pouvoir à un régime civil démocratique élu, à la fin des politiques de répression et au respect des droits de l’homme.
Dans son rapport annuel récemment publié, Alkarama a évoqué la situation des droits de l'homme en Algérie et a exprimé ses principales préoccupations sur lesquelles elle a travaillé alors que les autorités continuent de recourir de plus en plus à la législation relative à la lutte contre le terrorisme pour réprimer la dissidence pacifique, en poursuivant les manifestants pacifiques et des opposants politiques pour des actes non violents tels que l’entrave à la circulation, l’occupation du domaine public ou encore la critique de l’armée.
Avec la répression croissante des manifestants pacifiques, des militants et des opposants politiques impliqués dans le Hirak, Alkarama a documenté un retour alarmant à la pratique des disparitions forcées par les forces de sécurité de l’État, et a soumis de nombreux cas aux procédures spéciales concernées de l’ONU.
Lors de l’examen périodique universel de l’Algérie devant le Conseil des droits de l’homme, le 11 novembre, plusieurs recommandations importantes ont été formulées à l’attention de la délégation algérienne. Le président de la délégation a affirmé que les opposants politiques en exil incitent à l’exploitation de l’espace libre à travers, selon son expression, des « façades des droits de l’homme » prétendument utilisées à des fins « terroristes ».
Alkarama a mis en garde à plusieurs reprises contre l’utilisation par le régime algérien du terme « terrorisme » pour stigmatiser et tenter d’altérer toute activité de défense des droits de l’homme ou toute opposition politique pacifique, ce qui a été souligné par les délégations de nombreux pays du monde au cours des délibérations.
En plus des plaintes individuelles soumises aux mécanismes des droits de l’homme de l’ONU, Alkarama a appelé à l’abrogation des articles du Code pénal algérien qui criminalisent la liberté d’expression et d’association pour mettre fin à ces pratiques. Suite aux modifications apportées au Code pénal à la suite de l’adoption de la loi n° 20-06 du 28 avril 2020, Alkarama a demandé à un certain nombre d’experts indépendants de mener une étude conjointe sur la situation des droits et libertés fondamentaux en Algérie, qui n’a cessé de se détériorer depuis le début du mouvement populaire en février 2019.
Alkarama rappelle que les violations des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association sont systématiques en Algérie, où de nombreux opposants politiques, journalistes et autres militants pacifiques ont été jugés et condamnés à des peines de prison ou à des peines injustes pour des actes qualifiés par les autorités judiciaires d’ « atteinte au moral de l’armée » ou à « l’intégrité du territoire national ».