Algérie : Le fils d’une victime d’exécution sommaire condamné à cinq ans de prison en représailles à sa plainte au Comité des Droits de l’Homme

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Le 15 novembre 2017, le défenseur des droits de l’homme Rafik Belamrania a été condamné par le Tribunal criminel de Jijel à cinq années d’emprisonnement pour « apologie du terrorisme ». Il a également été condamné à une peine complémentaire de trois ans de privation de ses droits civils et politiques, signifiant, entre autres, qu'il ne peut être membre d'aucune association ni entreprendre des activités de défense des droits de l'homme. Cette condamnation constitue une mesure de représailles pour son activisme pacifique pour la défense des droits des enfants de disparus, et plus particulièrement en raison la plainte que M. Belamrania avait déposé devant le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unis (Comité DH) au nom de son père qui avait été exécuté sommairement par l’armée pendant la guerre civile.

En 2012, après avoir tenté vainement d’obtenir justice en Algérie, Rafik Belamrania avait saisi le Comité onusien pour faire constater les graves violations dont son père Mohammed avait été victime. Ce dernier avait été arrêté en 1995, torturé et sommairement exécuté par l’armée. Le 17 février 2017, trois jours après avoir publié sur Facebook la décision du Comité en sa faveur, Rafik Belamrania avait été convoqué au commissariat central de la sûreté de la wilaya de Jijel où il a été interrogé sur son compte Facebook au prétexte qu’il aurait « porté atteinte à la réputation de membres de l’administration locale qu’il a accusé de corruption ».

L’interrogatoire s’est toutefois rapidement orienté sur sa plainte devant le Comité onusien et sur son activisme au sein l’association d’enfants de disparus Mish’al, dont il est l’un des membres fondateurs. Une perquisition a également été effectuée à son domicile, suite à laquelle tous les documents de l’association Mish’al et le dossier de la plainte déposée au nom de son père devant le Comité ont été saisis.

Le Procureur de la République du Tribunal de Jijel l’a ensuite inculpé d’« apologie du terrorisme » en vertu de l’article 87 bis paragraphe 4 du Code pénal et placé en détention. Cette accusation est régulièrement invoquée par la justice algérienne pour réprimer toute forme de critique contre les autorités.

Gravement préoccupés par ces mesures de représailles, le 31 mars 2017, un groupe d’experts onusiens a adressé une lettre aux autorités algériennes affirmant que sa détention et les accusations portées contre lui étaient « liées à ses activités légitimes et pacifiques en faveur de la défense des droits de l’homme et en particulier à son exercice du droit à la liberté d’expression ». En outre, en septembre 2017, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, dans son rapport annuel sur les représailles contre les personnes qui collaborent avec l’ONU, a également soulevé le cas de Rafik Belamrania.

Le 15 novembre 2017, Rafik Belamrania a comparu devant le Tribunal criminel de Jijel. Lors de l’audience, le juge l’a sommé de s’expliquer sur les dossiers de victimes de disparitions forcées saisis à son domicile par la police. Le Procureur lui a également reproché d’ « en vouloir à l’Algérie », interprétant ainsi son activisme pacifique et sa plainte auprès d’une instance onusienne comme l’expression d’une attitude hostile envers le pays. Le caractère politique de ces accusations a été dénoncé par ses avocats.

Alors que M. Belamrania a nié toutes les accusations portées contre lui et malgré l’absence dans le dossier de tout élément de preuve matériel, il a néanmoins été condamné à cinq ans de prison ferme, une amende de 100,000 dinars algériens ainsi qu’à une peine complémentaire de trois ans de privation de ses droits civils et politiques.

« La condamnation de Rafik Belamrania à l’issue d’un procès de nature manifestement politique constitue un précédent particulièrement grave. Les représailles inacceptables dont il est victime entravent de manière claire son droit fondamental à demander la justice et la vérité sur les crimes commis contre son père », a affirmé Rachid Mesli, directeur juridique de la Fondation Alkarama.  

Le 21 novembre 2017, Alkarama a écrit au Comité des droits de l’homme ainsi qu’au Secrétaire générale des Nations Unies pour leur demander de bien vouloir rappeler aux autorités algériennes de cesser toute mesure de représailles contre M. Belamrania et procéder à sa libération immédiate.

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