L’ex-militaire algérien, Benhalima MOHAMED AZZOUZ torturé en détention, Alkarama s’adresse en urgence à la Rapporteuse spéciale sur la torture Le 12 mars 2024, Alkarama s’est adressée en urgence à la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture afin de l’informer des sévices infligés à l’ex-militaire, Benhalima MOHAMED AZZOUZ, par les membres des services de sécurité dans la prison militaire de Blida (50 km sud Alger) où il est actuellement détenu à l’isolement.
Militaire algérien livré illégalement et précipitamment par les autorités espagnoles à l’Algérie courant mars 2022, MOHAMED AZZOUZ a publiquement déclaré le 7 mars dernier alors qu’il était déféré devant le tribunal criminel d’Alger avoir été victime une nouvelle fois de tortures et d’abus sexuels dans la prison militaire de Blida de la part des membres des services de sécurité. Le président d’audience lui a alors simplement répondu « que cela ne concernait en rien la présente procédure soumise au tribunal ».
MOHAMED AZZOUZ, un lanceur d’alerte contraint de fuir l’Algérie
MOHAMED AZZOUZ est devenu la cible des autorités algériennes depuis qu’il a dévoilé à travers des vidéos postées sur les réseaux sociaux plusieurs scandales au sein de l’armée algérienne impliquant de hauts gradés. « Lanceur d’alerte », il a publié ces vidéos sur YouTube dans lesquelles il a exposé la corruption et l’implication dans divers trafics de responsables civils et militaires aujourd’hui à la tête de l’État algérien. Il a également participé aux manifestations du « Hirak », des manifestations pacifiques qui se sont spontanément organisées contre le pouvoir en place pour appeler à l’instauration d’une démocratie et d’un État de droit.
Cependant, cette vague de manifestations pacifiques, accompagnés de la multiplication de révélations sur les réseaux sociaux par différents lanceurs d’alerte, ont entraîné une répression violente de la part des autorités algériennes qui ont redoublé les arrestations arbitraires et les poursuites judiciaires visant en particulier les activistes.
C’est dans ces circonstances que MOHAMED AZZOUZ a dû fuir l’Algérie pour l’Espagne le 1er septembre 2019, après avoir reçu des menaces téléphoniques et appris qu’il faisait partie d’une liste de personnes qui devaient être arrêtées pour leur participation au Hirak ainsi que pour avoir révélé des cas de corruption de hauts responsables de l'armée algérienne.
Demande d’asile et poursuite des activités depuis l’Espagne
A son arrivée en Espagne, muni d’un visa régulièrement délivré par l’ambassade d’Espagne à Alger, il a présenté une demande d’asile le 19 septembre 2019, demande enregistrée par les services de l’asile. Un titre de séjour provisoire d’une validité de six mois lui a été́ établi et a été régulièrement renouvelé dans l’attente d’une décision finale.
Depuis l’Espagne, il a poursuivi son activité militante en continuant à publier des vidéos sur YouTube pour dénoncer la corruption et la répression en Algérie et en intégrant le groupe local d’Amnesty International de Bilbao. Il a été condamné pour cette raison par contumace à 10 années de prison, sous la fallacieuse accusation d’« adhésion et financement d’un groupe terroriste ciblant la sécurité de l’État et l’unité́ nationale ».
A l’heure actuelle, les autorités continuent de recourir au prétexte de la lutte anti-terroriste pour poursuivre en justice des personnes exerçant légitimement leurs droits à la liberté d’opinion et d’expression, ainsi qu’à la liberté de réunion et d’association pacifiques.
