Maroc: Une femme condamnée à un mois de prison ferme pour avoir dénoncé des violences policières

Une femme condamnée à un mois de prison ferme pour avoir dénoncé des violences policières

Le 5 novembre 2015, Fatima Karmad a été condamnée à un mois de prison ferme par la Cour d'appel de Taza après avoir porté plainte contre le Caïd (représentant local de l'État) qui l'avait violentée un mois auparavant. Par conséquent, cette mère de trois enfants âgée de 46 ans a été accusée par les autorités judiciaires de Taza « d'humiliation et violences » à l'encontre du Caïd local. Estimant qu'il s'agissait d'un cas de collusion manifeste entre les autorités judiciaires et la police judiciaire de Taza, le 1 décembre 2015, Alkarama a saisi la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats (SR IJL) pour qu'elle appelle les autorités marocaines à donner suite à sa plainte pour violences physiques et à faire cesser toute ingérence des représentants de l'État dans les affaires judiciaires.

Alors que Mme Karmad retrouvait, sur la place Ahrach de Taza, ses deux frères membres du mouvement d'opposition Justice et Spiritualité (Al Adl wal Ihsan) tout juste sortis de prison le 8 septembre 2015, le Caïd de Taza s'est rendu coupable d'attouchements et de coups et blessures à son encontre. Deux jours après les faits, la victime est allée déposer plainte contre le représentant de l'État pour agression physique. Pour toute réponse, Mme Karmad a été convoquée dans le bureau de l'adjoint du procureur qui a immédiatement ordonné à la police judiciaire de la placer en garde à vue dans l'attente de son procès qui s'est tenu le 5 novembre dernier. Durant l'audience, les magistrats ont donné raison au Caïd sans prendre en compte les témoignages confirmant la version de la victime.

Il apparaît évident que le procès de Mme Karmad revêt un caractère inéquitable en ce que le Tribunal de première instance de Taza a uniquement fondé sa décision sur des éléments à charge incriminant la prévenue. En outre, le jugement s'est basé sur des déclarations émanant de deux subordonnés du Caïd ayant un conflit d'intérêt évident dans cette affaire et n'a pas pris en considération un certain nombre de témoignages accablants à l'encontre du Caïd de Taza.

Malgré d'importantes réformes du système judiciaire en 2011, « le Maroc souffre toujours du contrôle de l'exécutif sur les affaires de la justice, » estime Rachid Mesli, Directeur juridique à Alkarama. Cette nouvelle affaire ne fait qu'éroder un peu plus la confiance des citoyens dans le système judiciaire et compromet la bonne administration de la justice. C'est pourquoi au vu des faits, et bien que Fatima Karmad ait été libérée le 27 novembre dernier, Alkarama a saisi la SR IJL pour qu'elle intervienne auprès des autorités marocaines dans le but pour qu'elles garantissent l'intégrité du système judiciaire, préalable indispensable à la protection des droits de l'homme.

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