Libye : La disparition forcée de l’ancien ministre de la défense, Al Mahdi Al Barghathi et celle de ses compagnons soumis à l’ONU

AL BARGHATHI

Le 12 décembre 2023, Alkarama a soumis en urgence au Groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées, la situation de M. Al Mahdi AL BARGHATHI, ancien ministre de la défense du Gouvernement d'Entente Nationale (GNA) et celle de ses compagnons, tous disparus le 6 octobre 2023 après avoir été enlevés par des membres de la "Brigade Tariq bin Ziyad", une milice dirigée par le fils de Khalifa Haftar, Saddam Haftar, dans le quartier Al-Salmani Al-Sharqi à Benghazi (est de la Libye). 

Disparus après avoir été enlevés par la milice « Tariq bin Ziyad » 

Avant d'être nommé ministre de la défense en 2016, M. Al Mahdi AL BARGHATHI était le commandant du 204e bataillon de chars à Benghazi et un membre influent de la tribu Al Awaqir. Il a déménagé dans la ville de Tripoli après la formation du GNA dirigé par M. Fayez AL SARRAJ. 

En 2019, M. AL BARGHATHI s'est ouvertement opposé à la guerre menée par le général Khalifa Haftar contre Tripoli et a appelé le peuple libyen à désengager leurs fils de la bataille. Depuis lors, il a été pris pour cible par Khalifa Haftar et accusé par ce dernier de soutenir le terrorisme. 

Après son départ du GNA, plusieurs tribus libyennes de la province orientale ont tenté de le persuader de revenir s’installer à Benghazi après avoir négocié des garanties pour sa sécurité et celle de ses proches avec Khalifa Haftar.  Après plus d'un an de discussions, il a finalement accédé à cette demande et est retourné à Benghazi le 6 octobre 2023. 

À son arrivée dans la ville, il s’est rendu dans la maison de sa mère située à Salmani Al-Sharqi, un quartier résidentiel de Benghazi. Aux alentours de 17h30, alors qu’il recevait des proches venus lui souhaiter la bienvenue, un groupe important de miliciens lourdement armés de la brigade Tariq bin Ziyad a fait irruption dans la maison familiale, tiré sur les invités et enlevé l’ancien ministre et plusieurs autres personnes présentes, dont ses proches compagnons, Abdulaziz Alhasouni Mohammed IMBARAK, Ali Mohamed Ali BUKHATWA, Fathi Fouzi Alhasouni MOHAMMED, Mohammed Faraj Milad AL BARAKI, Seraj Soliman Saleh SOLIMAN, Younus Salim Younus ABDULAZIZ et Sanid Sulayman Salih SULAYMAN. 

Les miliciens ont incendié plusieurs voitures avant d’emmener les victimes vers une destination inconnue. Au cours de l’attaque, de nombreuses personnes présentes, dont des femmes et des enfants, ont été blessés, tués ou enlevés par les miliciens parmi lesquelles l’épouse, la mère et les sœurs de M. AL BARGHATHI qui ont été détenues au secret et torturées plusieurs jours avant d’être relâchées. 

Au lendemain de l’attaque, les autorités de Benghazi ont déclaré lors d’une conférence de presse que M. AL BARGHATHI avait été arrêté après qu’il ait refusé de se rendre à la suite de la notification d’un mandat d’arrêt. Cependant, les personnes présentes ont unanimement témoigné qu’aucun mandat d’arrêt n’avait été présenté par les hommes armés lors de son enlèvement. 

À la suite du rapt de M. AL BARGHATHI et de ses compagnons, les familles concernées ont sollicité l’intervention du Bureau des Nations Unies à Tripoli, de la Croix Rouge internationale et du Procureur général, mais sans résultat.

Incertitude sur le sort de M. AL BARGHATHI 

Alors que la situation des compagnons de M. AL BARGHATHI reste totalement inconnue, la famille de l’ancien ministre a été avisée par les autorités contrôlées par Khalifa Haftar qu’il était décédé au cours l’attaque. Cependant une vidéo filmée lors de cette attaque montre les hommes armés emmenant l’ancien ministre sain et sauf. 

De plus, l’interdiction absolue faite par les autorités de Benghazi aux proches de voir le corps qui leur a été remis avant son enterrement a soulevé des doutes parmi les membres de la famille qui restent convaincus qu’il est toujours en vie. 

Cependant, si son décès venait à se confirmer au moyen d’une expertise médico-légale indépendante, il ne pourrait alors s’agir que d’une exécution extrajudiciaire dont le général Khalifa Haftar et son fils Saddam porteraient l’entière responsabilité.

Alkarama s’adresse au Groupe de travail 

Face au déni des autorités qui refusent de donner toute information et compte tenu de l’urgence de la situation, Alkarama s’est adressée au Groupe de travail des NU sur les disparitions forcées et au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires afin que les familles soient informées au plus vite du sort de leurs proches disparus et que ceux-ci soient placés sous la protection de la loi.