Aller au contenu principal

Fouzia Azougagh, jeune étudiante de 25 ans, a été enlevée le 18 février 2010 à Taza par des agents des services de sécurité à un arrêt de bus pour être emmenée au centre de détention de Témara. Du centre de Témara aux locaux de la police judiciaire à Casablanca, elle a été gravement torturée. Le 12 novembre dernier, elle a été condamnée à 6 ans de prison ferme dans le cadre de la « loi antiterroriste ». Fouzia est actuellement incarcérée à la prison de Salé et attend d'être rejugée en appel dans les mois prochains.  Elle a commencé une grève de la faim.

Jeudi 18 février 2010 vers 19h. Taza, une petite ville du nord du Maroc. Après une longue journée de cours à l'université, Fouzia, jeune étudiante marocaine de 25 ans, rentre chez elle. Elle monte dans le bus. Il fait déjà nuit. La rue est bruyante, pleine de monde. Lorsqu'elle descend du bus, deux hommes l'attendent à l'arrêt. Deux agents des services de sécurité en civil. L'un deux l'attrape par la main et la force à rentrer dans l'une des voitures banalisées garées dans la rue, le moteur en marche. Là, sur la banquette arrière, l'homme lui attache les mains et lui bande les yeux. Après plusieurs heures de route, la voiture s'arrête. Centre de détention de Témara, à une quinzaine de kilomètres de Rabat. Un centre géré par la Direction de la Surveillance du Territoire (DST). Un silence terrible. Les hommes sortent Fouzia de la voiture et disent à d'autres que leur mission s'arrête là. Ils s'en vont. Un homme prend Fouzia par les poignets, lui demande de se baisser. Ils entrent au sous-sol d'un bâtiment. Fouzia ne sait pas toujours pas où elle se trouve. On lui enlève les menottes et on lui demande sa carte d'identité. Elle ne sait pas où elle est, elle a toujours les yeux bandés. Elle proteste contre la manière dont elle a été traitée. C'est là que commencent les séances d'interrogatoire. Interminables. Pendant 14 jours, Fouzia est interrogée des heures durant, menottée les yeux bandés. Les agents de la DST l'interrogent sur ses activités au sein du syndicat étudiant l'UNEM auquel elle appartient. Ils la questionnent sur ses opinions politiques et religieuses.  A chaque fois, Fouzia est attachée à une chaise, insultée et battue. Elle est victime d'attouchements sexuels, de menaces de viols et privée de sommeil. 

Après deux semaines de détention au secret, Fouzia est transférée dans la soirée du mercredi 3 mars 2010 dans les locaux de la police judiciaire à Casablanca. Là encore elle est menottée, attachée. Vers 20h, on la jette dans une cellule. C'est pire qu'à Témara. Une pièce sombre, irrespirable. A nouveau, elle a subi des tortures physiques et morales. Les policiers la forcent à signer des aveux.

Jeudi 11 mars, la jeune étudiante est déférée devant le juge d'instruction de la cour d'appel de Rabat sous prétexte de lien avec une affaire de terrorisme. Aucun avocat n'est là pour l'assister. Elle dit au magistrat qu'elle a été torturée, mentalement, physiquement et qu'on l'a forcée à signer des aveux. Fouzia est étudiante en droit, elle sait bien qu'une garde à vue qui dure 3 semaines est contraire à la loi marocaine et que les tortures qu'elle a subies sont inadmissibles. Elle proteste contre l'illégalité de sa détention. Elle exige le respect de ses droits fondamentaux. En vain.

Fouzia est déférée le lendemain devant la chambre criminelle chargée des affaires de « terrorisme » où elle affirme de nouveau devant les juges avoir été détenue au-delà de la période légale de garde à vue et avoir été torturée pour signer des aveux. Les magistrats restent sourds et la condamnent à 6 ans de prison pour « constitution d'une bande criminelle pour préparer et commettre des actes terroristes » et « exercice d'une activité au sein d'une association non autorisée et tenue de réunions sans autorisation préalable ».

La jeune étudiante est actuellement incarcérée à la prison de Salé. Elle a fait appel de sa condamnation et devrait être rejugée dans les mois à venir. Fouzia a commencé une grève de la faim. Pour protester contre ses conditions de détention, son injuste condamnation et toutes les tortures qu'elle a endurées.

Alkarama a soumis le cas de Fouzia Azougagh au Groupe de travail sur la détention arbitraire le 28 mars 2011, en copie au Rapporteur spécial sur la torture.