Tunisie : Le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture saisi des cas de MM. Noureddine BHIRI et Fathi BELDI

Fathi BELDI Ancien conseiller du ministre de l’Intérieur

Le 6 janvier 2022,  l’Association des victimes de la torture en Tunisie (AVTT), Free Voice, l’AFD International et Alkarama se sont adressés au Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture concernant les traitements cruels inhumains et dégradants dont ont été victimes M. BHIRI Noureddine, avocat et ancien ministre de la justice et M. Fathi BELDI ancien conseiller au ministère de l'intérieur, lors de leur arrestation le 31 décembre 2021 par des membres des services de sécurité.

Les faits

 M. Noureddine BHIRI, hospitalisé en urgence à la suite de son arrestation

Le 31 décembre 2021 à 08 heures 15, M. Noureddine BHIRI, se trouvait en compagnie de son épouse, Mme Saïda AKREMI, avocate au barreau de Tunis, dans leur voiture pour se rendre sur son lieu de travail. Alors qu’ils se trouvaient encore à proximité de leur domicile, trois véhicules banalisés appartenant aux services de sécurité leur ont barré la route et plusieurs personnes en sont alors sorties.

L’une d’entre elle s’est dirigée vers Mme Akremi et lui a violemment cogné la tête contre le volant tandis que les quatre autres se sont ruées sur M. Bhiri pour le sortir de force hors de son véhicule. S’en est suivi un déferlement immédiat de coups à la suite de quoi M. Bhiri a été projeté au sol et a encore été battu alors qu’il était à terre. Pendant ce temps, Mme Akremi a tenté, en vain, de s’enquérir auprès de ses agresseurs sur les raisons de leurs agissements. Ces derniers ont rétorqué qu’ils « exécutaient des instructions » en lui arrachant son téléphone et les clefs de la voiture. Les membres des services de sécurité ont ensuite regagné leurs véhicules en emmenant la victime vers une destination inconnue.

Dans la même soirée du 31 décembre, le ministère de l’Intérieur s’est contenté d’annoncer sur son site internet que « deux personnes avaient été arrêtées et assignées à résidence » sans indiquer de noms. Cette annonce faisait implicitement allusion à M. Bhiri dont le lieu de détention a été gardé secret jusqu’au 2 janvier 2022, date à laquelle son épouse a appris qu’il était hospitalisé au service de réanimation de l’hôpital Bougatfa de Bizerte (nord, Tunisie).

M. Fathi BELDI, ancien conseiller du ministre de l’Intérieur, également victime de graves sévices au cours de son arrestation

Le 31 décembre 2021, à 10 heures 30, M. Fathi BELDI, a été violemment interpellé par plusieurs membres des services de sécurité en tenue civile, devant son domicile, alors qu’il venait de s’installer dans sa voiture et s’apprêtait tout juste à prendre la route.

Sorti de force de son véhicule, M. Beldi a été violemment battu par les membres des services de sécurité sous le regard de son vieux père, son épouse et ses deux enfants. Après plusieurs minutes d’acharnement, il a été emmené vers une destination inconnue à bord d’une voiture blindée de type 4x4 accompagnée de plusieurs autres véhicules civils.

La deuxième assignation à résidence annoncée par le ministère de l’Intérieur, dans la nuit du 31 décembre concernait M. Beldi. Bien que le ministère de l’Intérieur ait annoncé une mesure d’assignation, le lieu de détention de M. Beldi n’avait pas encore été divulgué hier. Depuis sa famille a pu lui rendre visite au centre de la garde nationale de Al Amri dans la wilaya de Menouba. Sa famille ignore cependant s’il est encore détenu dans ce centre ou s’il y a été emmené provisoirement pour les besoins de cette visite.

Le Rapporteur spécial saisi des cas de MM. Bhiri et Beldi

Le 6 janvier 2022, l’AFD International, l’Association des victimes de la torture en Tunisie (AVTT), Free Voice et Alkarama se sont adressés au Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture concernant les traitements cruels inhumains et dégradants dont ont été victimes MM.Bhiri et Beldi, lors de leur arrestation le 31 décembre 2021 par des membres des services de sécurité en tenue civile.

L’attention du Rapporteur spécial a été attiré sur les circonstances de cette arrestation indiquant que celles-ci constituent des sévices et autres traitements cruels, inhumains et dégradants au sens de l’article premier de la Convention contre la torture.

Dans leur communication collective, les associations ont également exprimé leurs préoccupations quant aux comportements des  agents en civils qui ont délibérement violentées les victimes et revendiqué́ leurs agissements comme étant des « instructions reçues » faisant sans aucun doute allusion à l’autorité politique qui a ordonné l’arrestation. 

L’Association des victimes de la torture en Tunisie (AVTT), Free Voice, l’AFD International et Alkarama ont ainsi dénoncé les sévices subis au cours des arrestations de personnalités politiques tunisiennes au motif que ceux-ci étaient ordonnés par les plus hautes autorités de l’Etat et que les agents ne faisaient « qu’exécuter des instructions ».

Le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture a donc été invité à intervenir en urgence auprès des autorités tunisiennes pour les appeler à mettre un terme aux mauvais traitements subis par MM. Bhiri et Beldi, de les placer sous la protection de la loi et d’ouvrir dans les plus brefs délais une enquête indépendante, diligente et impartiale sur les graves violences qu’ils ont subies au cours et après leurs arrestations respectives.