Algérie: Décès des suites de la torture de Mounir Hammouche

Alkarama for Human Rights, 29 mai 2007

Alkarama for Human Rights a communiqué au rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires les derniers éléments du dossier Mounir Hammouche, décédé à la suite des tortures subies pendant sa garde à vue. La famille du défunt tente depuis début février 2007 d'obtenir un rapport de l'autopsie qui aurait été effectuée sur ordre des services de sécurité. Tous les courriers envoyés au Procureur général de la cour de Bordj Bou Arreridj et du tribunal de Ras El Oued sont restés sans réponse. 

Alkarama for Human Rights demande au rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires qu'il intervienne auprès des autorités algériennes afin que le rapport d'autopsie soit remis à la famille du défunt.

Pour rappel, le 18 janvier 2007, Alkarama for Human Rights avait saisi le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, le rapporteur spécial sur la torture et le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste de l'ONU pour leur soumettre le cas de Mounir Hammouche, décédé des suites des tortures qu'il a subies.

Mounir Hammouche, né le 15 décembre 1980, résidant à Ain Taghrout dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj a été arrêté le jeudi 20 décembre 2006 à 20h à la sortie de la mosquée de la ville. Des hommes armés et en tenue civile, circulant à bord d'un véhicule de marque Peugeot 406 de couleur grise et immatriculée à Alger l'ont embarqué. Il a été conduit à une caserne du Département du renseignement et de la Sécurité (DRS).

Selon da famille les agents lui ont reproché "de ne pas faire la prière dans la mosquée la plus proche de son domicile" et "de porter une barbe ainsi qu'une tenue vestimentaire islamique". Il a été libéré le lendemain 21 décembre et il n'est pas connu s'il a été torturé lors de cette première arrestation.

Deux jours plus tard, le 23 décembre 2006, il a été enlevé une nouvelle fois par ces mêmes personnes circulant à bord du même véhicule, toujours à la sortie de la mosquée après la dernière prière du soir. Six autres personnes ont été arrêtées dans les mêmes circonstances. Toutes ont été conduites à la caserne du DRS de Constantine où elles ont fait l'objet de mauvais traitements et de tortures.

Le 29 décembre au soir les proches de Mounir Hammouche ont été informés du décès de celui-ci lors de sa garde-à-vue. Les services de sécurité ont prétendu qu'il "s'était probablement suicidé" et "qu'une autopsie avait de toute façon été pratiquée". Ils leur ont autorisé de reprendre le corps dans la soirée.

La famille a alors constaté que la victime portait de nombreuses traces de tortures dont une blessure au niveau de la tête ainsi que des ecchymoses au niveau des mains et des pieds. La famille a procédé à l'enterrement du défunt le lendemain 30 décembre 2006 en présence des autorités sécuritaires et sous surveillance policière. La famille est persuadée que Mounir Hammouche est décédé des suites des tortures qu'il a subies alors qu'il était en garde-à-vue à la caserne du DRS à Constantine.

C'est ce service, dont les membres ont également qualité d'officiers de police judiciaire, qui a présenté les autres personnes arrêtées su procureur de la République du tribunal de Bordj Bou Arreridj qui a ouvert une information judiciaire pour "apologie au terrorisme" selon l'article 87 bis 4 du code pénal algérien. Cet article prévoit que " quiconque fait l’apologie, encourage ou finance, par quelque moyen que ce soit, des actes visés à la présente section, est puni d’une peine de réclusion à temps de cinq (5) à dix (10) et d’une amende de 100000 DA à 500000 DA".

Cette accusation ainsi que celle "d'appartenance à une organisation terroriste" est couramment invoquée par les services de sécurité algériens pour justifier les arrestations et détentions arbitraires ainsi que les gardes à vue prolongées.

Le DRS, l'ancienne "Sécurité militaire" relève du ministère de la Défense nationale, charge assumée par le Président de la République en personne. Ce service est particulièrement connu pour avoir commandité des milliers de cas de disparitions forcées, d'exécutions extrajudiciaires ainsi que pour sa pratique systématique de la torture.

Alkarama for Human Rights considère que ce décès probablement des suites de la torture justifie l'intervention des rapporteurs spéciaux de l'ONU afin qu'ils interviennent auprès autorités algériennes. Rappelons que l'Etat algérien est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la convention de la torture depuis 1989.