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Mohamed ZIAN

Le 14 mai 2024, Alkarama a soumis au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) la situation de Maitre Mohamed ZIAN (81 ans), ancien ministre des droits de l’homme et ancien bâtonnier de Rabat, fondateur du parti libéral marocain (PLM), emprisonné depuis aujourd’hui 18 mois à la prison d’Al Arjat. 

Arrêté le 21 novembre 2022, il avait été condamné à trois ans d’emprisonnement ferme par la Cour d’appel de Rabat sur la base de 11 chefs d’accusation sans lien de connexité entre eux. 

Mesures provisoires du Comité des droits de l’homme 

C’est la deuxième procédure soumise par Alkarama aux mécanismes onusiens de protection des droits de l’homme. Une première communication en date du 24 février 2024, avait déjà été transmise par Alkarama au Comité des droits de l’homme des Nations Unies qui avait alors appelé le 28 février suivant l’Etat partie à adopter des mesures provisoires urgentes en prenant notamment des mesures d’aménagement de la peine. 

Face à la multiplication des atteintes aux droits fondamentaux de Maitre ZIAN et des mesures de représailles dont il est victime pour des motifs politiques, Alkarama, mandatée par sa famille, a décidé de porter également son cas à l’attention du GTDA afin d’obtenir la reconnaissance du caractère arbitraire de sa privation de liberté. 

Me ZIAN, victime de représailles 

Me ZIAN, ancien ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Droits de l’Homme, avocat et ancien bâtonnier de Rabat, a toujours été un défenseur des droits et libertés fondamentales dans son pays. À cet égard, il a défendu de nombreux détenus d’opinion devant les juridictions marocaines et soumis des informations aux mécanismes de protection des droits de l'homme des Nations Unies, par l’intermédiaire d’ONG internationales y compris Alkarama. 

Dans sa requête, Alkarama a souligné la nécessité pour les experts du Groupe de travail d’examiner l’ensemble des violations des droits et libertés fondamentales de Me ZIAN tout au long de la procédure interne à la lumière de ses critiques des services de sécurité du pays en qualité de défenseur des droits de l'homme et d’opposant politique, qui l'ont exposé à des actes de représailles et d’intimidation de la part des services de sécurité de l’État. 

Il a également été rappelé qu’une partie des accusations pesant sur lui, y compris celles plus récentes survenues après son incarcération, sont étroitement liées à ses activités pacifiques en tant qu'opposant politique. D'autres charges découlent de pratiques documentées par la société civile et les experts indépendants des Nations Unies, consistant à utiliser des accusations à caractère sexuel par les services de renseignement afin de discréditer et diffamer les opposants politiques, les journalistes et d'autres activistes pacifiques. 

Une privation arbitraire dénuée de base légale 

La privation de liberté de Me ZIAN est considérée comme arbitraire au sens du droit international, alors même qu’elle serait conforme à la législation interne, si elle se révèle « inappropriée, injuste, imprévisible, irraisonnable et disproportionnée, contrevenant ainsi aux garanties judiciaires fondamentales ». 

Dans le cas de Me ZIAN, son arrestation s'est opérée le jour même du verdict de la Cour d’appel de Rabat rendu en son absence le 21 novembre 2022, sans qu’un mandat de dépôt ne soit prononcé à l’audience. Cette omission fondamentale constitue une violation flagrante des procédures légales établies par l'article 392 du Code de procédure pénale marocain. 

La transmission à l’avocat de Me ZIAN, huit jours après l’incarcération, d’une ordonnance d’incarcération par le procureur général pour justifier à postériori l’arrestation constitue également une violation des dispositions constitutionnelles de l'article 23 ainsi que des impératifs énoncés par la procédure pénale marocaine qui exigent expressément des motifs précis et transparents pour toute mesure de privation de liberté. 

Il ne fait donc aucun doute que l'arrestation et la détention de Me ZIAN, sans se conformer aux prescriptions établies par la loi, mettent en lumière l’absence de base légale à sa privation de liberté. 

Par ailleurs, l’absence totale de liens entre les multiples chefs d’accusation retenus à l’encontre de Me ZIAN, conjuguée au défaut d’une description claire et précise des faits incriminés, dénote le caractère politique de l’affaire. 

Me ZIAN a été immédiatement placé en détention préventive alors même qu’il a comparu libre au cours de son procès et qu’il ne constituait aucune menace. Bien que la détention doit être l’exception plutôt que la règle et doit être ordonnée pour la durée la plus courte possible, les autorités n’ont montré aucune réticence à le placer en détention malgré son âge et sa santé fragile. 

En dépit de la décision du Comité des droits de l’homme appelant les autorités à prévoir en urgence, et à titre de mesure conservatoire, un aménagement de sa peine, Me ZIAN s’est vu tout au contraire notifié le 7 mars dernier, une nouvelle décision de détention dans le cadre de nouvelles accusations tout autant fallacieuses. 

La violation des droits fondamentaux de Me ZIAN 

Alkarama, dans sa communication aux experts onusiens, a soutenu que la privation de liberté de Me ZIAN découle directement de son exercice pacifique de ses droits fondamentaux et en particulier son droit à exprimer librement ses opinions que ce soit en qualité d’avocat, de défenseur des droits de l’homme ou de personnalité politique, chef d’un parti d’opposition. 

Pour preuve, les termes vagues utilisés pour décrire certaines actions incriminées telles la « propagation d’informations mensongères » et ce, pour avoir exprimé des critiques à l'encontre des  abus commis par les autorités sécuritaires de son pays. 

D’autre part, il a été démontré que Me ZIAN n'a pas joui des garanties prévues en matière de procédure régulière et de procès équitable. 

Alkarama a rappelé que le droit d'être présent à son procès et de se défendre est bafoué lorsque ni lui, ni son avocat , ne sont notifiés régulièrement de la date et lieu des audiences et veillent à ce qu'il ne soit pas indûment exclu de la procédure. Dans le cas présent la procédure de convocation devant le tribunal n'a pas été respectée, ce qui laisse entendre que les autorités cherchaient délibérément à exclure Me ZIAN du procès afin de le juger en son absence et de le condamner à une peine d'emprisonnement. 

Alkarama a souligné que les nombreuses transgressions du droit à un procès équitable observées à chaque étape de la procédure témoignent clairement de l'absence d'indépendance et d’impartialité des juges et du parquet dans l'affaire ayant abouti à sa privation arbitraire de liberté. 

Enfin, l’ensemble de la procédure dans l’affaire de Me ZIAN a été motivée par une intention de représailles à son encontre en raison de sa qualité d’opposant politique et d’avocat engagé dans la défense de droit de l’homme. C’est ce qu’a également démontré Alkarama dans sa communication aux experts notant que cette motivation vindicative des autorités a abouti à une négation flagrante de son droit à l'égalité devant la loi. 

Or, les persécutions judiciaires dont il est victime illustrent clairement la volonté politique des autorités de réprimer toute velléité d’exprimer sa dissidence politique ou des critiques contre les abus et violations commis par les responsables sécuritaires du pays. 

Pour toutes ces raisons, Alkarama a appelé les experts du GTDA à reconnaître le caractère arbitraire de la privation de liberté de Me Mohamed ZIAN et à exhorter les autorités marocaines à le libérer.