​​Egypte : La libération d'un militant des droits humains sans condamnation réaffirme la vérité sur l’instrumentalisation politique de la loi contre-terrorisme

الناشط المصري من أصل فلسطيني رامي شعث

La  libération sans procès de l'activiste égyptien d'origine palestinienne Rami Shaath, confirme la crédibilité des accusations portées contre les autorités égyptiennes de détournement des mesures de lutte contre le « terrorisme », et l'utilisation politique de cette accusation comme prétexte pour réprimer des militants et faire taire les voix de l'opposition. Alkarama n’a cessé d’alerter sur ces pratiques durant ces dernières années.

Lundi 3 janvier, le parquet du Caire a libéré le militant politique Ramy Shaath après avoir passé deux ans et 6 mois en prison, selon un responsable judiciaire.

Le 5 juillet 2019, les autorités de sécurité égyptiennes ont arrêté Shaath, 50 ans, au Caire, accusé de « terrorisme » et d'incitation à « des troubles contre l'État », et son épouse française, Céline Le Brun, a été expulsée vers Paris.

Shaath est l'un des visages de la révolution pacifique égyptienne de janvier 2011, le coordinateur du mouvement du Boycott, du désinvestissement et de Sanctions contre Israël (BDS). Il est le fils de Nabil Shaath, un dirigeant éminent et ancien ministre de l'Autorité palestinienne.

En avril 2020, le nom de Shaath a été inscrit sur la liste égyptienne des « entités et individus terroristes ». Cette décision était vivement critiquée par des experts de l'ONU, appelant à ce que son nom soit retiré des listes du terrorisme.
 

Les actions d’Alkarama

Les autorités égyptiennes n'hésitent pas à procéder à des exécutions extrajudiciaires sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Dans ce contexte, Alkarama a adressé le 31 janvier 2019 un mémorandum au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, lui demandant d'appeler les autorités égyptiennes à : « Divulguer les noms de toutes les personnes tuées le 30 décembre 2018 lors d'opérations présentées par les autorités comme une intervention dans la lutte contre le terrorisme en réponse à l'attentat terroriste du 29 décembre 2018 visant un bus touristique à Gizeh ».

Après avoir examiné les circonstances entourant les opérations et l'identité des personnes décédées et présentées comme des terroristes par la Sûreté de l'État, Alkarama a précisé que nombre d'entre elles étaient en fait détenues au secret.

Alkarama avait traité de nombreux cas d'arrestations arbitraires, de disparitions forcées, de torture et de mauvais traitements dans les prisons du régime égyptien, qui ont connu une escalade alarmante depuis le coup d'État militaire du 3 juillet 2013, dirigé par le général Abdel Fattah Al-Sisi. Alkarama a écrit à ce sujet aux procédures spéciales des Nations Unies. Elle a également mis en garde, auparavant, contre le danger d’exécution des condamnations à mort dans des procès non équitable. Les experts de l'ONU ont adopté les préoccupations d’Alkarama. Cependant, le régime égyptien n'a pas cessé de faire encore plus de victimes en instrumentalisant la justice.

 

Les déclarations des experts de l’ONU

Le 1er décembre 2021, des experts des droits humains des Nations Unies ont appelé l'Égypte à mettre fin à l'utilisation abusive des mesures antiterroristes contre des militants de la société civile, des avocats, des journalistes et des défenseurs des droits humains.

Les experts ont déclaré  que la justification systématique de ces mesures « sous le couvert de la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies constitue une grave menace pour la légitimité des cadres et lois internationaux pour lutter contre le terrorisme, promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Elle menace également, à long terme, la paix et de stabilité en Égypte. »

Les experts ont exprimé leur consternation face à l'inscription des défenseurs des droits humains sur les listes du terrorisme. Les experts ont également exprimé leur vive préoccupation au sujet de la loi antiterroriste égyptienne et des tribunaux du Département terrorisme, affirmant que l'utilisation systématique de définitions larges et vagues du terrorisme visant les défenseurs des droits humains, les journalistes et ceux qui exercent leurs droits humains et leurs libertés fondamentales (y compris les libertés de d'expression, de réunion et d'association pacifiques) porte atteinte aux droits humains.

Les experts ont exhorté l'Égypte à revoir la loi antiterroriste et à annuler les récents amendements qui laisse prédire de nouvelles violations des droits humains.