Tunisie: les États membres de l'ONU formulent 248 recommandations lors de l'examen périodique universel

EPU Tunisia

Le 5 mai 2017, le Groupe de travail sur l'Examen périodique universel (EPU), établi par le Conseil des droits de l'homme (CDH), a adopté son rapport contenant les recommandations adressées par les États membres de l’ONU à Tunisie lors de son examen qui s’est déroulé le 2 Mai 2017. Les États membres ont salué les efforts de la Tunisie dans sa transition démocratique et pour rendre  son système juridique conforme aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Ils ont toutefois fait part de leurs préoccupations quant à la persistance de la torture, de la peine de mort et des restrictions aux droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique, faisant ainsi écho aux préoccupations d'Alkarama soulevées dans son rapport de septembre 2016 remis au CDH. D’autres problématiques importantes ont été soulevées par les États membres parmi lesquelles la violence contre les femmes, l’absence d’incrimination du viol conjugal, ainsi que les problématiques relatives à l'éducation et aux droits de l'enfant.
 

Pratique de la torture, recours à l’usage excessif de la force et peine de mort

Malgré le fait que le pays a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (UNCAT), la torture reste préoccupante en Tunisie. Comme l'a souligné le rapport d'Alkarama, la torture demeure pratiquée, notamment mais non exclusivement, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et pour obliger les victimes à signer des aveux, qui seront ensuite utilisés contre elles. Au cours de l'EPU, plusieurs États membres, dont la Suisse, le Togo, l'Ukraine, l'Autriche, la République tchèque, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et le Ghana, ont recommandé à la Tunisie de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la torture et les mauvais traitements en veillant à ce que les allégations fassent systématiquement l'objet d'enquêtes et que les auteurs soient poursuivis. Ils ont en outre recommandé à la Tunisie d’adopter une définition de la torture en conformité avec l’UNCAT et de renforcer l'indépendance du mécanisme national de prévention de la torture.

En outre, plusieurs États membres - y compris le Canada et les États-Unis – ont exprimés leurs craintes par rapport à l’usage excessif de la force et autres violations commises par les forces de sécurité contre les personnes soupçonnées d'être impliquées dans des activités terroristes, et ont recommandés à la Tunisie d’ouvrir rapidement des enquêtes efficaces et indépendantes. Ils ont également encouragé la Tunisie à adopter une loi et des lignes directrices pour mettre fin à l’usage excessif de la force et assurer une formation adéquate aux forces de police et de  sécurité.

Enfin, bien que la Tunisie observe un moratoire de facto sur la peine de mort depuis 1991, la Constitution de 2014 ne l'a pas abolie. En effet, comme le souligne le rapport d'Alkarama, la loi antiterroriste de 2015 prévoit la peine capitale pour toute personne reconnue coupable de terrorisme. En conséquence, plusieurs condamnations à mort ont été prononcées depuis sa promulgation malgré les allégations de torture soulevées par les accusés. Au cours de l'examen, plusieurs États membres de l'ONU, dont l'Italie, le Rwanda et l'Irlande, ont encouragé la Tunisie à maintenir son moratoire de facto sur l'utilisation de la peine de mort.

Violation du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique

Comme l’a souligné Alkarama dans son rapport, plusieurs lois adoptées depuis la Révolution de 2011 et protégeant les droits à la liberté d'association, d'assemblée pacifique, d'expression et de presse n'ont toujours pas été effectivement mises en œuvre. Au cours de l'EPU, de nombreux États membres - dont la République tchèque, le Liban, la Roumanie, l'Espagne et la Finlande - ont relayé la préoccupation d'Alkarama quant à l'absence de mise en œuvre effective de ces législations et ont recommandé à la Tunisie d'accélérer leur application. De plus, les États membres ont encouragé la Tunisie à assurer un environnement protecteur pour les défenseurs des droits de l'homme et assurant à la société civile la possibilité de mener à bien leurs activités légitimes sans crainte ou obstacles. Les États ont en outre recommandé à la Tunisie de mener rapidement des enquêtes sur toutes menaces visant les défenseurs des droits de l'homme et de traduire les responsables de ces violations en justice.

Manque d'efficacité et d'indépendance des mécanismes nationaux des droits de l'homme

Dans le cadre de sa transition démocratique, la Tunisie a établi des mécanismes nationaux de défense des droits de l'homme tels que l’Instance nationale pour la prévention de la torture ainsi que le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans son rapport, Alkarama a souligné les problématiques en termes d'indépendance et d'efficacité de ces institutions, appelant les États membres à recommander à la Tunisie de les renforcer en leur allouant des ressources suffisantes, pour leur permettre d’être rapidement opérationnelles et totalement indépendantes. Au cours de l'EPU, plusieurs États, dont le Pakistan, le Chili, le Luxembourg, le Ghana, le Royaume-Uni et l'Italie, ont formulé des recommandations en ce sens encourageant la Tunisie à élaborer une politique nationale globale en matière de droits de l'homme, à renforcer ses capacités en matière de droits de l'homme et à entamer des programmes de formation pour les agents chargés de l'application de la loi .

En outre, de nombreux États, dont le Qatar, l'Italie, le Royaume-Uni, le Kenya, la Roumanie et le Honduras, ont encouragé la Tunisie à prendre des mesures efficaces pour mettre à niveau son système juridique avec sa nouvelle constitution ainsi que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et d’achever la mise en place de la Cour Constitutionnelle.

Quelle est la prochaine étape ?

La Tunisie a reçu 248 recommandations des États membres de l'ONU, qu’elle doit examiner avant septembre 2017 et informer le Conseil des droits de l'homme de celles qu’elle accepte ou rejète. L'État tunisien devra, avant son quatrième cycle de l'EPU qui aura lieu en 2021, mettre en œuvre les recommandations acceptées afin d'améliorer la situation des droits de l'homme sur le terrain.

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