Maroc: Le Conseil National des Droits de l'Homme conserve son statut A malgré son manque d'indépendance

Le Conseil National des Droits de l'Homme conserve son statut A malgré son manque d'indépendance

Le Sous-Comité d'Accréditation (SCA) du Comité International de Coordination (CIC) des Institutions Nationales des Droits de l'Homme (INDH) a rendu ses conclusions dans son rapport sur l'INDH marocaine, le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH). Au terme de l'examen du CNDH réalisé en novembre 2015, le SCA a décidé de ré-accréditer l'institution avec le statut A en dépit de plusieurs manquements aux Principes de Paris − un ensemble de normes internationales établies pour assurer l'indépendance des INDH du gouvernement et la promotion et protection efficace des droits de l'homme − en particulier de son manque d'indépendance vis-à-vis de l'autorité royale.

C'est ce manque d'indépendance qui avait poussé Alkarama à recommander, dans sa contribution au SCA en août 2015, le déclassement du CNDH du statut A − réservé aux institutions pleinement conformes aux Principes de Paris − au statut B − accordé aux INDHs considérées comme non-entièrement conformes à ces principes.

À l'inverse, dans son rapport le SCA a commencé par féliciter le Maroc pour avoir inscrit le CNDH dans sa Constitution de 2011, omettant de mentionner que cette disposition n'énonce pas, de manière claire, le mandat, la composition et le champ de compétence du CNDH, ni que le mandat et le fonctionnement de l'institution sont énumérés dans un Dahir royal − un décret de l'exécutif adopté sans consultation du Parlement.

Non seulement le fondement juridique de l'INDH marocaine est insuffisant, mais son indépendance est également compromise, notamment dans le processus de sélection, de désignation, et de destitution des membres du Conseil. Ainsi, pour le SCA, le processus actuel de sélection et de nomination des membres du CNDH n'est « pas suffisamment large et transparent ». Le Dahir prévoit en effet la consultation de la société civile durant le processus de sélection des membres, mais ceux-ci sont en dernier ressort désignés par le Roi, à commencer par le président du CNDH. Par ailleurs, le Dahir devrait consacrer davantage l'immunité fonctionnelle des membres du CNDH en précisant les « actes ou agissements contraires aux engagements liés à la qualité de membre du Conseil » qui justifient la destitution d'un de ses membres.

Alors que l'INDH marocaine est habilitée à recevoir les plaintes des victimes de violations de leurs droits, de nombreuses associations de la société civile marocaine ont constaté que le CNDH ne jouait pas ce rôle pleinement. Par ailleurs, dans plusieurs cas soumis par Alkarama au Groupe de Travail des Nations Unies sur le Détention Arbitraire (GTDA), tels que celui de Mostafa Hasnaoui, Abdessamad Bettar, Ali Aarass et Mohamed Hajib, le CNDH n'a pas suffisamment réclamé auprès des autorités la mise en œuvre des avis − restés lettre morte − formulés par le Groupe de travail dans lesquels il constate le caractère arbitraire de leur privation de liberté et requiert leur libération immédiate. « L'inertie du CNDH aurait pour effet de conforter les autorités dans leur attitude, notamment leur refus de résoudre le passif des violations des droits de l'homme commises depuis les attentats de Casablanca de 2003, » estime Imène Ben Younes, responsable juridique pour l'Afrique du Nord à Alkarama.

Tout en laissant à l'INDH marocaine le Statut A − particulièrement pour son travail dans le domaine de l'égalité des sexes − le SCA appelle donc le gouvernement à prendre les dispositions nécessaires afin de garantir l'indépendance et la confiance de la population lors de la nomination des membres dirigeants du CNDH, en demandant notamment des réformes afin de renforcer son indépendance et d'élargir ses attributions. Alkarama appelle également le CNDH à se conformer pleinement aux Principes de Paris afin de garantir une réelle indépendance de ses membres vis-à-vis du pouvoir exécutif et d'établir une relation de confiance avec les citoyens.

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