USA: décès en détention au camp de Guantànamo Bay de Ahmed Ali Abdullah

Alkarama for Human Rights, 29 mai 2007

Alkarama for Human Rights a saisi le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires de l'ONU dans le cas de Ahmed Ali ABDULLAH, de nationalité yéménite, né le 9 mars 1969 et détenu depuis 2002 jusqu'à son décès au camp de détention de Guantánamo Bay.

M. Ahmed Ali Abdullah est décédé le 10 juin 2006 simultanément avec deux autres détenus de nationalité saoudienne, MM. Yassir Talal az-Zahrani et Mani’ Shaman al-Utaybi. Les autorités américaines ont affirmé que ces trois détenus s’étaient suicidés.

Les corps des trois victimes ont été autopsiés à l’intérieur du camp par une équipe médicale militaire dirigée par le Dr Craig T. Mallak puis, après plusieurs jours, rapatriés et remis aux autorités de leurs pays respectifs.

La famille d’Ahmed Ali Abdullah a sollicité Alkarama pour les assister à organiser l’autopsie du corps de leur fils. L'organisation a mandaté une équipe médicale dirigée par le Prof. Patrice Mangin, directeur de l’Institut de Médecine légale de l’Université de Lausanne. L’autopsie a été effectuée le 21 juin 2006 à l’Hôpital militaire de Sanaa, Yémen. Après la réalisation à Lausanne d’analyses toxicologiques complémentaires sur des échantillons prélevés sur le corps de la victime, un rapport d’autopsie médico-légale a été communiqué à Alkarama.

Il résulte du rapport d’autopsie que l’équipe médicale suisse ne peut conclure définitivement sur la cause du décès de M. Ahmed Ali Abdullah qu’une fois qu’elle aura obtenu les informations demandées à l’équipe médicale militaire ayant effectué la première autopsie sur le corps. En particulier, il est primordial d’obtenir le rapport d’autopsie effectué aux USA et le rapport d’enquête établi par les autorités du camp de détention de Guantanamo Bay. Sollicitées pour fournir ces informations, en date du 29 juin 2006, les autorités américaines n’ont pas répondu à ce jour.

Une seconde autopsie sur les corps de MM. Yassir Talal az-Zahrani et Mani’ Shaman al-Utaybi a été effectuée par une équipe médicale saoudienne, dirigée par le Dr Said Gharamallah Alghamdi, chef du Centre de Médecine légale de Riyad. Elle a formulé une liste de sept questions adressées aux autorités américaines par l’intermédiaire du ministère saoudien de l’Intérieur.

En l’absence des précisions sollicitées auprès des autorités américaines, le rapport d’autopsie effectuée sur le corps de M. Abdullah par l’équipe médicale constate un certain nombre de points :

a) Le sillon sur le cou de la victime, tel que le montre clairement les photographies, n’accrédite pas la thèse avancée par les autorités américaines selon laquelle la victime se serait pendue avec un drap ou des vêtements.

b) La présence de traces d’injection sur le corps et le fait que les extrémités des ongles de tous les doigts et orteils aient été coupées.

c) La rétention par les autorités américaines des pièces anatomiques correspondant aux voies aériennes supérieures dont le larynx, l’os hyoïde et le cartilage thyroïdien prélevés en bloc et qui constituent des pièces maîtresses dans le cas d’un suicide par pendaison. A noter que les mêmes pièces anatomiques ont également été retenues dans les cas de MM. Yassir Talal az-Zahrani et Mani’ Shaman al-Utaybi.

d) Le traumatisme dentaire constaté lors de l’autopsie et décrit comme « un élément de suspicion quant aux circonstances du décès » par l’équipe médicale suisse.

Les investigations menées par Alkarama auprès des parents des détenus décédés ainsi qu’auprès d’ex-détenus de Guantánamo qui ont connu les victimes donnent peu de crédit à la thèse du suicide des détenus de Guantánamo. Bien au contraire, de nombreux indices portent à croire que leur mort n’est pas due à un suicide.

- Ainsi, la simultanéité des trois suicides commis par des personnes connues pour leur strict respect des préceptes de l’Islam qui interdit absolument cet acte, mais aussi connues pour leur résistance à l’administration du camp de Guantanamo Bay.

- D’autre part, les conditions de surveillance rapprochée et permanente exercées sur les détenus par les gardiens et les caméras de vidéosurveillance excluent la possibilité d’un suicide dans un laps de temps aussi limité : Il est rapporté par les témoignages de plusieurs anciens détenus que les gardiens passent toutes les deux à cinq minutes au maximum devant chaque cellule de détention du camp de Guantanamo Bay.

- Enfin, tous les témoignages des détenus contactés font état de l’impossibilité matérielle de se pendre dans une cellule où il n’y a aucune possibilité de fixer une corde ou autre  lien à aucun endroit du plafond.

Devant le refus des autorités américaines de faire la lumière sur le décès de Ali Abdullah Ahmed en fournissant les explications sollicitées, Alkarama for Human Rights sollicite l’intervention de M. le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires auprès des autorités états-uniennes afin que celles-ci répondent aux interrogations de l’équipe médicale suisse et fournissent les informations demandées ainsi qu’une copie du rapport d’autopsie effectuée par l’équipe médicale américaine au camp de Guantanamo Bay.