Fuite vers la France et arrestation en Espagne
Le 12 août 2021, MOHAMED AZZOUZ a appris que son compatriote Mohamed ABDELLAH, un autre lanceur d’alerte avait été arrêté par les autorités espagnoles et renvoyé de force vers l’Algérie quelques heures seulement après la notification d’un arrêté ministériel d’expulsion et sans même que ne soient examinés les recours introduits par ses avocats. Il a alors quitté l’Espagne pour la France, où il s’est présenté spontanément aux services de la préfecture de police des Yvelines lequel lui a remis une attestation de demande d’asile. Quelques jours plus tard, après une retenue administrative, le préfet de police de Paris a, par arrêté, assigné à résidence MOHAMED AZZOUZ avec obligation de se présenter au commissariat central du 15ème arrondissement certains jours de la semaine.
Ayant été « averti » qu’il serait probablement arrêté MOHAMED AZZOUZ a hâtivement quitté la France pour l’Espagne d’où̀ il espérait partir vers une autre destination. Il a cependant été arrêté à Saragosse le 14 mars 2022 dans des circonstances troublantes indiquant qu’il faisant l’objet d’une surveillance constante dès son arrivée sur le territoire ibérique. Il a été placé en garde à vue dans les locaux du Commissariat de Saragosse avant d’être interné au centre de rétention administrative de Valence le 16 mars 2022 après avoir été notifié qu’il serait renvoyé vers l’Algérie à la demande du ministère de l’Intérieur espagnol.
MOHAMED AZZOUZ, victime de tortures en détention
Dans la soirée du 24 mars 2022, MOHAMED AZZOUZ, a été promptement livré à l’Algérie par avion spécialement affrété, en dépit de la demande de mesure suspensive provisoire déposée par ses avocats espagnols.
Dès son arrivée en Algérie, il a été transféré au centre de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) où il a rapporté avoir été déshabillé, torturé, soumis à des attouchements sexuels et forcé à faire des aveux. Début avril, il a été conduit à la prison d’El Harrach où il a été détenu au secret jusqu’au 28 avril 2022. En mai 2022, il a fait l’objet d’un transfèrement à la prison militaire de Blida où il a été placé en isolement. L’ensemble des visites de sa mère en prison se sont déroulées sous haute surveillance en présence d’au moins deux militaires.
Le 19 juin 2022, lors d’un premier procès devant le tribunal de Koléa (30 km est Alger), MOHAMED AZZOUZ a publiquement déclaré avoir été torturé et n’avoir reçu aucune visite médicale alors qu’il en avait fait la demande au juge d’instruction. Le juge a refusé de l’entendre en affirmant qu’il n’était pas chargé d’examiner cette question. Le 28 août 2022, il a été déféré de nouveau devant le tribunal de Bir-Mourad-Rais (Alger) où il a encore déclaré avoir été torturé et abusé sexuellement. Le parquet pourtant tenu par la loi d’ordonner l’ouverture d’une enquête, n’a pas donné de suite à ces graves déclarations.
Enfin, plus récemment, au cours de son audience du 07 mars 2024 devant le tribunal criminel d’Alger, MOHAMED AZZOUZ a encore affirmé publiquement qu’il avait fait récemment l’objet de tortures et d’abus sexuels de la part des militaires de la prison de Blida. Cependant, ses déclarations n’ont pas davantage été prises en compte par le juge en charge de l’affaire.
Alkarama s’adresse à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies
Dans son appel urgent adressée à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies, Alkarama a souligné le refus flagrant des autorités judiciaires algériennes de prendre en considération les affirmations de Benhalima MOHAMED AZZOUZ relatives à la torture dont il est victime en détention indiquant qu’il s’agit d’une violation des articles 12 et 13 de la Convention contre la torture, ratifiée par l’Algérie le 12 septembre 1989, faisant obligation aux États d'enquêter sur toutes les allégations de torture.
Alkarama a appelé la Rapporteuse spéciale et plusieurs autres procédures spéciales des Nations Unies à exhorter les autorités algériennes à s’abstenir de tout acte de torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants à l’encontre de Benhalima MOHAMED AZZOUZ tout en s'assurant instamment qu’il soit traité avec la dignité et le respect qui lui sont dus, conformément à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus.